JEAN-PIERRE MARINÉ, PRÉSIDENT DU CONSEIL « HORTICOLE » DE FRANCEAGRIMER, ÉTABLISSEMENT NATIONAL DES PRODUITS DE L'AGRICULTURE ET DE LA MER « Il faudrait aider nos entreprises, pourvoyeuses d'emplois »
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Votre nouvelle mandature à la tête du conseil spécialisé en horticulture de FranceAgriMer a démarré sur une présentation de chiffres difficiles (*), avec une consommation en baisse au premier semestre 2012... Pourtant, dans l'ensemble, les producteurs de l'horticulture disaient en juillet avoir réalisé une saison correcte...
Nous avons effectivement été surpris par ces statistiques qui proviennent d'un panel qui ne traduit peut-être pas tout à fait ce qui se passe sur le terrain. Il est vrai que le printemps a été très favorable au sud de la France, moins au nord, ce qui a rendu le marché un peu plus difficile pour les points de vente de la moitié nord. Le panel prend aussi en compte tous les produits, et, effectivement, certaines gammes ont un peu souffert. Mais globalement, la plupart des producteurs estiment avoir fait un bon premier semestre, même si le mois d'avril pluvieux a retardé le démarrage de la saison et si l'essentiel de l'activité a été concentré sur mai. Il faut donc prendre ces données avec prudence.
Par contre, l'automne est pressenti comme étant contrasté. Comment le percevez-vous ?
Il est encore tôt pour tirer des conclusions. Pour ce qui concerne les chrysanthèmes, les productions se sont plutôt bien écoulées. Les pensées se sont bien vendues aussi. Je n'ai pas encore de recul concernant les plantes de pépinière, mais il a fait sec jusqu'à la mi-octobre et très humide depuis, ce qui n'a pas facilité le départ de la saison de plantation. Les mois de novembre et de décembre peuvent encore rattraper tout cela.
Quels seraient, pour vous, les meilleurs leviers d'une relance de la consommation ?
C'est au niveau de l'ensemble de l'économie qu'il faut raisonner. Je suis quand même surpris que la consommation de nos produits se maintienne dans le contexte actuel, même si les prix n'ont pas bougé depuis trop longtemps. Depuis au moins dix ans, nos marges de manoeuvre ne résident plus dans les prix de vente, mais dans la productivité, l'utilisation d'un matériel amorti, et dans les volumes produits. Mais pour que les produits se vendent mieux, il faut une bonne corrélation entre les prix affichés sur les points de vente et ce que les consommateurs sont prêts à payer, ce qui n'est pas toujours le cas. Enfin, il y a aussi un aspect psychologique important.
Aujourd'hui, les gens consomment peu parce qu'ils ont peur pour leur pouvoir d'achat. Ils n'ont pas confiance en l'avenir car ils ne perçoivent pas de cap clair. Nous savons que nous sommes au pied d'une montagne, qu'il va falloir faire des efforts. Mais personne ne nous dit comment nous allons devoir faire pour passer cet obstacle... Enfin, le dernier point pour relancer la consommation porte sur l'innovation, avec l'arrivée de nouveaux produits, de nouvelles présentations, mais là tous ceux qui y croient aujourd'hui font le nécessaire...
Vous avez aussi beaucoup parlé d'appui technique lors de votre dernière réunion. Quelles sont les décisions qui ont été prises ?
La législation européenne nous oblige à modifier le financement de l'Astredhor. Jusqu'ici, nous raisonnions à partir d'une cellule nationale. Maintenant, il faut travailler avec des cellules régionales qui doivent faire remonter leur travail au niveau national. Mais, surtout, nous voulons diffuser une information plus technique, mieux adaptée aux besoins de nos entreprises, pour que l'Astredhor et Val'hor participent pleinement à l'adaptation de nos produits à la consommation. Les grandes lignes de la loi de finances de l'État pour 2013 se dessinent actuellement. Vous paraissent-elles favorables à notre secteur ? Ma réponse est clairement : non ! Si l'on s'en tient à l'évolution du budget de FranceAgriMer, qui a baissé de 25 % l'an dernier et qui devrait encore diminuer de 30 % cette année, on ne peut pas dire que ce soit très favorable, même si nous gardons l'espoir d'obtenir un budget plus conséquent ! Les mesures qui ont été prises concernant les saisonniers ne jouent pas non plus en notre faveur. Pas plus que les augmentations de charges sociales qui sont entrées ou vont entrer en vigueur. Tout ceci est un mauvais coup porté à notre filière. Je comprends la situation économique, mais les décisions prises vont à l'encontre de ce qui devrait être mis en oeuvre. Il faudrait au contraire aider nos entreprises, qui sont de grosses pourvoyeuses d'emplois. Les aides aux sociétés reviennent toujours dans les poches de l'État sous forme d'impôt dans les cinq ans ! Si en plus, on a créé des emplois, tout le monde est gagnant. Mais tout cela n'est pas bien mesuré...
Repartir à l'assaut de notre marché intérieur est l'un des enjeux majeurs de la production française pour les prochains mois. Quelles sont les clés de la réussite de cette démarche ?
Le déficit commercial de notre filière est d'environ 30 %. Nous avons un coût de main-d'oeuvre plus élevé que dans la plupart des pays qui nous entourent et les normes environnementales, en particulier celles concernant les pesticides, sont plus strictes qu'ailleurs. Nous avons aussi besoin d'analyser plus finement les besoins de nos clients, du côté des collectivités, par exemple, qui ne trouvent pas toujours chez nous ce qu'elles recherchent. Enfin, il faut que nous soyons un peu plus volontaristes. Nous avons des atouts en termes de climat ou de disponibilité en eau, par exemple, par rapport à nos concurrents. Et lorsque nous mettons en place une politique agressive, à l'exemple de ce qui a été fait à Hyères pour les fleurs coupées, on voit que ça peut marcher.
Donnez-nous trois bonnes raisons de rester optimiste...
Le marché ne se dégrade pas malgré la conjoncture. Les gens ont toujours envie d'améliorer leur cadre de vie et leur environnement. Enfin, nous disposons, en France, d'entreprises de qualité, qui fonctionnent bien et qui ont envie d'avancer...
Pascal Fayolle
(*) Le Lien horticole n° 820 du 21 novembre 2012, p. 14.
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