Techniques de désherbage : les méthodes alternatives remises en question
Et si les méthodes de désherbage dites « douces pour l'environnement » s'avéraient finalement plus préjudiciables qu'un désherbage chimique ? C'est ce que montre une étude commandée par le groupe Bayer et réalisée par le cabinet EVEA Conseil. Des résultats à méditer, car le risque zéro n'existe pas...
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
À l'heure du « zéro phyto », les résultats de l'étude publiée par Bayer jettent le trouble : l'emploi de produits chimiques serait la technique de désherbage la moins polluante ! De quoi bousculer bien des certitudes chez les responsables de collectivités locales et d'espaces verts. Nombreux, en effet, sont ceux qui s'interrogent sur les techniques de désherbage à mettre en oeuvre pour entretenir les « parcs, jardins et trottoirs » (PJT).
Les interventions en zone urbaine sont devenues délicates et encadrées. Outre l'efficacité, il faut aussi concilier les questions économique, sociale et écologique. Des exigences qui incitent nombre de collectivités à abandonner les herbicides au profit de méthodes alternatives.
1 QU'EN EST-IL EXACTEMENT ?
Cette nouvelle enquête, commandée au cabinet EVEA Conseil, spécialisé en éco-conception, fait suite à une autre étude qui avait été réalisée en 2008. Cette dernière avait permis de montrer, en utilisant la méthode de l'analyse du cycle de vie (voir l'encadré ci-dessous), que toutes les méthodes de désherbage ont un impact sur l'environnement. La mise à jour effectuée en 2011 utilise des indicateurs plus précis et une nouvelle méthode de calcul, Use-Tox, applicable à tous les produits, quelle que soit leur famille. Cette méthode est soutenue par le Programme des Nations unies pour l'environnement (Pnue) et la Société de toxicologie et de chimie pour l'environnement (Setac).
2 L'ÉTUDE A COMPARÉ QUATRE MÉTHODES DE DÉSHERBAGE :
les infrarouges, l'eau chaude, la mousse chaude et deux programmes incluant des herbicides de Bayer. Douze indicateurs environnementaux ont été pris en compte : le changement climatique, l'épuisement des ressources non renouvelables, l'acidification, la destruction d'ozone stratosphérique, l'oxydation photochimique, les effets respiratoires liés aux substances inorganiques, la consommation d'eau, la consommation d'énergie non renouvelable, l'eutrophisation, la toxicité humaine et l'écotoxicité aquatique des eaux douces.
3 LES RÉSULTATS ONT ÉTÉ SOUMIS À UNE ANALYSE DE ROBUSTESSE
pour s'assurer que les niveaux d'incertitude sur les données n'engendrent pas de différences significatives. Sur les douze critères, seuls huit ont été retenus pour établir des comparaisons entre les méthodes. Pour obtenir le désherbage escompté, la méthode à infrarouges a nécessité sept interventions, l'eau chaude quatre applications, la mousse chaude trois passages et les herbicides deux traitements chacun.
4 LA TECHNIQUE DE DÉSHERBAGE PAR INFRAROUGES
se révèle la plus préjudiciable sur cinq critères. Elle produit le plus de gaz à effet de serre (2 fois plus que l'eau et la mousse et 40 fois plus que les herbicides). Elle consomme le plus d'énergie non renouvelable (2 fois plus que l'eau et la mousse et 35 fois plus que les herbicides). Elle émet aussi beaucoup d'oxyde d'azote et de composés organiques volatils non méthanisés qui entraînent des problèmes respiratoires (le fameux « smog » qui recouvre les villes). Par contre, elle est très économe en eau et son écotoxicité sur les milieux aquatiques est quasi inexistante.
5 LE DÉSHERBAGE À LA MOUSSE CHAUDE
est le plus gros consommateur d'eau puisqu'il faut 7 litres pour l'unité fonctionnelle retenue (1 m²). Cette consommation est 40 % plus élevée que pour l'eau chaude et 50 fois plus importante que pour les herbicides. Cette méthode participe également activement à la destruction de l'ozone stratosphérique. C'est aussi la plus polluante en émission de substances (SO2, NOx...) qui contribuent à l'acidification des milieux (pluies acides). C'est enfin elle qui émet le plus de particules très fines pouvant se fixer dans les alvéoles pulmonaires au moment de l'application.
6 L'UTILISATION D'EAU CHAUDE SE MONTRE TRÈS NOCIVE
pour la couche d'ozone en raison de l'émission de CFC (chlorofluorocarbures) lors de la fabrication des carburants utilisés. Elle concourt aussi activement à l'émission de NOx et de composés organiques volatils non méthanisés, responsables du smog en ville et qui peuvent entraîner des problèmes respiratoires.
7 LE RECOURS À DES HERBICIDES APPARAÎT COMME LA MÉTHODE
de désherbage ayant l'impact le plus faible sur les huit critères retenus. Par contre, leur effet est plus conséquent sur l'eutrophisation et l'écotoxicité des milieux aquatiques (eaux douces). Mais celui-ci est réduit d'un facteur 3 si l'on respecte les bonnes pratiques d'application : création d'une zone non traitée (ZNT) de 5 m autour des points d'eau et création d'aires de lavage permettant le traitement des effluents phytosanitaires (fond de cuve, eaux de rinçage, bidons vides...).
8 TOUS LES RÉSULTATS DE CETTE ÉTUDE ONT ÉTÉ VALIDÉS
par un comité de revue critique, obligatoire dans le cadre des normes ISO 14040/44, regroupant des scientifiques et un spécialiste des traitements herbicides au sein d'une grande entreprise de paysage. Sa fiabilité ne peut donc être mise en cause. L'approche globale permet d'avoir une vision complète des avantages et inconvénients de chaque technique. Et c'est un grand pas pour nourrir un débat plus équilibré et objectif.
Reste que l'étude ne répond pas à toutes les attentes, notamment sur la pression exercée par les citoyens, que doivent gérer les responsables d'espaces verts. Et l'on peut aussi s'étonner de l'absence des méthodes de désherbage mécanique avec, entre autres, le retour à l'emploi de la bonne vieille binette. Cette technique peut paraître coûteuse, mais elle crée de l'emploi à une époque où celui-ci se fait rare. Et que penser des brosses rotatives à poils en plastique ou en acier, même si elles sont plutôt destinées à des surfaces dures ?
Cela mis à part, cette étude a le mérite d'apporter des informations mesurées et validées sur le plan scientifique. Certes, Bayer y trouve son compte, mais rien n'empêche d'autres acteurs d'emboîter le pas à cette société et d'investir dans la recherche sur le sujet pour enrichir la base de données et les débats. C'est ce qu'a entrepris Plante & Cité, qui pilote une grande enquête nationale sur la comparaison des méthodes de désherbage en zones non agricoles (ZNA), dont les premiers résultats devraient être publiés courant 2012. Une étude Compamed Santé, destinée à évaluer les risques physiques pour les utilisateurs, viendra compléter ces approches. Les responsables pourront alors choisir en toute connaissance de cause telle ou telle méthode, argumenter sur ses avantages mais aussi ses conséquences globales. Et sortir ainsi de l'approche manichéenne qui consiste à opposer les herbicides, lesquels ne pourraient que polluer, et les techniques alternatives qui seraient bénéfiques – une condition pour faire un vrai choix sociétal. L'étude de Bayer est un premier pas intéressant. D'autres sont encore nécessaires...
Patrick Glémas
Dans quelle mesure faut-il désherber ? Que penser de substituts comme le paillage, qui permettent de limiter les interventions ? Qu'en est-il des méthodes de désherbage mécanique ? L'étude, commandée par Bayer au cabinet EVEA Conseil, n'évoque pas ces aspects, appelant des compléments en vue de répondre aux interrogations des responsables d'espaces verts.
Dans quelle mesure faut-il désherber ? Que penser de substituts comme le paillage, qui permettent de limiter les interventions ? Qu'en est-il des méthodes de désherbage mécanique ? L'étude, commandée par Bayer au cabinet EVEA Conseil, n'évoque pas ces aspects, appelant des compléments en vue de répondre aux interrogations des responsables d'espaces verts.
Pour accéder à l'ensembles nos offres :