PIERRE DE MAINDREVILLE, EX-DIRECTEUR DES ACHATS DE GAMM VERT « La distribution se professionnalise ! »
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Pierre de Maindreville vient de quitter l'enseigne Gamm Vert pour mener à bien un projet d'entreprenariat personnel. Fort d'une expérience de douze ans passés dans l'enseigne, à différents postes, et de dix années dans un groupement de producteurs, il revient pour le Lien Horticole, sur les grandes évolutions enregistrées ces dernières années par le secteur du jardin.
Quel regard portez-vous sur l'univers du jardin ?
Jusqu'à une certaine époque, le secteur a vécu sur une croissance confortable sans trop se poser de questions. Mais la réalité est aujourd'hui différente : le marché du jardin est un secteur à part entière avec des consommateurs et des attentes... Et il connaît une profonde mutation. Le temps des confusions entre distributeurs et fournisseurs est révolu : la différenciation devient plus forte. Des enseignes acquièrent une véritable identité. Des fusions sont en cours : nous sommes au milieu du gué.
Concrètement, cela se traduit comment ?
La distribution s'est professionnalisée pour répondre aux consommateurs devenus plus exigeants. Le marché ne supporte plus la médiocrité. La transition sera difficile tant pour les distributeurs que pour les fournisseurs. Mais c'est un marché de loisirs : il ne devrait pas connaître de récession, à l'image de ce qui se passe en décoration. La dimension plaisir est extrêmement porteuse et le triptyque « j'ai envie, je réalise, je suis satisfait », plein d'avenir. La plupart des acteurs en ont pris conscience. Les choses vont aller vite.
Dans quelles directions les jardineries doivent-elles évoluer ?
Les consommateurs attendent de la distribution qu'elle soit plus organisée et plus spécialisée. À l'image de Décathlon, qui a misé sur la R&D pour créer de nouveaux besoins, ou d'Ikea, qui a révolutionné le cheminement amont, les jardineries doivent trouver un nouveau modèle. Il passe par une réponse à la demande des consommateurs, soucieux de valoriser leur jardin. Le mix produit doit évoluer pour intégrer la décoration, le minéral, les services...
La concurrence n'a-t-elle pas déjà pris de l'avance ?
Les grandes surfaces de bricolage ont bien compris l'intérêt du marché du jardin. Dotées d'un modèle économique efficace et d'une bonne maîtrise des flux, elles possèdent un savoir-faire indéniable en matière de bricolage et de décoration. C'est une force quand l'aménagement et la décoration des petits et moyens jardins préoccupent les consommateurs. Le bricolage va surfer sur cette approche « décoration », en s'appuyant sur leur offre de services, certaines enseignes ayant développé un réseau d'artisans associés. Le végétal reste toutefois leur point faible. Les jardineries ont une carte à jouer, avec une offre riche, des espèces et des variétés nombreuses... mais insuffisamment différenciées. Toutes sont quasiment identiques ! L'offre est commune et basique, leurs méthodes de vente uniformes. De gros efforts doivent être consentis pour enrichir et diversifier cette offre.
Justement, où en est le végétal en France ?
L'industrialisation de la production se poursuit et les innovations variétales se multiplient. La grande difficulté reste de communiquer sur un produit frais et périssable. L'attente des consommateurs est pourtant forte, notamment celle des nouveaux jardiniers, ce qui est inédit. Le végétal est le rayon qui fait le plus rêver, mais c'est aussi celui qui déçoit le plus. Il faut rendre le végétal ludique, prendre garde de ne pas le fragiliser avec des ventes à contre-saison, une qualité médiocre ou des défauts d'authenticité variétale.
Quelle place occupe la production française ?
Elle reste la plus puissante en Europe. Il y a un vrai savoir-faire horticole dans notre pays, mais la production ne répond pas à toutes les problématiques de la distribution. Pour le végétal, comme pour les autres produits de jardinerie, nous sommes face au même consommateur. La production végétale française doit mieux répondre à leurs attentes, même si la distribution n'est pas exempte de reproches...
Quelles sont les forces des jardineries ?
Le jardin est un métier très technique, basé sur des produits et des conseils de qualité. Cela ne doit pas empêcher les enseignes d'adopter une politique de prix raisonnable. Le rôle des vendeurs est primordial, mais il faut être vigilant car ils perdent en savoir-faire. Ce ne sont pas uniquement des manutentionnaires. Ils doivent connaître les plantes et maîtriser l'art et les techniques de vente. Le métier n'est pas assez valorisé.
Et les services ?
Le jardin n'échappe pas aux règles de la distribution. Les services en font partie : c'est une attente des consommateurs. Mais cette idée n'est pas facile à mettre en oeuvre car elle passe par la maîtrise d'un réseau d'artisans. D'autres l'ont fait : pourquoi pas les jardineries ? La vente à distance ne doit pas être négligée. Que ce soit par Internet ou par d'autres voies, aucune enseigne ne peut s'en priver.
Patrick Glémas
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