AUXILIAIRES INDIGÈNES 2 Les chrysopes
Après les syrphes aux asticots dévoreurs de pucerons, cette série s'intéresse à des auxiliaires très connus : les chrysopes (« demoiselles aux yeux d'or ») aux larves prédatrices polyphages. Elles sont utilisées en lutte biologique sous forme d'apports d'oeufs ou de larves.
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Les chrysopes adultes s'observent à la tombée de la nuit, quand elles volètent d'un vol lourd et maladroit vers les lumières, ou à l'automne, quand elles cherchent refuge dans les maisons. Un oeil non exercé détecte plus rarement les larves. Grâce à leurs fortes mandibules caractéristiques en forme de pinces, elles saisissent les proies, les paralysent avec un venin, et en aspirent le contenu. Elles s'attaquent à de tout petits arthropodes à corps mou, parmi lesquels les larves et/ou les oeufs d'insectes phytophages : lépidoptères, cochenilles, pucerons, thrips et aleurodes.
1 CRITÈRES MORPHOLOGIQUES DES CHRYSOPES.
Les chrysopes se reconnaissent facilement :
– les individus « géants » mesurent de 20 mm à 40 mm ;
– le corps est souvent vert, parfois bleuté ou gris ; en hiver Chrysoperla carnea est jaune-orange ;
– les quatre ailes fortement nervurées (ordre des névroptères), vert transparent, sont disposées en toit au repos ;
– l'oeuf est isolé au bout d'un fin pédicelle et se situe sous les feuilles. D'abord vert, il se grise avant d'éclore. Une fois vidé, il est blanc. Bien nourrie, une femelle pond jusqu'à 400 oeufs par jour ;
– à l'éclosion des oeufs (dix jours d'incubation sont nécessaires), les larves naissantes ressemblent à de minuscules crocodiles pourvus de mandibules.
2 LES ESPÈCES JUMELLES SONT LES PLUS INTÉRESSANTES.
En France, parmi la quarantaine d'espèces présentes, les jumelles (*) du genre Chrysoperla sont les plus courantes et les plus intéressantes. C. carnea (ex-affinis) est dominante au nord de la Loire. C. lucasina, plutôt méridionale, domine dans le Sud. Les adultes de C. pallida (ex-carnea), autre espèce jumelle, ne vivent que dans la canopée. Les larves d'autres chrysopes (Dichochrysa prasina, D. flavifrons, Chrysopa formosa, C. viridana parfois abondante en région méditerranéenne, Chrysoperla mediterranea, C. agilis) consomment aussi des insectes.
3 DES BESOINS BIOÉCOLOGIQUES INCONTOURNABLES.
La présence de pollens (pour C. carnea et C. lucasina notamment) et de nectar est cruciale aux abords des parcelles en période de reproduction, surtout pour les femelles. Elles butinent aussi le miellat des colonies de pucerons et pondent à proximité. Les adultes se nourrissent également de spores de champignons.
4 COMMENT FAVORISER LA PRÉSENCE DES CHRYSOPES ?
Les lâchers habituels (hybrides issus d'élevage) ne permettent pas d'établir à long terme une population de chrysopes. Il faut stabiliser et favoriser les populations indigènes sur les sites par la mise en place de boîtes d'hivernage et de bandes fleuries. Les haies sont des sites d'hivernage pour les chrysopes adultes. Elles s'y refugient dans les feuilles persistantes (houx, lierre pour C. lucasina) ou mortes, enroulées sur elles-mêmes (chêne, hêtre, charme pour C. pallida). Au printemps, la plupart des essences fleurissant précocement (noisetiers, prunelliers, saules) nourrissent, grâce aux pollens, les adultes se réactivant. Puis ces derniers butineront principalement les rosacées (Prunus spp., Pyrus pyraster, Rosa canina, Rubus sp., Spiraea sp...), mais aussi les bouleaux et les aulnes. Ces arbres servent également de premier site de ponte. Ainsi, au printemps, il est possible d'observer des oeufs sous les feuilles des noisetiers, riches en un puceron spécifique, celui du noisetier. Plus tard en saison, les chrysopes butinent d'autres pollens (frênes, tilleuls, châtaigniers...). Les arbres et arbustes ayant une floraison de février à septembre (noisetier, saule blanc et marsault, prunellier, chêne, aubépine, rosier des chiens, cornouiller sanguin, frêne, poirier, spirée, sureau, troène, tilleul - à éviter dans une haie -, châtaignier, murier, lierre...) abritent (site de repos), alimentent (pollen nectar, miellat) tout auxiliaire floricole, dont les chrysopes qui se réfugient dans le feuillage la journée. En hiver, les insectes peuvent se nourrir aussi lors des journées plus chaudes (supérieures à 10 °C), notamment sur la mercuriale. Les bandes enherbées spontanées ou semées fleuries constituent des sites nourriciers en été. Les plus visitées sont les fleurs d'apiacées (aneth, fenouil, carotte...), alliacées, fabacées (luzerne...), astéracées (cirse, matricaire...), caryophyllacées, polygonacées (oseilles...) et chénopodiacées. Les observations aisées sur les fleurs d'apiacées, d'alliacées et de luzerne en fin de journée soulignent le caractère très attractif de ces familles. Le fait que les chrysopes recherchent également le pollen de plantes adventices comme les Rumex et les chénopodes peut être déstabilisant pour ceux qui souhaitent aménager les abords des cultures pour favoriser les auxiliaires. Comme les adultes sont crépusculaires voire nocturnes, ils consomment préférentiellement le pollen et le nectar issus de plantes ouvertes le soir. Les semenciers proposent des mélanges intéressants pour C. carnea et C. lucasina avec du bleuet (Centaurea cyanus) et du chrysanthème des moissons (Chrysanthemum segetum). Par ailleurs, quelques plantes à vocation ornementale sont attractives.
5 LES BOÎTES D'HIVERNAGE HÉBERGENT LES CHRYSOPES.
Chrysoperla carnea (ex-affinis) hiverne au stade adulte dans les greniers, les bâtiments et accessoirement dans les boîtes d'hivernage. Inspirées des ruches (travaux de Çaldumbide, Travers & Rat, 1999), elles ont une face avec plusieurs trous d'entrées ne dépassant pas 10 mm de diamètre. Elles peuvent accueillir jusqu'à 400 individus si l'installation a été réalisée dès le mois d'août et que l'ouverture est tournée vers le Sud-Ouest, si possible sur un couloir de migration. Chrysoperla carnea vole en effet en France (sauf en région méditerranéenne) du sud-ouest vers le nord-ouest (étude en cours menée par Johanna Villenave-Chasset, Flor'Insectes, et Rémy Chifflet, Astredhor). Les chrysopes présentes sur place n'iront dans les boîtes que fin octobre, mais auront pris leur repères dès le mois d'août. Celles entrées attireront leurs congénères migratrices grâce à leurs phéromones. Il est donc nécessaire de tester, dès la première année, différents emplacements. Un lieu mal choisi, une absence de site naturel adapté (lisière de bois, verger) et les chrysopes migreront ailleurs ; elles peuvent voler jusqu'à 40 km en une nuit.
Johanna Villenave-Chasset (Flor'Insectes) et Cathy Çaldumbide (Alter'Nature)
(*) Espèces qui peuvent se reproduire entre elles et avoir des descendants fertiles. Plus d'informations : J. Villenave-Chasset et A. Denis, 2013. Étude des pollens consommés par les chrysopes (Neuroptera, Chrysopidae) et les syrphes (Diptera, Syrphidae) dans l'ouest de la France. Symbioses n° 29, pp. 17-20.
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