Sud-Est. Inondations : la vallée de l'Argens se relève entre découragement et espoir...

Moins de vingt jours après les intempéries qui ont frappé la région, les professionnels s'interrogent, à l'instar de ces six floriculteurs et pépiniéristes de Roquebrune-sur-Argens.

Après le retrait des eaux et le passage éclair – des ministres, la boue de limon restant à évacuer témoigne du travail à venir, qui s'ajoute au lancement des nouvelles productions. Dans la vallée du fleuve Argens, le moral oscille entre grand découragement et souhait de repartir. La plupart des horticulteurs avaient déjà été touchés en juin 2010 et venaient juste de relever la tête, même si tout n'était pas encore réparé, loin de là...

L'avenir des entreprises de nouveau menacé

Claire Bertin, responsable depuis 2000 des pépinières Bertin Lauriers Roses, spécialisées dans les lauriers roses, reconnaît que le moral « en a pris un coup ». Un an après les intempéries de 2010, Marie-José Bertin, créatrice de l'entreprise (en 1984), est décédée. Aujourd'hui, Claire Bertin, qui a repris les rênes, ressent cette nouvelle inondation comme une « injustice » au regard des efforts consentis, des investissements réalisés et de l'énergie dépensée pour se remettre à flot. « Faut-il tout recommencer ? », s'interroge-t-elle. Cette fois, l'urgence est de nettoyer, plante par plante, un limon tellement fin qu'il colle sous le soleil revenu, malgré plusieurs arrosages et passages au jet des feuillages. Trente-cinq mille plantes doivent être remises en état... « L'an passé, il avait fallu licencier. Depuis, je ne peux que faire appel à des travailleurs occasionnels. Nous étions très heureux d'avoir pu repartir. Nos lauriers étaient prêts à vendre pour février. Il faut vraiment être passionné et l'aimer ce métier ! », avoue Claire Bertin, dépitée. « Je vais privilégier mes clients, mais ce sera difficile d'en prospecter de nouveaux au Salon du végétal 2012. »

Olivier Marcel, responsable des pépinières du même nom, a misé sur le nettoyage et la remise en état de son site de vente, le long de la route, et sur ses productions hors-sol. En revanche, la situation est plus délicate pour les 5 hectares de pleine terre. Les canons à eau tournent pour lessiver le limon et le sol encore détrempé. La pépinière arrivait à la période des ventes en mottes, paniers et racines nues. Olivier Marcel s'interroge sur l'opportunité de faire plus de hors-sol, avec de nouvelles serres, donc de nouveaux investissements. Face à la concurrence, à la situation économique et aux évolutions du marché de la pépinière, il était déjà passé de cultures spécialisées – notamment le laurier rose – à une production plus diversifiée (Eleagnus, Photinia, arbres fruitiers) et à des quantités moins importantes.

Romuald Ballino, rosiériste déjà touché l'an passé, relativise sa situation, car il n'a pas encore commencé sa saison. Mais il pense à retourner dans les Alpes-Maritimes d'où il vient : « Avec 80 cm d'eau, on gère, on s'adapte. En revanche, avec 1,60 m et plus, on est en danger, surtout si la fréquence des intempéries s'accélère. » Son gendre, Stéphane Genesta, repart déjà en assurant son chantier d'empotage de rosiers.

Sébastien Bianchi, originaire de Biot dans les Alpes-Maritimes et issu d'une lignée de rosiéristes, avait écouté les anciens quand il s'était installé en 1989. Sa maison est surélevée et suite aux inondations de l'an passé, il a relevé le chauffage et la cuve... En 2007, il avait abandonné le rosier en fleur coupée produit en pleine terre à cause de la situation économique propre à cette culture, pour se lancer dans les anémones et les renoncules en hiver, les célosies et les pivoines en été, toutes pour la fleur coupée et produites en pleine terre. Ces productions sont labellisées HortiSud. Cette fois, les cycles de culture en place (Lisianthus, renoncules...) sont noyés. Ces dégâts représentent environ six mois de trésorerie perdus et pour les pivoines, c'est l'inconnu. L'an prochain, il pourra un peu compter sur ses rosiers destinés à la parfumerie de Grasse. Il reviendra peut-être aux rosiers en fleur coupée de pleine terre dans l'un de ses tunnels, notamment parce qu'il a de la demande pour son point de vente au détail.

Raphaëlle Vacherot, de la société Les Orchidées de Michel Vacherot, avait une demi-serre prête à la vente. La nouvelle inondation impose de nettoyer. Elle se donne jusqu'aux fêtes de fin d'année pour voir venir et décider de l'avenir de son entreprise. La chambre d'agriculture a permis de trouver un chauffage, mais il reste à remplacer le système de filtration et à trouver une solution pour réchauffer l'eau d'arrosage.

Joël Jutel, responsable d'Exovar, entreprise spécialisée dans la production de plantes aquatiques pour la vente au détail, a été à nouveau inondé. Même s'il est en saison morte, il faut refaire les tablettes, tout reniveler, remplacer du petit matériel... Faute de budget, ayant fait l'impasse sur les assurances, il n'attend aucune aide.

Horticulteurs ou pépiniéristes, tous comptent aujourd'hui sur la confiance de leur clientèle, et espèrent ne pas être oubliés.

Odile Maillard

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