Le plastique : c'est automatique...
Le plastique offre des atouts indéniables mais au cours de la dernière décennie son image s'est dégradée. Les filières de recyclage la revalorisent toutefois. Le biodégradable est dans l'air du temps. Et des plastiques technologiques qui répondent à des attentes de plus en plus pointues apparaissent.
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Les journées techniques du Comité français des plastiques en agriculture (1), les 12 et 13 juin à Auray (56), ont réuni près de 90 participants (distributeurs, coopératives, industriels, chambres d'agriculture...) autour de la thématique des plastiques (biodégradables, technologiques...) et de leur recyclage (2).
1 LE BIODÉGRADABLE, DANS L'AIR DU TEMPS...
Si les plastiques « conventionnels » ont connu un développement progressif depuis l'après-guerre avec un marché désormais à maturité, les bioplastiques vivent depuis une quinzaine d'années une adolescence tumultueuse. Pour les cultures qui s'étendent sur quelques semaines à quelques mois, les paillages biodégradables font preuve d'une efficacité suffisante, avec une biodégradabilité dépendant certes des conditions de température, d'humidité et de la présence de microorganismes. Ils restent plus coûteux qu'un produit en polyéthylène (matières premières deux à quatre fois plus chères), mais leur bilan économique dépend des économies qui peuvent être réalisées sur les opérations de récupération (gain en main-d'oeuvre et en transport) et sur les coûts de traitement (pas d'incinération ou de mise au Centre d'enfouissement technique). Se posent les problèmes de leurs conditions de stockage et de leur disponibilité locale, et de la clarté de l'information technique sur les produits existants.
Yves Grohens, professeur d'ingénierie des matériaux à l'Université de Bretagne Sud rappelle que la biodégradabilité est une fonctionnalité, obtenue à partir de matières naturelles ou pétrochimiques : « Il ne faut pas confondre plastiques biodégradables et plastiques biosourcés, issus de la biomasse ; l'origine ne prédétermine pas le caractère biodégradable du matériau. » Pour le producteur soucieux de sélectionner des fournitures biodégradables, attention aussi aux allégations plus proches du « green washing » que liées à une réelle volonté du fabricant de diminuer l'impact sur l'environnement.
2 ...MAIS EN MAL DE NORMES.
La norme Afnor NFU 52001 définit la biodégradabilité des paillages en agriculture et horticulture. La biodégradabilité est la conversion métabolique - à la suite de phénomènes physiques, chimiques et biologiques - du matériau considéré en dioxine de carbone (CO2), eau (H2O) et humus (90 % bioassimilés en moins de six mois). La norme NF EN 13432, bien que limitée aux emballages valorisables par compostage et biodégradation, définit les caractéristiques qu'un matériau doit posséder pour être considéré comme compostable (et biodégradable). Parmi celles-ci, la désintégration est la fragmentation et la perte totale de visibilité dans le compost final (absence de contamination visuelle) : au bout de trois mois de compostage, la totalité des résidus supérieurs à 2 mm doit être inférieure à 10 % de la masse initiale. Mais la liste positive de la norme NFU 44051 (composts destinés à l'agriculture) des intrants possibles dans les composts industriels ne prévoit pas la possibilité d'inclusion de plastiques biodégradables ! Quant aux films biodégradables en unité de méthanisation (procédé anaérobie), aucune norme ne les encadre. En réalité, les bioplastiques se situent dans une « zone grise », tant du côté réglementaire que de la description des produits. Ainsi, rappelons que les matériaux biofragmentables ou oxodégradables ne sont pas bioassimilés, même s'ils disparaissent à la vue : ils sont composés de fragments de plastique associés les uns aux autres avec un additif qui se dégrade sous l'effet du soleil.
En horticulture ornementale, la question de l'usage de paillages biodégradables peut se poser en pépinière de pleine terre ou en espaces verts. « Les plastiques biodégradables de longue durée existent », explique Olivier de Beaurepaire, de BASF, et responsable de la commission plastiques dégradables du CPA. « Pour augmenter leur durabilité, on augmente la proportion de PLA (stable aux UV), mais il n'y a pas de cadre normatif pour encadrer ces produits, car ils ne répondent plus au critère de durée de dégradation définie dans la norme NFU 52001. » Pour Paul Cammal, vice-président du CPA et responsable de la commission horticulture et maraîchage, les avancées dans ce domaine ne sont pas suffisantes. Un responsable de Novamont va plus loin : « On ne peut pas aujourd'hui dire qu'un produit biodégradable peut être utilisé au-delà d'une année. » D'ailleurs, comme le souligne un responsable de Barbier : « Les garanties de durabilité sur paillage bio ne pourront jamais être les mêmes que sur paillage plastique. » La route est longue avant l'utilisation de plastique biodégradable en bord de route, d'autant que l'impact visuel de la dégradation n'est pas à négliger, lorsqu'il n'est pas possible de travailler le sol pour enfouir les lambeaux de paillage. « La biodégradation est un élément de réponse à certaines situations, mais elle n'est pas adaptée à toutes les applications », rappelle Olivier de Beaurepaire.
3 LE CONVENTIONNEL EN QUÊTE DE « RECYCLABILITÉ ».
Les plastiques non biodégradables souffrent certes d'une image dégradée auprès du grand public, mais ils permettent d'écouler les « déchets » de l'industrie pétrolière et bénéficient depuis quelques années de la mise en place de filières de recyclage. Après les EVPP (Emballages vides de produits phytosanitaires) et les big-bags et sacs de fertilisants, les FAU (Films agricoles usagés) sont entrés dans la démarche. Les opérations de collecte, réalisées par l'éco-organisme Adivalor, sont financées par l'écocontribution que paient les fournisseurs de produits en plastique et des aides de l'Ademe. Ces dernières diminuant, l'écocontribution devrait augmenter fin 2012 et varier selon le type de produit concerné (paillage, film...). Les films de paillage, plus souillés que ceux de serre (30 à 70 % de salissure contre 20 %) posent des problèmes pour la filière recyclage. D'où la mise en place du projet Rafu visant à améliorer les conditions de collecte et de valorisation. Dans ce cadre, le CPA s'associe à Adivalor et différents partenaires. Objectif sur quatre ans : diminuer sensiblement leur taux de souillure par des outils de dépose, des procédés de prétraitement et des conditions de transport adaptés. Les premiers tests d'intégration terrain sont prévus début 2013. Pour les films de serre, « la filière est en place », indique Stéphanie Loret, déléguée régionale Nord-Ouest d'Adivalor. Pourtant, les interrogations demeurent, que ce soit pour ce distributeur de films en plastique qui ne sait pas quelle information donner à ses clients producteurs concernant le recyclage des films, ou cette entreprise du Morbihan qui a cherché un long moment avant de savoir à qui s'adresser pour se débarrasser de ses couvertures de serre. Elle a pu finalement faire récupérer les films usagés par Général Recyclage, à Landemont (49). « À partir de 10 000 m² de serre, on atteint - avec les salissures - le seuil de collecte (mise à disposition d'une benne) d'Adivalor qui est de 5 tonnes de films », assure Jean-Pierre Jouët, président du CPA. « Le producteur doit d'abord se tourner vers son fournisseur pour connaître les conditions de récupération de ses films », explique Stéphanie Loret. « Au cas où il n'obtiendrait pas de réponse, il peut contacter le délégué Adivalor pour sa région (www.adivalor.fr). » L'organisation terrain d'Adivalor comprend quatre délégations régionales, dont les responsables ont pour missions de coordonner localement la mise en oeuvre et la logistique des collectes. Il existe en France quelque 500 opérateurs de collecte, en majorité des coopératives et des négociants ; ce sont aussi des producteurs, collectivités, chambres d'agriculture... pour plus de 2 700 points de collecte.
4 DES PLASTIQUES DE PLUS EN PLUS TECHNOLOGIQUES.
Texinov, fabricant de textiles techniques en technologie maille jetée (tricoté indémaillable), a travaillé à partir de 2003 en partenariat avec l'Inra-Antibes et des stations d'expérimentation pour mettre au point un filet insect-proof (aleurodes, pucerons voire thrips) permettant une aération de l'abri 30 à 40 % supérieure à celle d'un filet standard. Le brevet a été déposé en 2008. Ultravent® se pose sur les ouvrants de serres chauffées et permet une montée en température sous l'abri moins importante et moins rapide. Contrairement à un tissé 20 x 10 (fil de 280 µm), ce filet - plus coûteux - est composé de fils de 80 µm en polypropylène. Il a fait l'objet de tests en laboratoire (Femto) et à l'Inra sur ses caractéristiques. En comparaison avec un filet standard, « la serre est d'autant plus aérée que la vitesse du vent est faible », souligne Francis Moinereau, directeur commercial de Texinov. Le climat sous abri est amélioré : moins chaud, moins humide. Pour le plein champ, Texinov va mettre en marché d'ici 2013 un filet insect-proof Filbio® 539, maille de 850 µm en PLA, donc compostable (NF 13432). Le fabricant français propose également des filets brise-vent, ombrage ou antiravageurs et des écrans de serre, dont Hygrofil® composé d'un film à effet thermique et de fils insérés dans la trame qui permettent à l'humidité de traverser l'écran.
Le projet « Serre capteur d'énergie » du CTIFL de Balandran qui se termine cette année a permis de confirmer les propriétés isolantes de la couverture de serre F-Clean à base de fluoropolymère (EFTE), largement utilisé au Japon mais encore peu en Europe ; ce matériau a plus de 93 % de transmission lumineuse nécessite un investissement supérieur à celui d'une serre en verre (12 à 13 €/m²) pour une durée de vie de 15-20 ans et une garantie de 10 ans. Et de par ses propriétés mêmes (antisalissure, antipoussière notamment), le blanchiment du film est un peu délicat.
Les films polyéthylène deviennent par ailleurs de plus en plus « technologiques », offrant quasiment une réponse à chaque besoin à l'aide d'additifs à effets optiques, antigoutte, anti-UV... La technologie de coextrusion cinq couches, même si elle demeure limitée à deux unités de fabrication en Europe, offre des perspectives en termes de films « intelligents ». Tout en améliorant les propriétés mécaniques des films, avec une épaisseur diminuée, la technique permet de dissocier les différents additifs dans chacune des couches.
Il est possible de moduler, par exemple, les caractéristiques lumineuses (trouble, brillance...) du film. Parmi les recherches en cours sur les additifs, les composés photoluminescents refont surface, avec la société PhotoFuel. Incorporés dans la couverture de serre, ils augmentent l'intensité lumineuse dans le rouge et diminue celle dans le vert (non utile aux plantes). Le procédé donne de bons résultats sur le rendement de légumes verts, mais doit encore faire la preuve de son efficacité en pratique (incorporation dans des films PE et non pas de PVC, et surtout stabilité des composés au-delà de deux mois).
Valérie Vidril
(1) Fondé en 1958, à l'initiative des industriels du secteur, le CPA est une association dont le but est de « promouvoir, coordonner toutes actions tendant au développement des applications des matières plastiques en agriculture, du point de vue technique ou économique et par là contribuer à l'amélioration de la productivité agricole et de la qualité des produits agricoles ». (2) Les conférences des Journées techniques 2012 sont consultables sur le site du CPA : www.plastiques-agriculture.com
Dans le Morbihan, l'exploitation Fleurs des 7 îles a trouvé une usine de recyclage pour ses bâches de serre, mais cherche une solution pour ses autres plastiques (bâches de sol, pots, barquettes, godets).
L'usage de plastique n'est pas incompatible avec une démarche environnementale : PBI, récupération des eaux, tri sélectif, recyclage des bâches...
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