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Garder la serre hors gel et la chauffer grâce aux énergies renouvelables

La journée technique « Énergies renouvelables et génétique » du Ratho, à Brindas (69) en juillet dernier, a fait le point sur quelques solutions d'économie d'énergie, en particulier la serre bioclimatique qui stocke l'énergie solaire...

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En dénombrant les calamités agricoles en pépinière en Rhône-Alpes, Serge Lepage, directeur du Ratho à Brindas, dresse un constat : le tunnel n'est pas suffisant pour protéger les cultures du froid. En juillet dernier, à l'occasion d'une journée technique consacrée aux énergies renouvelables, différentes solutions permettant de garder sa serre hors gelet de la chauffer ont été présentées.

1 INVESTIR À BON ESCIENT EN OPTIMISANT LES DÉPENSES.

L'énergie constitue un poste de dépense croissant pour les producteurs. La construction d'une serre neuve permet d'intégrer les dernières innovations, qu'il s'agisse d'équipements de chauffage, d'isolation, de contrôle climatique, etc. L'emplacement de la serre peut alors être réfléchi en fonction des sources d'énergie locales – chaleur perdue d'une usine ou d'une centrale nucléaire, présence d'industries du bois... Parfois, la serre devient le moyen de valoriser une énergie (en accompagnement d'un projet de méthanisation, par exemple). Pour le parc existant, les choses ne sont pas aussi simples. « Rénover coûte très cher : les dépenses sont multipliées par deux », souligne Vincent Stauffer, responsable d'Agrithermic (Le Bourget-du-Lac – 73). « Le diagnostic est rapide ; la limite, c'est la marge de manoeuvre. » Les structures vieillottes ne justifient pas l'investissement lourd accompagnant un changement d'énergie (de l'ordre de plusieurs dizaines de milliers d'euros pour une petite pompe à chaleur à plusieurs centaines de milliers d'euros pour une grosse chaudière bois ou une cogénération). Au coût de l'équipement, s'ajoutent ceux de la distribution de chaleur (tuyauterie...), de la gestion climatique, de la maintenance... La solution réside dans une adaptation des genres végétaux (productions de serres froides) et de la conduite culturale (intégration des températures). Quelques aménagements peuvent être réalisés : en localisant le réseau de chauffage au plus près des cultures, en basse température si possible pour ne chauffer que la surface utile ; en calorifugeant les réseaux de transport de fluide ; en installant un ordinateur climatique qui gère mieux la température de la serre. Et en plaçant un écran thermique : il ne s'agit pas de « chauffer les étoiles », comme le souligne l'horticulteur Gabriel Gardet avec humour.

2 DIFFÉRENTES ÉNERGIES RENOUVELABLES À UTILISER AU MIEUX.

En matière d'énergie renouvelable, il n'y a pas de solution toute faite. Chaque entreprise constitue un cas particulier, d'où l'importance – voire l'obligation quand il s'agit d'obtenir des subventions (chaudière...) – de faire réaliser un audit énergétique. « Le cahier des charges de FranceAgriMer et de l'Ademe pour le diagnostic est bien fait : il propose des préconisations immédiates avec peu d'investissements, des investissements moyens, et d'autres plus lourds », explique Vincent Stauffer.

L'énergie solaire, la biomasse, l'énergie géothermique sont les principales sources envisagées dans le cas des serres horticoles. Différents projets expérimentaux visent à en tester la faisabilité : serre « capteur d'énergie » au CTIFL – Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes – (PAC, stockage de l'énergie en aquifère...), Plantinov'Ser labellisé Végépolys (PAC, déshumidification...) ou encore l'hypocauste de l'Astredhor. Dans ce système, qui doit être mis en place lors de la construction de la serre, l'air chauffé par le rayonnement solaire en faîtage est capté et accumulé dans des gaines, puis réinjecté la nuit au niveau des plantes pour augmenter la température. Les résultats sont mitigés, l'installation permettant au mieux une protection antigel (delta de températures de 6 °C) et engendrant des problèmes d'humidité.

3 PHOTOVOLTAÏQUE : DES RÈGLES ET DES TARIFS CHANGEANTS.

Le Ratho a fait réaliser, début 2011, une étude de faisabilité pour évaluer le potentiel photovoltaïque sur son site de Brindas. Le cabinet Transénergie (69) a conclu à un temps de retour de plus de 50 ans pour un investissement de l'ordre de 400 000 euros ! En réalité, tout dépend du cahier des charges initial. Vouloir installer des panneaux sur une serre existante, en ajustant leur taille, afin de provoquer le moins d'ombrage pour la culture démultiplie les coûts. Une installation photovoltaïque sur le toit d'un hangar peut encore être intéressante, si certaines conditions sont réunies : météo, surface disponible (optimums : orientation sud et inclinaison de 30°), absence d'ombre portée. Toutefois, de nouvelles conditions pour bénéficier de l'obligation d'achat ont été publiées en mars 2011 et modifiées par deux arrêtés publiés au 31 janvier (www.photovoltaique.info). Elles intègrent notamment une mécanique d'ajustement trimestriel des tarifs de rachat basée sur les demandes des trois mois précédents. Ces tarifs changent aussi selon l'usage du bâtiment, la puissance totale installée et la mise en oeuvre des panneaux : intégration au bâti (environ 30,77 centimes d'euro le kWh au 30 juin 2013) ou intégration simplifiée au bâti (16,81 centimes d'euro). À noter que certains équipements associant diverses sources de production d'électricité (photovoltaïque, micro-éolien...) à un générateur et une batterie permettent désormais une production autonome d'électricité.

4 LA SERRE BIOCLIMATIQUE RETIENT L'ÉNERGIE SOLAIRE.

L'utilisation directe de la chaleur solaire ou géothermique pose la question de son captage (panneaux solaires, pompe à chaleur...), de son stockage (dans l'eau, dans l'air...) et de sa distribution (gaines, échangeurs...). La serre bioclimatique d'Agrithermic simplifie ces processus (voir la figure ci-dessus). « Cette serre, orientée au sud, retient l'énergie solaire durant la journée et la stocke passivement dans un mur capteur accumulateur placé au nord. L'énergie est restituée pendant la nuit et les périodes nuageuses », explique Vincent Stauffer. Agrithermic réalise des audits et intervient dans la conception de serres à haute performance énergétique. « Les pertes nocturnes radiatives lors d'une nuit claire équivalent à l'accumulation de chaleur pendant une journée ensoleillée. » Dans des régions ensoleillées, les murs capteurs peuvent être construits en terre, lors de l'installation de la serre. Dans les régions nuageuses, où le rayonnement diffus domine en hiver, pour éviter le tropisme des plantes, le stockage thermique s'effectue dans de l'eau, qui peut accumuler trois fois plus de chaleur que la terre, et nécessite donc moins de surface de masse thermique. Ce système s'adresse aux rénovations comme aux constructions neuves. « La serre bioclimatique permet de maintenir la température moyenne à environ 6 °C en hiver et 14 °C au début du printemps en Rhône-Alpes. »

« Une telle installation nécessite de 5 à 6 heures d'ensoleillement par jour, une orientation correcte, une bonne isolation. Si les températures extérieures passent sous les - 12 °C, il y a un risque de gel sous l'abri. L'investissement est de l'ordre de 20 à 40 euros par mètre carré. » Les autres limites sont la largeur de tunnel qui doit rester inférieure à 10 m (l'influence du mur capteur au-delà est insuffisante), et la légère perte de rayonnement diffus occasionnée. Des adaptations sont possibles, comme l'installation de bidons accumulateurs sous les tablettes de culture ou l'utilisation d'un matériau à changement de phase (MCP) au lieu de l'eau : ces options sont testées au Ratho. Des modèles hybrides associant principes bioclimatiques et chauffage d'appoint sont également possibles. « La serre bioclimatique doit permettre un retour sur investissement très rapide », explique Serge Lepage. « En outre, c'est un système accessible en auto-construction. »

5 RECOURS À LA BIOMASSE : DES ÉCUEILS À ÉVITER.

Opter pour une solution biomasse n'est pas un parcours de tout repos, comme l'a rappelé Gabriel Gardet, installé à Thel (69). Sa longue expérience du chauffage bois lui a permis d'énumérer les écueils à éviter lorsque l'on veut opter pour un chauffage biomasse. Parmi ses préconisations : avoir une consommation d'énergie suffisamment importante (plus de 50 000 euros par an), posséder déjà une installation de chauffage centralisée, choisir le combustible en fonction des possibilités d'approvisionnement à proximité et sur le long terme, éviter les produits manufacturés (les granulés coûtent quatre fois plus cher que les déchets bois), calculer la quantité de matériau nécessaire, disposer d'assez de place pour le stockage, prévoir la maintenance, un approvisionnement automatique et... une chaudière de secours performante ! L'horticulteur rappelle qu'il faut investir dans du matériel neuf pour prétendre aux subventions et, si possible, avec une durée d'amortissement pas trop longue pour affronter les inévitables évolutions : corrosion de la chaudière, hausse du prix du combustible, augmentation de la taille de l'entreprise, mise sur le marché d'équipements plus performants...

6 MISCANTHUS : UNE SOLUTION ACTUELLEMENT À L'ÉTUDE.

C'est à cause du coût de maintenance et du problème de place pour le stockage que le lycée de Romans-sur-Isère (26) a orienté son choix vers le Miscanthus, plutôt que le bois dans sa réflexion sur les alternatives au gaz naturel jusqu'alors utilisé pour chauffer ses 5 000 m2 de serres. La poacée exploitée à des fins énergétiques (Miscanthus × giganteus) est une espèce résultant du croisement entre M. sinensis et M. sacchariflorus. « Cette culture est compatible avec le climat régional et permet d'être autonome en énergie », précise Pierre Danelon, directeur d'exploitation de l'établissement. « Elle est produite en Allemagne, Autriche, Suisse, et en France notamment en Bretagne, Champagne et Alsace. » Un essai a permis de valider la densité de 15 000 plants par hectare. Après quatre années, le lycée obtient de 15 à 18 t/ha en travaillant en culture sèche, c'est-à-dire sans irrigation dans une zone agricole à faible valeur agronomique, afin d'éviter la concurrence vis-à-vis des cultures alimentaires. Dans cette optique, une possibilité serait aussi de cultiver le Miscanthus en protection biologique sur les zones de captage. Son pouvoir calorifique est équivalent à celui du bois, mais la production de mâchefer et de verre (la plante étant très chargée en silice) nécessite d'utiliser une chaudière sophistiquée. « Le Miscanthus est récolté en mars avec un feuillage à 15 % d'humidité », précise Philippe Rivoire, de l'entreprise Miscanthus Green Power (Louhans – 71), qui vend des rhizomes à planter à 70-80 cm d'écartement. MGP commercialise également des chaudières biomasse intégrant des aciers spéciaux résistants à la corrosion et une régulation de température évitant la production de mâchefer.

Valérie Vidril

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