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DOMINIQUE DOUARD, ENTREPRENEUR DU PAYSAGE À PERPIGNAN ET PRÉSIDENT DE VAL'HOR « La filière est plus unie que jamais »

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Le président de Val'Hor est, par essence, un observateur de tous nos métiers liés au végétal. Nous lui avons demandé d'ouvrir une rubrique qui vise à organiser le dialogue au sein de la filière (voir édito)...

« La profession doit rester soudée », a dit Érik Orsenna à Strasbourg. Pour vous, la filière est-elle vraiment soudée ?

Si Érik Orsenna nous a demandé de rester soudés, c'est qu'il a pu constater, au cours des réflexions qu'il a menées à nos côtés pendant ces deux dernières années, que nous l'étions maintenant réellement et qu'il fallait donc continuer dans cette voie. À l'occasion de la rédaction du nouvel accord qui nous unit pour trois ans, de 2011 à 2014, les neuf familles représentatives de l'horticulture française se sont livrées à un véritable aggiornamento de l'interprofession. Toutes les questions ont été débattues et toutes les familles ont pu s'exprimer en toute franchise. Résultat : à ma grande satisfaction, nous avons tous fait les efforts nécessaires pour comprendre l'autre et mieux travailler ensemble. Les commissions se réunissent, les actions sont menées avec conviction et compétence ; nous avons su renforcer les liens entre nous mais aussi avec nos partenaires extérieurs et les pouvoirs publics. Bref, la filière est plus unie que jamais.

Le secteur du paysage comme les jardineries ont connu un essor sans précédent. Mais la production ne semble pas en profiter. Pourquoi ?

Les jardineries ont été nombreuses à s'implanter car elles font face à un marché émergent rendant ce maillage nécessaire. Cela devrait se stabiliser. Toutefois, nous ne pouvons pas dire que les producteurs n'en ont pas profité. Les jardineries représentent pour les producteurs français 20,90 % (*) des ventes (soit la seconde place après la vente aux particuliers). Pour les 26 000 entrepreneurs du paysage le cas est différent.

Les créations nouvelles sont essentiellement de petites structures qui effectuent surtout des travaux d'entretien et n'utilisent donc que peu de végétaux. Pour les entreprises de création, le végétal reste la base du jardin, mais ce marché a considérablement évolué notamment vers plus de surfaces minérales. En outre, il a vu le développement d'entreprises du paysage qui se spécialisent dans des domaines comme l'arrosage intégré, la maçonnerie paysagère, l'éclairage, l'élagage... Elles tournent autour du végétal sans engendrer d'achats de végétaux. À ce jour, le marché du paysage (entreprises et collectivités) représente 12,50 % des ventes des producteurs. C'est effectivement assez faible, mais je suis convaincu qu'il y a là une marge de progression possible.

Les producteurs perçoivent souvent les jardineries comme des lieux où l'on privilégie la déco au détriment du végétal. Partagez-vous ce point de vue ?

Non, les ventes de végétaux représentent en moyenne 45 % du chiffre d'affaires des jardineries. Le végétal reste la base et la raison d'être de ce type de magasin. Mais pour rentabiliser leurs investissements, notamment au regard de la saisonnalité, et répondre aux attentes de leurs clients, elles ont développé des rayons animalerie, décoration, bibliothèque... Il suffit de se promener dans une jardinerie en cette période de Noël pour s'en convaincre ! Plus vous augmentez la fréquentation et plus vous avez de chance de vendre du végétal !

Aujourd'hui, il est aisé de se fournir à l'étranger en végétaux bon marché. La France se désindustrialise, est-elle condamnée à voir disparaître son tissu de producteurs ?

Non. Bien sûr, notre pays importe beaucoup trop. Les trois principaux fournisseurs sont les Pays-Bas (64,10 % des importations), la Belgique (11,90 %) et l'Italie (8,30 %). Ces pays sont remarquablement organisés et font preuve d'une véritable culture de l'exportation qui nous fait défaut. Nous n'exportons que 6 % de notre production. Mais ma conviction est que la France va se réindustrialiser. Il ne peut pas en être autrement. Et la production horticole en profitera, ne disparaîtra pas. Toutefois, il va falloir se battre et l'interprofession sera aux côtés des producteurs pour cela. Ce sujet a été très présent dans le cadre de notre cercle de réflexion pour une Cité Verte, qui a présenté ses soixante-dix propositions. Nous devons aussi mettre tous les acheteurs et les élus face à leurs responsabilités. Acheter français, ce n'est pas du protectionnisme, c'est de la solidarité. Nos voisins ne se gênent d'ailleurs pas pour donner la priorité à leur propre production !

La production est souvent décriée pour sa difficulté à s'adapter au marché. Le glissement des annuelles vers des vivaces en est assez caractéristique. Mythe ou réalité ?

Ce glissement est une réalité. Nos entreprises doivent avant tout être à l'écoute de leurs clients et des tendances qui les guident. Ce constat vaut aussi bien pour la production que pour les prestataires de services. Produire pour produire n'a aucun sens. Vivaces et graminées ont supplanté les annuelles, l'art topiaire revient à la mode au coeur de jardins zen et plutôt dépouillés... Nous devons nous adapter.

Quel sera selon vous l'impact de l'augmentation de la TVA sur notre secteur ?

Il devrait être très faible, la hausse n'étant pas de nature, selon moi, à freiner l'acte d'achat. Pour les professionnels, l'impact doit être nul, puisque la TVA est une taxe payée par le consommateur final.

Comment imaginez-vous 2012 ?

Ce sera une année très difficile, une transition, marquée par un calendrier électoral qui favorise l'attentisme et le report des investissements.

Donnez-nous trois bonnes raisons d'être optimistes !

Sans tomber dans un optimisme béat, je pense sincèrement que nous avons des raisons objectives de croire en notre avenir.

- Nos métiers ont du sens. Offrir un bouquet de fleurs a du sens, dessiner et créer un jardin a du sens. Nos métiers ne sont donc pas voués à la disparition. Mais il faudra nous remettre en question, nous adapter.

- Nous avons notre place dans la mutation écologique de notre économie. Beaucoup de professions adoptent un vert de circonstance, mais nos métiers sont « verts » par nature : nous sommes les premiers métiers de la croissance verte. Nous représentons des emplois dont la plupart ne sont pas délocalisables. De plus, les bienfaits portés par la présence du végétal ne sont plus à démontrer. Ils sont vitaux pour les humains dans le monde de demain qui sera surtout celui des villes.

- Je constate que de plus en plus de professionnels comprennent l'importance de l'action collective. Je reviens de Paysalia, à Lyon. J'ai vu des professionnels échanger, des jeunes, avec leurs enseignants, participer à un concours national de reconnaissance des végétaux. J'ai vu des créateurs concourir pour le titre de Maître-Jardinier. Un de mes confrères m'a dit : « Je suis entré dans le salon avec le moral dans les chaussettes, j'en suis sorti remonté à bloc ».

Le meilleur moyen de donner un sens au présent, c'est de préparer l'avenir. Un avenir que nous ne voulons pas subir, mais à la construction duquel nous voulons participer. C'est dans cette perspective que se place résolument notre interprofession. Les multiples initiatives que nous menons préparent les succès de demain.

Pascal Fayolle

(*) Les chiffres de cette interview proviennent du rapport France AgriMer 2010.

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