La rubrique « À vrai dire » s'est donnée pour mission d'organiser le dialogue au sein de la filière. Après Dominique Douard, pour Val'Hor (le Lien horticole n° 780 du 21 décembre 2011) puis Dominique Boutillon, pour la FNPHP (le Lien horticole n° 784-785 du 25 janvier 2012), nous donnons, ce mois-ci, la parole aux entreprises du paysage...
Selon les entrepreneurs du paysage, la filière horticole est-elle unie comme le souhaite Érick Orsenna ?
Sur le terrain, entre les architectes, les producteurs et nous, oui, nous sommes soudés. Les démarches de Val'Hor, comme Cité Verte, nous ont rapprochés. Il y a quelques mois encore, on se comprenait mal. Mais on a appris à se connaître. Chacun y a mis du sien. Nous étions un peu en crise d'adolescence, nous sommes devenus adultes ! Nous sommes soudés et cela devrait durer.
Quels sont les grandes difficultés identifiées chez les concepteurs et les producteurs par les entreprises du paysage ?
Chez les concepteurs, c'est le manque de reconnaissance du métier qui marque le plus. Pour les producteurs, ce sont leurs difficultés à exporter et à faire face à l'internationalisation des échanges et aux importations à bas prix...
Vous représentez le métier de la filière qui s'est sans doute le plus développé au cours de ces dernières années. Le végétal n'en profite pas vraiment, comment l'expliquez-vous ?
Il s'agit avant tout d'un problème d'incompréhension et d'interprétation des chiffres. Dans nos sociétés, les achats de végétaux représentent entre 5 et 10 % de notre chiffre d'affaires. Mais notre activité tourne à 100 % autour du végétal. Dans mon entreprise, par exemple, 60 % du chiffre d'affaires sont réalisés avec l'entretien, et c'est bien d'entretien de végétaux dont il s'agit. C'est pour cela que l'on se bat, comme on l'a encore montré à Paysalia, pour promouvoir la reconnaissance des végétaux.
Trouvez-vous les végétaux que vous cherchez chez les producteurs en général et chez les producteurs français en particulier ?
Oui, on trouve à peu près tout chez les producteurs français. Le seul problème, c'est la relation commerciale et le fait qu'il est souvent difficile d'acheter chez un seul producteur tout ce dont nous avons besoin. Il faut se fournir chez deux ou trois d'entre eux pour un seul chantier, ce qui est toujours compliqué. C'est pourquoi nombre d'entre nous se tournent vers des intermédiaires. Il serait vraiment bien que les producteurs se regroupent, mais ils le savent déjà ! Si nous achetons parfois à l'étranger, c'est plus souvent pour une question de services que de prix... Il faut faire attention aux idées reçues et bien voir que les représentants syndicaux de la profession ne sont pas forcément très représentatifs de ce qui se passe localement. C'est pourquoi j'encourage les professionnels à se mobiliser pour les syndicats professionnels... Mais ça bouge déjà sur le terrain.
Pensez-vous que les projets des concepteurs paysagistes que vous réalisez donnent au végétal la place qu'il mérite ?
Ça commence à changer. Même si les concepteurs sont toujours rémunérés au pourcentage des travaux, ce qui favorise la réalisation de prestations coûteuses, dont ne font pas partie les plantations. Il existe aujourd'hui une génération de concepteurs qui ont vraiment la fibre végétale et qui peuvent proposer des projets dans lesquels les plantes représentent 10 à 20 % du coût des travaux. Comme ils connaissent bien le végétal, ils n'éprouvent pas, de plus, le besoin de planter d'énormes sujets. En proposant des plantes plus petites, ils permettent de planter plus de végétaux à enveloppe égale. On voit ainsi de plus en plus de réalisations dans lesquelles le végétal est vraiment au coeur du projet.
Quelle est votre position sur la TVA sociale ?
Il s'agit d'une très bonne idée, mais très mal menée. Pour que cela fonctionne, il faudrait consacrer cinq points de TVA aux allègements de charges et que les salariés profitent aussi de ces allègements pour compenser la perte de pouvoir d'achat générée par l'augmentation des produits. Ce n'est pas comme cela que les choses sont engagées...
Craignez-vous que le débat sur la suppression des niches fiscales puisse influer sur la profession avec, par exemple, la diminution, voire la suppression, des remises d'impôts en faveur des clients des entreprises de services ?
Effectivement, il y a toujours un peu d'inquiétude. Si les réductions d'impôts diminuaient, passaient de 50 % du montant payé à 30 %, cela pourrait se faire sans trop de casse. On constate d'ailleurs que le passage de la TVA de 5,5 à 7 % sur les services est sans conséquences. Si l'avantage fiscal est purement et simplement supprimé, ce serait grave pour la profession. Mais c'est peu probable. L'impact de cet encouragement sur l'emploi est avéré. Il y a donc peu de chances qu'il fasse partie de ceux qui seront supprimés.
Comment se présente 2012 pour vos activités ?
Nous constatons un léger redémarrage. Le secteur privé devrait continuer à se maintenir, en particulier dans le haut de gamme et les services à la personne. Pour la clientèle des entreprises, ce sera plus compliqué, car elles regardent vraiment à la dépense. Enfin pour ce qui concerne les collectivités, nous entrons dans la seconde partie des mandats des élus et les commandes devraient redémarrer. Cela devrait nous mettre du baume au coeur après une année 2011 où nous avons dû faire face à l'atonie (classique en période post-électorale), à des problèmes climatiques et à la crise. Reste que les prix sont tendus et que certaines collectivités subissent vraiment des difficultés budgétaires conséquentes. Il faut donc surveiller l'activité de près.
Donnez-nous trois bonnes raisons d'être optimistes...
Malgré l'absence du sujet de l'environnement dans la campagne électorale, cette dimension est désormais ancrée chez les consommateurs. Ils ont compris que le développement durable est une solution efficace contre le chômage. C'est le premier élément. Ensuite, les citoyens continuent de mettre la pression sur les élus pour disposer de vert en ville. Nous pouvons donc continuer à pousser dans ce sens, puisque les citoyens sont avec nous. C'est ma troisième raison d'être optimiste !
Pascal Fayolle