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Pesticides horticoles : l'eau, l'air et les sols impactés...

Malgré les efforts entrepris par les professionnels, les pesticides constituent encore l'une des principales sources de pollution avec l'industrie et les rejets urbains. Les responsabilités incombent à l'agriculture – y compris l'horticulture – et aux zones non agricoles – espaces verts, parcs et jardins inclus. Certaines molécules peuvent avoir des répercussions néfastes sur l'environnement et la santé publique.

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Trois principaux compartiments de l'environnement sont touchés par la pollution liée aux pesticides : les eaux (de surface ESU, souterraines ESO), l'air, les sols et sous-sols. S'ajoutent à ces effets sur l'environnement, les risques toxicologiques pour la santé humaine et pour la biodiversité (flore et faune sauvages, y compris les micro-organismes du sol) : problèmes de reproduction, modification du comportement, affaiblissement des défenses immunitaires, effets tératogènes, mortalité d'espèces non ciblées, altération de la microfaune et de la microflore du sol, raréfaction des ressources alimentaires pour les oiseaux, les abeilles... Les professionnels de l'horticulture et du paysage doivent renforcer leur démarche éco-responsable dans un contexte où les mesures réglementaires, surtout vis-à-vis de l'eau, s'intensifient. Depuis 2009, un tiers des substances quantifiées dans les eaux superficielles et plus de la moitié des substances quantifiées dans les eaux souterraines (principalement des herbicides) sont interdites. Le recours complémentaire aux techniques alternatives (disque de protection biodégradable pour conteneur, paillage du substrat avec des coques de sarrasin, désinfection des sols à la vapeur, désherbage thermique des allées à proximité des points d'eau, lâcher d'auxiliaires, piégeage de masse, utilisation de variétés résistantes...) limite l'impact environnemental des entreprises. Les substances actives phytosanitaires se répartissent différemment dans l'environnement. La majorité des molécules retrouvées dans les eaux sont des herbicides, tandis que les fongicides et les insecticides sont les plus représentés dans l'air. Les risques environnementaux sont renseignés sur l'étiquetage des spécialités commerciales.

IMPACT SUR LES EAUX

Les pesticides suivent le cycle de l'eau (voir la figure ci-dessus). Le transfert s'effectue par ruissellement, surtout en terrains imperméabilisés, damés ou pentus, par infiltration dans les sols perméables et par évaporation. Certaines molécules sont ainsi détectées dans l'eau de pluie. Toute substance active identifiée dans les eaux est le résultat d'une contamination par l'homme. Lorsque la potabilisation de l'eau par filtration au charbon actif est impossible, la station de captage est fermée jusqu'au retour à la normale.

1 POTENTIEL CONTAMINANT DES PESTICIDES.

La combinaison de la sensibilité des milieux (réseau hydrologique) et de la pression phytosanitaire donne l'aléa de pollution, qui, lui-même croisé aux enjeux (environnementaux, touristiques, alimentaires...), permet d'obtenir le risque potentiel de contamination (carte de vulnérabilité des eaux). Cette évaluation est réalisée d'après des méthodes prenant en compte les propriétés des molécules (Koc : affinité et mobilité dans le sol ; DT 50 : dégradabilité et persistance dans le sol ; solubilité dans l'eau ; HDLYS : stabilité dans l'eau) et leur utilisation (intensité et fréquence de l'usage) dans les régions agricoles ou bassins versants étudiés. La hiérarchisation des critères d'exposition qui en découle permet de lister les substances à suivre en priorité. Force est de constater que certaines molécules utilisées en cultures ornementales sont discriminées dans toute la France, notamment à cause de leur utilisation importante en zones non agricoles, dont les voies de communication (allées de parcs et jardins) ou sur des terrains drainés comme les gazons sportifs de compétition (voir le tableau ci-contre). Sur certains sites de production ornementale, des risques de pollution existent à cause de la vulnérabilité du milieu : proximité d'un captage d'eau potable, sols filtrants (terres d'alluvion, zone littorale...), culture hors sol sur bâche plastique (transfert des eaux par ruissellement), évacuation des effluents en fossés sans récupération ni traitement.

2 SUBSTANCES ACTIVES EN « PREMIÈRE PLACE ».

Depuis le retrait du marché de molécules herbicides impactantes pour la qualité des eaux, comme la simazine et la terbuthylazine (triazines) utilisées jusqu'en 2003 pour le désherbage sélectif des arbres et arbustes d'ornement ou allées de parcs et jardins, de même que le diuron (urées substituées) interdit depuis fin 2008, le glyphosate et, surtout, son produit de dégradation l'Ampa (*), se sont imposés et se retrouvent quantifiés respectivement dans près du tiers et près de la moitié des cours d'eau analysés chaque année en France depuis 2002. L'Ampa est principalement quantifié dans les eaux de surface, le plus souvent au printemps et en été. D'autres herbicides, comme le 2,4-D (phytohormone de synthèse), ont vu leur taux de quantification augmenter ces dernières années dans les cours d'eau. En revanche, l'oxadiazon a montré des taux en baisse au cours des années 2000 dans les nappes phréatiques. Ils restent néanmoins préoccupants. Le dichlobénil, utilisé jusqu'en mars 2010 pour le désherbage sélectif des arbres et arbustes d'ornement, reste sous surveillance, car ses métabolites (desmethylnorflurazon et 2,6-dichlorobenzamide) sont persistants dans les eaux souterraines.

IMPACT SUR L'AIR

Depuis 2000, les Associations agréées de surveillance de la qualité de l'air (Aasqa) étudient le comportement des pesticides dans l'air ambiant. Cette surveillance ne concerne pas encore toutes les régions, mais une harmonisation au niveau national est en cours. Actuellement, il n'existe aucun texte concernant les pesticides dans l'air ambiant. Contrairement à l'eau potable, l'air que nous respirons n'est pas filtré !

1 RÉPARTITION.

La répartition annuelle des teneurs en pesticides dans l'air selon les trois grandes familles (herbicides, fongicides, insecticides) met en évidence des variations saisonnières qui dépendent des pratiques d'utilisation, donc décalées dans le temps suivant les conditions climatiques et les sites de mesure. Ainsi, d'après Lig'Air en région Centre, les herbicides sont surtout présents de l'automne au printemps et les fongicides de mai à fin septembre, avec un maximum en été. La présence d'insecticides est observée de mars à fin octobre, le plus souvent au printemps et durant l'été. La persistance environnementale des substances actives joue également un rôle important. Certaines molécules ne sont observées qu'au moment de leur utilisation, alors que d'autres persistent durant plusieurs semaines après épandage, voire quasiment toute l'année. En revanche, plusieurs insecticides (par exemple, la cyperméthrine utilisée contre les pucerons des cultures ornementales) n'ont jamais ou peu été signalés dans l'air ambiant. Cette absence de détection est essentiellement due aux propriétés intrinsèques de ces molécules.

2 SUBSTANCES ACTIVES DÉTECTÉES.

La pollution de l'air par les pesticides est souvent associée à celle de l'eau. Les produits peuvent néanmoins être présents dans l'air par volatilisation à partir du sol ou des plantes, par érosion éolienne et par dérive lors de l'épandage, notamment lors de la pulvérisation pneumatique où la bouillie phytosanitaire est micronisée en fines particules. Ainsi, la pendiméthaline (herbicide utilisé pour le désherbage sélectif du muguet, des arbres et arbustes d'ornement en pépinière ou plantation), de la même famille chimique que la trifluraline retirée du marché en 2008 suite au Grenelle de l'environnement, est fréquemment détectée dans l'air, par plus de 80 % des sites de mesures régionaux. Ce produit est aussi fortement retenu sur les particules du sol. En revanche, il est peu soluble, mais peut se retrouver dans les sédiments des rivières et dans les tissus des poissons. L'oxadiazon est une autre molécule identifiée dans l'air. Il est associé à la pendiméthaline pour le désherbage du rosier, des pépinières, des plantations d'arbres et arbustes d'ornement ou pour les allées des parcs et jardins, et les trottoirs (PJT). Le chlorothalonil, enfin, a été fréquemment mis en évidence dans diverses régions sur la période 2006-2010. Ce fongicide est l'un des cinq pesticides les plus abondamment détectés en termes de concentration.

IMPACT SUR LES SOLS

Certains pesticides persistent dans le sol plusieurs mois. Absorbés par les colloïdes (matière organique, argile), ils sont relargués au fur et à mesure des pluies et des irrigations sous forme de molécules mères ou de métabolites. S'ajoutent à cette pollution des contaminations ponctuelles ou accidentelles. Par exemple, la carbétamide (herbicide utilisé en désherbage des pépinières ou plantations d'arbres et arbustes d'ornement, et désherbage PJT) a pu être détectée en forte proportion dans une nappe phréatique du bassin Loire-Bretagne après infiltration dans le sol. Sur le plan toxicologique, des études sont réalisées pour évaluer l'évolution de la faune du sol. Selon l'université de Rennes, si l'abondance des vers de terre paraît liée à l'occupation du sol (faible sous forêt, intermédiaire sous culture, forte sous prairie), la diversité des espèces de lombrics semble dépendre des pratiques agricoles, les sols soumis à fertilisation ou traitements phytosanitaires offrant une moindre diversité, avec un impact potentiel sur les animaux consommateurs d'invertébrés, sur la structure et la fertilité des terres cultivées.

Jérôme Jullien

(*) L'Ampa peut également provenir de la dégradation de détergents domestiques de type lessives.

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