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La Toscane fait face à ses problèmes de débouchés

Pour faire face à la stagnation des ventes, les producteurs italiens de Toscane ont créé un consortium rassemblant vingt producteurs et trois coopératives. Objectif : assurer le marketing, la communication et la promotion des végétaux.

Berceau de la pépinière italienne qui inonde toute l'Europe, la Toscane tente de maintenir ses parts de marché, voire de reconquérir les places perdues, par une approche originale...

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L'Italie n'est pas épargnée par la crise, comme le reste de l'Europe. La production végétale non plus et cela se ressent dans la province de Pistoia, en Toscane, où, depuis 2008, la profession constate un ralentissement de ses ventes. Le premier semestre 2011 a été marqué par une stagnation de celles-ci, avec un brusque coup de frein à partir du mois de mai. Cet automne, une reprise est apparue, mais on est loin de l'embellie tant attendue.

Les producteurs italiens ont déjà connu des crises qu'ils ont su surmonter et les délais de paiement de six à dix mois, quand ce n'est pas un an et plus, sont fréquents dans le pays. Nombre d'horticulteurs se sont déjà trouvés en grande difficulté à cause de collectivités locales et de structures étatiques qui peinaient à régler leurs factures. Pour s'en sortir, ils ont cherché d'autres marchés. L'Allemagne a accroché, ainsi que la Scandinavie, séduites par le caractère « exotique » de la production italienne.

Une fédération d'une centaine de pépinières

L'exportation est devenue l'activité principale des producteurs toscans. Une dizaine de grosses structures (Vanucci est la plus connue en France), dotées de services marketing et commerciaux, traitent les marchés. Pour remplir les camions, elles font appel à leur propre production, mais aussi à celle de très nombreux petits producteurs qui gravitent autour d'elles. Certains ne travaillent qu'avec ce système de commercialisation. C'est confortable pour eux, mais quand les marchés d'exportation toussent, c'est toute la production de Pistoia qui s'enrhume !

Pour faire face à ces difficultés croissantes, les producteurs ont créé en 2008 le Consorzio Toscana Produce. Il regroupe vingt exploitations et trois coopératives : Flor Export (soixante-dix coopérateurs), Coflora Toscana (quatre membres) et Flora Toscana (neuf adhérents). En tout, ce consortium fédère une centaine d'exploitations de tailles très diverses. « Cette structure a été faite par des producteurs pour des producteurs », confie Adolfo Giannecchini, son animateur. « L'objectif est d'assurer le marketing, la communication et la promotion des végétaux produits au sein du groupement. » L'adhésion est volontaire, avec une cotisation de 500 euros par an. Chacun participe au financement des différentes activités du consortium. « Cette initiative est importante, car elle nous permet de peser face aux pouvoirs publics comme la région, la chambre de commerce et les ministères », poursuit Adolfo Giannecchini.

« Et nous voulons aussi compter pour la Commission européenne. Bruxelles ne s'intéresse qu'à des PME qui emploient au moins quinze personnes et dont le chiffre d'affaires est de 50 millions d'euros et plus, mais en Italie, nous avons beaucoup de petites et moyennes sociétés qui sont en deçà de ce seuil. Ainsi regroupés, nous aurons plus de poids. »

Une nouvelle exigence de transparence

Ce groupement s'est fixé trois objectifs. Le premier consiste à établir des statistiques mensuelles fiables. Impossible, en effet, de connaître le nombre exact de plantes vendues chaque mois...

C'est là une situation paradoxale pour une région aussi productrice, mais qui a une explication : l'imposition des producteurs se fait sur la surface exploitée, et non sur le nombre de plantes produites ou sur leur valeur. Cette approche fiscale explique en partie pourquoi la pépinière italienne est plus compétitive que la pépinière française. Elle pose toutefois un problème aux producteurs italiens : les banques ne veulent plus prêter sur la valeur du terrain. Elles exigent des chiffres précis sur l'activité de l'entreprise, d'où un blocage des financements. « Il est vrai que chez nous, comme en France ou aux Pays-Bas, les banques sont devenues propriétaires de trop d'entreprises en difficulté », constate Adolfo Giannecchini.

Une qualité certifiée

Le deuxième chantier concerne la certification des plantes et des fleurs. Le consortium mène une opération pilote en ce sens, en collaboration avec le ministère de l'Agriculture depuis deux ans. Elle devrait s'achever l'année prochaine, puis être généralisée à l'ensemble du pays.

« C'est devenu primordial si nous voulons exporter nos produits », explique Adolfo Giannecchini. « Les grands donneurs d'ordre comme Ikea ne veulent pas autre chose que des fleurs et des plantes certifiées. »

Des regroupements pour optimiser la logistique

Le troisième et dernier projet touche à la logistique. Il est mené conjointement avec le ministère de l'Agriculture italien. « Nos petits et moyens producteurs ont des difficultés à commercialiser leurs plantes et leurs fleurs, notamment pour des raisons de logistique », fait remarquer Giovanni Battista Ferrarese, du ministère. « Ils doivent aussi faire face à l'augmentation du coût de l'énergie. Si leur structure familiale leur permet de mieux s'adapter et d'amortir la crise, ils ont cependant besoin d'aide pour faciliter l'écoulement de leurs productions. Notre projet vise à regrouper les petites structures en coopératives pour garantir une certaine quantité de marchandises à expédier. Notre idée est de créer trois à quatre gros centres de regroupement en Italie pour remplir les camions. Mais pour que cela fonctionne, ceux-ci ne doivent pas revenir à vide. C'est notre rôle de réfléchir à cette réorganisation. » L'Italie ne semble pas avoir de soucis de transport. Les camions sont disponibles, propriété de transporteurs nationaux ou venant des pays voisins, comme la Roumanie. « La Toscane est la plus grosse région italienne de production de plantes de pépinières et de marché couvert », fait remarquer Adolfo Giannecchini. « Pise est à la croisée de plusieurs autoroutes : nous sommes à 3 heures de transport de nombreux marchés nationaux et internationaux. Et nous avons de la place pour créer des installations logistiques. L'idée est de concentrer l'offre ici, avant de la ventiler vers différents clients par camions pleins. »

Reste qu'en Italie aussi, les soucis de logistique tournent plus autour des chariots CC que du reste. « La logistique n'est pas un problème de plantes, de qualité ou de prix, mais de chariots », clame Adolfo Giannecchini. « Pas de chariot, pas de marchandise ! Or, les transporteurs n'en ont pas : ce sont les producteurs qui les achètent. Le souci, c'est de les récupérer ensuite, ce qui impose qu'il y ait du trafic dans les deux sens ! » Une telle organisation n'est pas facile à mettre en place.

Pour une identification de l'origine

Adolfo Giannecchini s'emporte également contre l'anonymat des plantes. « Près de 90 % d'entre elles ne sont pas identifiés, c'est tout de même fou ! Pourquoi ne mettrait-on pas en place, comme avec l'eau minérale en France ou le vin en Italie, une identification des végétaux ? Pourquoi ne pas leur donner une dénomination marketing ou leur apposer une marque ? Une AOC fleurs serait légitime ! Si les produits alimentaires sont primordiaux pour vivre, les plantes sont de l'ordre de l'accessoire, voire du luxe. Il faut donc les défendre et aussi les adapter aux goûts des pays dans lesquels nous souhaitons les vendre. »

Pour mieux se faire connaître, le consortium a organisé, en septembre, un séminaire de travail baptisé « Le jardin de la Toscane en Europe ». Des acheteurs en provenance d'Allemagne, d'Autriche, de France et de Suisse ont été invités pendant trois jours. Le premier a été consacré à des rencontres entre les entreprises toscanes et les acheteurs étrangers. Durant les deux autres jours, ces derniers ont visité les exploitations pour découvrir et apprécier les végétaux présentés. Une manière de toucher du doigt la qualité toscane, recherchée par les opérateurs. Ce type d'opération de promotion devrait être renouvelé.

Patrick Glémas

Groupement. Consortio Toscana Produce, le nouveau consortium animé par Adolfo Giannecchini, réunit une centaine de producteurs de la région de Pistoia.

Identification. Près de 90 % des plantes sont anonymes, une folie pour l'animateur du nouveau réseau. Son idée : rendre la plante identifiable, comme le vin...

Transparence. L'un des premiers objectifs des producteurs est d'établir des statistiques fiables pour enfin savoir combien de plantes quittent la région chaque année.

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