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Affections abiotiques : poser le bon diagnostic pour mieux les maîtriser

Les affections abiotiques des plantes d'ornement sont assez fréquentes, mais difficiles à détecter et trompeuses. Dans une démarche de qualité, chaque producteur a intérêt à être vigilant et à poser le bon diagnostic, si nécessaire avec l'appui d'un conseiller technique et/ou d'un labora toire d'analyses phytosanitaires.

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On classe dans les affections abiotiques une multitude de phénomènes impropres à l'existence des végétaux, non causés par des organismes vivants. Dans les cas graves, ces troubles atteignent les fonctions vitales des plantes et sont inéluctables. Ils constituent, en outre, une source potentielle de développement parasitaire. L'intégration des causes abiotiques dans l'analyse des risques phytosanitaires s'inscrit dans une démarche de qualité au sein de chaque entreprise horticole.

1 ACCIDENTS LIÉS AUX FACTEURS MÉTÉOROLOGIQUES

Les courants d'air froid sont redoutables pour les plantes d'origine tropicale, de climat doux ou d'orangerie, ainsi que les potées fleuries de serre chauffée comme l'Impatiens de Nouvelle-Guinée. Ils circulent à proximité des ouvertures de serres et tunnels, pouvant générer des déformations ou des nécroses superficielles sur les organes en croissance. Les fortes amplitudes thermiques entre le jour et la nuit peuvent déformer les jeunes pousses de rosiers. Ces symptômes sont souvent temporaires. Plus grave, le gel, même lorsque les températures négatives sont de courte durée, peut occasionner des symptômes irréversibles, notamment en fin d'hiver et au début du printemps : taches brunes, flétrissements, sensibilité accrue à certains pathogènes, en particulier les bactéries. Lorsque les gelées hivernales sont inférieures à - 7 °C et durables, les dégâts encourus sont sérieux pour de nombreuses plantes sensibles : brunissement des feuillages persistants, dépérissement du bourgeon apical des palmiers, fendillements ou éclatements des troncs, destruction de souches vivaces, nécroses racinaires. Les méthodes de lutte préventives les plus courantes sont l'hivernage des végétaux en conteneur sous tunnel, la mise en place de bottes de paille au sol ou encore la pose d'un voile de protection P17 sur les plantes ou P30 sur minitunnel. Dévastatrice, la grêle hache les tissus végétaux. Même après un bref passage, les fleurs, les feuilles et les écorces printanières des arbres n'y résistent pas. Un traitement à base de cuivre après l'averse prévient l'installation des maladies fongiques et bactériennes. La neige occasionnelle en plaine peut brûler les boutons floraux et le feuillage de plusieurs arbustes (Camellia, Ceanothus, Choisya, Escallonia, Magnolia grandiflora, Viburnum tinus...), ainsi que de nombreuses plantes méditerranéennes.

Dès le printemps, mais surtout en période estivale, les brûlures solaires sont à craindre à proximité des parois des serres et tunnels où l'ensoleillement persistant déshydrate et brûle les tissus végétaux. C'est pourquoi le blanchiment est pratiqué, ainsi que l'optimisation de l'arrosage par aspersion. La canicule devient grave lorsqu'elle dure plus d'une semaine. Le feuillage grille par l'ensoleillement à la suite d'une forte évapotranspiration des tissus, notamment sur les plantes cultivées hors-sol sur bâche où les températures dépassent 40 °C. Parmi les espèces sensibles, plusieurs sont d'origine japonaise, cultivées sous ombrière par précaution. En cas de nécroses, la suppression des parties brunies permet de stimuler une nouvelle pousse en fin d'été et d'éviter l'installation de champignons saprophytes devenant des parasites « de faiblesse », comme Alternaria sp. ou Botrytis sp. En pépinière de pleine terre, la sécheresse peut entraîner un stress physiologique plus ou moins marqué. Au pire, elle provoque une embolie causée par des bulles d'air, obstruant les tissus vasculaires des arbres et arbustes. Le ralentissement ou la rupture du flux de sève qui s'ensuit cause le dessèchement des parties chlorophylliennes. La sécheresse accentue également l'agressivité des sels minéraux en les concentrant dans la motte. À l'opposé de la sécheresse, mais aux effets visuels similaires, l'excès d'eau crée une asphyxie racinaire et attaque les parties souterraines des plantes comme une maladie tellurique, en provoquant un ramollissement des tiges, un affaissement et un brunissement du feuillage. Il peut également favoriser un développement pathologique (Phytophthora, Pythium, Cylindrocarpon, Thielaviopsis...). Certaines plantes (Choisya, Cercis, Cyclamen, Helleborus, Lavandula, Papaver, Pieris, Rosmarinus, Viola...) y sont sensibles dans des substrats très rétenteurs en humidité. Toutes les méthodes améliorant la porosité concourent à éviter ce phénomène.

2 MAUVAISE REPRISE ET TROUBLES DE LA NUTRITION

La culture des végétaux en pot ou conteneur ronds non adaptés au système racinaire peut générer un enroulement ou un étranglement sous forme de chignon racinaire. Un rempotage trop tardif y est également favorable. La plantation de tels sujets se traduit par une mauvaise reprise, des carences nutritives, une moindre résistance aux aléas climatiques et aux stress physiologiques. Les carences nutritives sont souvent confondues avec d'autres anomalies, telles que les phytotoxicités ou les attaques de virus. Parfois, les sels minéraux sont présents en quantité suffisante, mais sont inexploitables à cause du pH. On peut rencontrer des carences en éléments majeurs (azote, phosphore, potassium), en éléments secondaires (calcium, magnésium, soufre), ainsi qu'en oligo-éléments (bore, cuivre, fer, manganèse, molybdène, zinc). Dans cette dernière catégorie, la chlorose ferrique est l'une des plus fréquentes en conditions basiques (pH > 7) sur le pommier, le rosier, l'hortensia, le camélia et d'autres plantes acidophiles. Lorsque le pH diminue (4,5 à 5,5), la disponibilité des oligo-éléments (fer, manganèse, cuivre, bore, zinc) augmente, à l'exception du molybdène. On peut observer sur certaines plantes (Celosia, Impatiens x novae-guinea, Kalanchoe, Pelargonium zonale, Picea abies...) une intoxication en éléments mineurs, car le fer ou le manganèse sont absorbés en grandes quantités par les racines dans la solution du sol. Pour éviter ces désordres, les méthodes préventives et curatives se basent sur l'analyse régulière de l'eau d'irrigation, la mesure du pH et de la conductivité des substrats, le dosage et la fréquence appropriée des apports de matières fertilisantes selon les besoins nutritifs de chaque culture. Ces précautions limitent également les risques d'excès de salinité du sol. Cet excès provoque une déshydratation de la plante combinée à des phénomènes de toxicité ionique. Il entraîne ensuite des nécroses de feuilles et de racines, suivies d'un dessèchement partiel ou complet des parties vertes. Plus la demande en eau de la plante est importante, plus les symptômes s'accentuent. L'excès de salinité sensibiliserait les plantes à des maladies racinaires et/ou vasculaires : Fusarium, Pythium, Phytophthora, Rhizoctonia, Sclerotinia. Les embruns provoquent des dépôts blanchâtres et des brunissements du feuillage dans des pépinières en zones maritimes. Les jeunes plants feuillus y sont très sensibles en période estivale, jusqu'à 30 km de la côte lorsqu'ils sont exposés au vent dominant provenant du large. Enfin, des forages en terre saline peuvent être chargés de sel à certains moments de l'année au détriment des cultures irriguées.

3 PHYTOTOXICITÉS DE PRODUITS PHYTOSANITAIRES

Les intoxications de végétaux par des produits phytosanitaires se confondent facilement avec d'autres causes abiotiques ou des maladies d'origine parasitaire. Chaque spécialité commerciale mise sur le marché est autorisée pour un ou plusieurs usages à des doses et dans des conditions d'emploi précises. Elle devient agressive sur un ou plusieurs organes végétaux pour les causes suivantes : propriétés chimiques des molécules (manque de sélectivité d'un herbicide résiduaire, mélange extemporané de produits incompatibles), sensibilité de certains organes végétaux (selon les stades phénologiques), mauvaise qualité du matériel de traitement, erreur humaine (non-rinçage du pulvérisateur), facteurs météorologiques (effets non intentionnels d'un fongicide ou d'un insecticide-acaricide par températures inférieures à 5 °C, supérieures à 28 °C ou en présence d'amplitudes thermiques élevées entre le jour et la nuit). Il peut s'agir également d'une dérive d'herbicide non sélectif pulvérisé à proximité des cultures. Les symptômes observés sont propres à chaque cas : brûlure, nécrose, retard de croissance, développement anarchique, entre-noeuds très courts, feuilles enroulées en cuillère, gaufrage, blanchiment, jaunissement, brunissement, défoliation, mort partielle ou totale de la plante atteinte. La gravité des dégâts varie selon les produits en cause et les doses reçues.

4 OeDÈME ET BROUSSIN : LES DEUX MALADIES PHYSIOLOGIQUES

La principale maladie physiologique est l'oedème. Celui-ci traduit une rétention anormale d'eau au niveau de la feuille (surtout le long des nervures), parfois sur un pétiole ou une tige, à la suite d'un déséquilibre hydrique (culture annuelle trop précoce, arrosages inutiles par temps frais ou pluvieux, milieu de culture très humide, mauvaise ventilation des serres, arrosages à l'eau froide en période chaude). Dans ces situations, les cellules gonflent, éclatent et forment des petites pustules translucides d'aspect aqueux, principalement situées à la face inférieure des feuilles. Lorsque ces boursouflures sont très nombreuses, elles confluent et forment une excoriation liégeuse. L'oedème est plus fréquent sur les feuilles âgées que jeunes et sur les tissus épais ou coriaces : Buxus, Camellia, Opuntia, Pelargonium zonale... Une autre maladie physiologique rencontrée quelquefois en pépinières ligneuses est le broussin. Connue sur la vigne, cette excroissance se manifeste sur le tronc ou les branches de certains arbres et arbustes (Acer, Fraxinus, Juglans, Platanus, Ulmus, Vitis...). Elle provoque une multiplication anarchique de cellules à la suite de blessures accidentelles, de tailles ou d'élagages répétés sur les rameaux ou les branches. Ce type de symptôme est moins fréquent en production qu'en espaces verts.

Jérôme Jullien

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