L'analyse des risques phytosanitaires s'organise en espaces verts
Toute intervention phytosanitaire en espaces verts devrait se baser sur une évaluation préalable des risques supposant une hiérarchisation des bioagresseurs et des sites à entretenir.
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L'analyse des risques phytosanitaires (ARP) officielle conduite par les pouvoirs publics consiste à déterminer si un organisme nuisible doit être réglementé et soumis à des mesures particulières de lutte. Plus largement, cette procédure concerne tout professionnel intéressé par la protection intégrée des espaces verts. Elle s'appuie sur un diagnostic fiable des bioagresseurs de cultures ornementales. On retrouve cette information au niveau régional dans les bulletins de santé du végétal (BSV).
1 LA DÉMARCHE À L'ÉCHELLE INDIVIDUELLE.
Au sein d'une entreprise paysagiste ou d'un service technique municipal, l'ARP est simplifiée. Un premier inventaire permet de cibler les parasites récurrents, variables selon les zones bioclimatiques de France et le type d'espaces verts. À cette liste, s'ajoutent les organismes nuisibles émergents et/ou réglementés à détecter au plus tôt pour éviter leur dissémination. En cas de suspicion d'un tel parasite (feu bactérien des rosacées, Phytophthora ramorum, phytopte du fuchsia, charançon rouge des palmiers...), un signalement s'impose auprès du service régional chargé de la protection des végétaux (1) pour analyse et gestion de foyer.
L'ARP requiert une bonne connaissance des végétaux et de leur environnement, et un examen des altérations éventuelles. Ce diagnostic repose souvent sur une expérience de terrain acquise au fil des années, complétée par des éléments de biologie, d'épidémiologie et de lutte phytosanitaire recueillis par une bibliographie, des résultats d'expérimentation et/ou l'appui de structures de conseil technique. Sans cette démarche, il est difficile de mettre en oeuvre la lutte raisonnée ou la protection intégrée en espaces verts.
2 DE NOMBREUX « COMPARTIMENTS » INTERCONNECTÉS.
L'ARP en espaces verts concerne une grande variété de compartiments : parcs et jardins paysagers, infrastructures de déplacement et voiries, aires de jeux, arboriculture ornementale, plantes à massif et jardinières, bois, forêts suburbaines, zones aquatiques et subaquatiques, abords de bâtiments, cimetières... Les plantations sont très diversifiées dans des milieux ouverts, directement connectés à l'environnement, y compris les productions végétales professionnelles et les jardins de particuliers. De plus, l'intensification des échanges commerciaux expose sérieusement les cultures ornementales aux invasions biologiques (plantes envahissantes exotiques, capricorne asiatique...). On peut d'ailleurs constater qu'une multitude de parasites inscrits sur les listes d'alerte de l'OEPP (2) concernent potentiellement les parcs et jardins.
3 ADAPTER LA SURVEILLANCE ETÉVALUER LES RISQUES.
En zones non agricoles (ZNA), le nombre de couples plante hôte/bioagresseur est considérable, de l'ordre de plusieurs centaines, voire quelques milliers. Mais pour orienter les observateurs vers des suivis épidémiologiques prioritaires, l'ARP se focalise surtout sur les bioagresseurs générateurs de traitements, ainsi que sur les parasites réglementés de lutte obligatoire. Grâce à cette hiérarchisation, les acteurs de terrain orientent leur vigilance et, le cas échéant, interviennent à bon escient. Une ARP bien réalisée permet de limiter la pression parasitaire en amont, de favoriser la réduction d'utilisation des intrants et de réduire les coûts d'entretien. Le niveau d'entretien des parcs et jardins est défini selon la gestion différenciée. Ainsi, pour un même bioagresseur, la hiérarchisation des risques phytosanitaires dépend, d'une part, des enjeux ou objectifs d'entretien propres à chaque zone gérée par le paysagiste (voir l'encadré ci-contre) et, d'autre part, des critères de nuisibilité (voir le tableau ci-contre).
4 LES SEUILS DE NUISIBILITÉ EN ESPACES VERTS.
Pour être acceptables, les interventions doivent être raisonnées, ponctuelles et localisées. Partant de ce principe, le paysagiste a besoin de repères pour prendre sa décision. C'est là qu'intervient la notion de seuil. Lorsque ce niveau d'appréciation est mutualisé au sein d'une filière professionnelle, d'une région ou au niveau national, il a généralement été déterminé par la recherche scientifique et l'expérimentation phytosanitaire. En l'absence de seuil préétabli, chaque observateur évalue de façon empirique la nuisibilité d'un bioagresseur selon plusieurs critères.
5 LIRE LE BULLETIN DE SANTÉ DU VÉGÉTAL.
observer régulièrement les végétaux. Les gestionnaires d'espaces verts ont intérêt à lire régulièrement les bulletins de santé du végétal (BSV) qui présentent une « tendance » des risques phytosanitaires à l'échelle d'une zone bioclimatique. Les BSV s'appuient sur un réseau structuré d'observateurs répartis sur le territoire, effectuant des relevés fréquents sur le terrain d'après des protocoles harmonisés au niveau national (voir le Guide d'observation et de suivi des organismes nuisibles en zones non agricoles, édition 2011). Ces données brutes sont synthétisées par un animateur-filière qui tient compte des stades phénologiques, des conditions météorologiques et des seuils de nuisibilité (quand ils existent). Mais l'appropriation des informations épidémiologiques publiées dans les BSV ne se fait véritablement que si chaque professionnel peut les relier aux caractéristiques des espaces verts dont il assure l'entretien. Cette analyse, fine, exige une surveillance en parallèle des principaux bioagresseurs et auxiliaires.
6 QUATRE AXES STRATÉGIQUES POUR UNE ARP EFFICACE.
Pour effectuer une ARP des cultures ornementales efficace, les gestionnaires d'espaces verts devront travailler autour de quatre axes stratégiques :
1. Diagnostic : répertorier les couples plante hôte/bioagresseur les plus préoccupants au sein de l'espace vert, c'est-à-dire ceux qui doivent être suivis en priorité.
2. Épidémiologie : élaborer un système d'observation à l'aide d'outils et de méthodes appropriés à l'analyse des risques phytosanitaires et recenser les populations d'auxiliaires.
3. Traçabilité : enregistrer les suivis épidémiologiques et les signalements de foyers, puis effectuer un bilan phytosanitaire en fin de campagne.
4. Documentation : consulter régulièrement les bulletins de santé du végétal (BSV) en zones non agricoles (ZNA). De l'ARP découle une réflexion propice à l'utilisation des méthodes de lutte intégrée, alternatives aux traitements systématiques les plus toxiques ou polyvalents. Les solutions génétiques, culturales, prophylactiques, physiques, biologiques ou encore chimiques raisonnées seront ainsi justifiées selon des points de vue agronomiques, écologiques et économiques, en limitant au maximum les risques pour la santé humaine et l'environnement.
Jérôme Jullien
(1) Service régional de l'alimentation (Sral). (2) Organisation européenne et méditerranéenne de protection des plantes.
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