Gazons : des mycorhizes ou des stolons pour réussir le regarnissage
Comme les autres plantes, les gazons doivent être mycorhizés pour bien se développer. La ville de Lyon a testé des semences ayant reçu un pelliculage favorisant la mycorhization, donnant un système racinaire particulièrement dense et sain. Sinon, pour optimiser le regarnissage, il y a les ray-grass stolonifères...
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La société Natura'lis, distributeur de produits horticoles dans les régions Rhône-Alpes, Auvergne, Bourgogne, Franche-Comté et une partie de la Champagne, présentait, lors d'une journée technique intitulée « Gestion de l'entretien des gazons sportifs dans une stratégie écologiquement responsable et durable », le 14 janvier dernier à Lyon, de nouvelles solutions à base de mycorhizes avec notamment les premiers résultats de l'utilisation de semences de gazon mycorhizées.
1 UNE ASSOCIATION À BÉNÉFICES RÉCIPROQUES
Depuis une vingtaine d'années, on redécouvre l'intérêt et l'importance des mycorhizes. L'association de la plante et de microorganismes est une règle de fonctionnement naturelle. On estime que 20 % du carbone produit par les végétaux est destiné aux microorganismes présents naturellement autour des racines, dont les champignons mycorhiziens. Ces derniers vivent en symbiose avec les racines. Cette relation, plus communément appelée mycorhize (du grec myco : champignon, et rhiza : racine), est de type gagnant-gagnant, chacun des partenaires tirant parti de cette réunion. Le champignon protège la plante, facilite son alimentation en eau et éléments fertilisants, notamment le phosphore. La plante, quant à elle, alimente le champignon en substances carbonées (sucres) issues de la photosynthèse. Ce carbone peut être puisé directement à l'intérieur de la racine ou mis à disposition sous formes d'exsudats racinaires. La présence des mycorhizes permet d'accroître fortement la zone d'absorption des racines. « Le champignon produit des filaments (hyphes) qui peuvent s'étaler sur une zone longue jusqu'à 8 cm contre seulement 1 mm pour les poils absorbants présents sur les racines », indique Christian Hecker, président de la société IF Tech, spécialisée dans la lutte biologique et le développement des mycorhizes, qui constituent une véritable zone d'extension des racines. Mieux encore, précise le spécialiste, ces filaments peuvent s'interconnecter d'une plante à l'autre et, propriété jusqu'alors insoupçonnée, former un gigantesque réseau d'absorption, même entre des sujets d'espèces différentes.
2 EXPLORER UN PLUS GRAND VOLUME ET ANTICIPER LES STRESS
L'intérêt des mycorhizes est multiple. Le mycélium du champignon a une surface absorbante plusieurs dizaines de fois supérieure à la racine. Il exploite donc un volume de sol pour sa nutrition en eau et éléments fertilisants beaucoup plus grand. La résistance aux stress hydriques résulte aussi d'un autre facteur : le filament mycélien a la propriété de détecter plus rapidement le manque d'eau que le poil absorbant. Un signal émis par le champignon provoque alors la fermeture des stomates beaucoup plus tôt, limitant le risque qu'un point de flétrissement irréversible soit atteint. Pour 90 % des plantes agricoles, horticoles et ornementales, dont les graminées pour gazon, le champignon est de type endomycorhize à arbuscules, le mycélium se fixe directement à l'intérieur de la racine et provoque l'épaississement de la paroi racinaire, ce qui limite la pénétration de parasites à l'intérieur des racines comme les nématodes. Par ailleurs, les champignons mycorhiziens, comme l'ensemble des microorganismes de la rhizosphère, peuvent présenter une action biocide vis-à-vis d'organismes pathogènes, ou plus simplement limitent leur développement par concurrence en occupant l'espace. La mycorhization permet donc d'augmenter la croissance des plantes et leur résistance à différents stress, de réduire la fertilisation et les besoins en eau.
3 UN ENSEMENCEMENT NÉCESSAIRE SUR LES TERRAINS DE SPORT
Dans la nature, on estime que 95 % des plantes sont mycorhizées. Par le biais des exsudats racinaires, elles émettent un signal détecté par le champignon. Ce signal déclenche la germination des spores et le développement des hyphes mycéliens dont une partie viendra se fixer sur la racine. Sur les terrains de sport, comme sur beaucoup de terres cultivées, ce phénomène naturel est plus aléatoire. Il est alors nécessaire d'ensemencer le sol avec des produits contenant les champignons. Ceux-ci peuvent associer d'autres microorganismes et oligoéléments, et se présenter sous forme de microgranulés à épandre ou de poudre à pulvériser ou à brasser avec les semences. Les mycorhizes s'installent durablement : un seul apport peut suffire à assurer leur présence pour plusieurs années, à condition de conserver des conditions favorables à leur développement. Il faut éviter, par exemple, l'emploi de certains produits phytosanitaires comme les fongicides systémiques, et limiter le phosphore (uniquement sous la forme organique). Les produits doivent être apportés au plus près des radicelles. Sur un gazon, intervenir en surface n'est pas indiqué ; il faut profiter d'un travail mécanique du sol (aération, scarification, regarnissage). Le meilleur moment pour réussir une mycorhization est le semis, le champignon doit être mis le plus proche possible de la graine. Dès la germination, la radicule entre immédiatement en contact avec le champignon.
4 DES SEMENCES PELLICULÉES POUR UN TERRAIN BIEN MYCORHIZÉ
La société DLF France (Top Green) s'est rapprochée de la société IF Tech pour proposer des semences de gazon mycorhizées destinées au regarnissage des sols sportifs. Top Green utilise la technique du pelliculage pour incorporer le champignon à la semence. Elle est très différente de l'enrobage, ce dernier pouvant représenter 50 à 70 % du poids des semences, quand le pelliculage n'en représente que 0,2 %. Les graines sont pulvérisées d'un liquide transparent élaboré à partir d'un extrait d'algues contenant acides humiques, hormones de croissance, oligoéléments, acides aminés (concept Rapid II), le tout enrichi en mycorhizes. Par ce procédé, les microorganismes restent efficients même après une conservation des graines de deux ans. Le procédé mis en oeuvre par IF Tech pour multiplier le champignon consiste à prélever des microfragments de racines colonisées, appelés propagules. Chaque fragment renferme toutes les formes de multiplication du champignon, hyphes, spores, vésicules, optimisant ainsi les chances de réussite.
5 DES ESSAIS MENÉS À LYON L'AN DERNIER
La ville a expérimenté le mélange Rapid Green II avec mycorhizes, en regarnissage, sur le terrain du Clos Layat (8e arrondissement). Il s'agit d'un terrain de foot semé sur support Terrafoot (mâchefer et pouzzolane) et 7 à 8 cm de terre sable en surface. Deux regarnissages ont été effectués, un premier en début avril, un second en septembre. Un apport de produit mycorhizé (poudre mouillable appliquée en pulvérisation) a également été réalisé lors d'une aération. Ce type de support minéral est, a priori, un environnement difficile pour les microorganismes. Or, les résultats constatés à l'automne s'avèrent surprenants. On observe un engazonnement plus compact que les autres années sur l'ensemble du terrain, le second regarnissage ayant eu un effet relativement rapide. Parallèlement, un carottage réalisé en octobre montre des racines blanches et saines et un développement racinaire important. L'analyse des racines des graminées, réalisée par un laboratoire indépendant pour la société DLF France, révèle une très bonne mycorhization. On manque encore de recul pour tirer des conclusions, mais le bilan de cette première année est très positif et encourageant...
Claude Thiery
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