Expérimentation : les stations ajustent leurs missions
La recherche et l'innovation sont nécessaires au développement de la filière. Avec la réorganisation des stations en unités de bassin et les inquiétudes sur les financements, comment s'organise l'expérimentation technique horticole ? Exemple avec la station Ratho, à Brindas (69).
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L'expérimentation et l'accompagnement technique des entreprises tentent de trouver leurs marques dans un contexte mouvant. Exemple avec la station horticole Ratho, l'organisation de ses actions, et la mise en place d'essais. Aujourd'hui, les deux missions de cette structure sont clairement identifiées et fonctionnent en synergie : un pôle pour les expérimentations, et un de développement et d'accompagnement. Au niveau de l'expérimentation, il convient de distinguer les projets nationaux, orientés sur la recherche fondamentale ; régionaux, plus appliqués ; et privés qui valident des procédés industriels.
1 LES PROJETS NATIONAUX SE DÉCIDENT AU NIVEAU DE L'INSTITUT
technique national Astredhor, via le conseil des métiers qui réunit des représentants des syndicats horticoles, par filière, et des représentants de l'Astredhor. Des thèmes, majeurs et fédérateurs au niveau national, émergent, comme l'énergie, la diversification des gammes végétales, l'homologation des produits phytosanitaires, la gestion de l'eau... Ils sont souvent associés aux instituts de recherche fondamentale. Jusqu'alors, ces programmes étaient portés par la structure nationale de l'Astredhor qui déléguait des missions bien ciblées à des stations régionales. Depuis 2013, chacune des six unités de bassin est en mesure, au travers d'appels d'offres, de porter ces projets, en interaction avec la recherche fondamentale et les autres bassins de production. Cette réforme ouvrira, demain, pour chaque station, de nouvelles perspectives au niveau des expérimentations, bien que chaque unité de bassin devrait, a priori, ne retenir que les thèmes correspondant à ses aptitudes. Par exemple, le Ratho aurait les compétences et les outils pour travailler sur la gestion de l'outil serre, la biodiversité fonctionnelle, la diversification des gammes, l'hydroponie, l'horticulture urbaine. Elle serait beaucoup moins axée sur le travail d'homologation des produits phytosanitaires, les fleurs, les bulbes, la pleine terre... des thèmes correspondant mieux à d'autres bassins.
2 L'INCIDENCE DU STRESS HYDRIQUE SUR LA QUALITÉ
ornementale des plantes en pot de 15 l est l'un des exemples de programmes d'expérimentation portés par la structure nationale Astredhor. Dans ce cas, on observe la tensiométrie qui calcule la force de rétention de l'eau retenue dans un sol ou un substrat. Cette donnée, mesurée en centibars (cbars), est différente selon le type de sol ou de substrat. Elle s'utilise pour déterminer si la plante est pourvue en eau ou si elle est en situation de stress hydrique. L'essai mené depuis trois ans au Ratho et dans plusieurs stations du réseau, réalisé sous abri, consiste à étudier le comportement d'une série de plantes soumises respectivement à des tensions maximales de - 10, - 30 et - 50 cbars et à des fréquences d'arrosage différentes. Il s'agit d'analyser dans quelle proportion une réduction des fréquences d'arrosage a une incidence sur la qualité ornementale. La réaction des végétaux dépend des besoins physiologiques propres à chaque espèce et du stade de développement. Sur l'essai 2012, en fin de culture (septembre), le Streptocarpus ne présente quasiment aucune différence aux niveaux végétation et floraison que la plante soit soumise à des tensions de - 10, - 30 ou - 50 cbars. L'Ipomea batatas préfère une « situation de confort » : arrosée seulement une fois par semaine, la végétation est plus réduite et beaucoup de feuilles jaunes apparaissent. Situation inverse pour le Bacopa qui présente une floraison beaucoup plus abondante en situation de stress hydrique. Concernant Asclepia, cette même situation provoque une ramification plus importante. Enfin, avec Begonia X benariensis, la floraison est certes moins abondante en situation de stress hydrique, mais la qualité ornementale reste correcte. La synthèse des résultats de fleurissement, obtenus dans les stations participant à l'essai, et sur plusieurs années, doit permettre d'optimiser les besoins en eau et d'éviter tout arrosage superflu. La comparaison des différents besoins est, par ailleurs, un élément clé pour réussir les associations de plantes dans un même contenant (exemple des compositions mixtes).
3 LES PROGRAMMES RÉGIONAUX PROPRES À LA STATION RATHO
tendent vers une vision à plus court terme, plus axée sur les préoccupations exprimées par les producteurs. La symbiose entre les deux pôles du Ratho (expérimentation/ appui technique puis vulgarisation) prend tout son sens. Les axes de travail découlent des attentes, essentiellement techniques, des adhérents. L'objectif étant de fournir, au terme du programme mis en place (généralement trois ans), une « recette » aux producteurs, sous forme de fiches techniques. Le Ratho a déjà constitué et publié 330 fiches de culture pour les plantes en pot et à massif.
« Il est essentiel, pour chaque problématique technique abordée, de ne pas perdre de vue l'aspect économique pour rester crédible. Vis-à-vis des professionnels, on ne peut pas travailler sur une gamme végétale sans prendre en compte l'incidence de la main-d'oeuvre, les densités de culture, l'aspect phytosanitaire... Sur un thème de départ, comme la diversification végétale, on regardera aussi la PBI, les économies d'énergies, les ratios économiques... Il ne suffit pas de présenter et de comparer de nouvelles variétés : les obtenteurs savent le faire. Il faut montrer que les mises en culture et les utilisations sont compatibles avec les exigences économiques et les outils techniques dont disposent les producteurs. Ces critères doivent être partagés avec l'ensemble des partenaires : fournisseurs de jeunes plants, de matériels, de matières premières (substrats, poteries...) », explique Serge Lepage, le directeur de la station.
4 LES ESSAIS SUR HYGROFILM NOUVELLE GÉNÉRATION
ont permis de travailler sur les économies d'énergies avec une culture de poinsettias (expérimentation 2012). C'est aussi l'exemple d'un projet, au départ privé, qui fait l'objet d'un programme régional public concernant les producteurs. La nouvelle génération d'écrans thermiques translucides Hygrofilm TIH 200 (gamme Texinov), classée antifeu selon la norme BS 1, répond à une préoccupation des assureurs, notamment en Europe du Nord où les risques de début d'incendie sont réels par la présence, à proximité des écrans, de lampes et de moteurs. Comme le précédent produit TIH 100, le TIH 200 peut être utilisé 24 h/24 sans incidence sur le « matériel » végétal. Sa constitution particulière assure au film translucide les mêmes résultats thermiques que les films aluminisés. L'expérimentation a pour but de vérifier l'incidence de l'écran par rapport aux économies d'énergies annoncées (40 % sur un hiver en culture menée à 18 degrés), d'optimiser la gestion des ouvrants, d'étudier l'impact d'une légère diminution de la lumière directe (de l'ordre de 7 %) due à la présence de l'écran, et de trouver des solutions techniques pour proposer aux horticulteurs une installation simple, réalisée en interne. Objectif : un retour sur investissement dès la première année. Pour une utilisation sous tunnel, l'objectif est de trouver un système de tendeurs permettant un montage et un démontage faciles afin de n'utiliser la toile que pendant la période de chauffe.
5 LES PROJETS PUREMENT PRIVÉS REPRÉSENTENT
une partie importante du travail de la station. Validés par le bureau, ils contribuent à l'équilibre financier du Ratho. Ils sont « très stimulants », précise Serge Lepage, « car derrière, il y a une vraie demande. Le projet étant à son coût réel, sans subventions, les partenaires industriels avec lesquels nous travaillons ont l'obligation de croire à ce qu'ils font. Leur objectif est de développer, demain, une nouvelle technique ou un marché ». Le Ratho sert de pôle de validation, apporte son outil de travail et son expertise. Par contre, les résultats restent privés. Mais ils débouchent sur des technologies qui pourront être mises à disposition des producteurs, comme les études sur les murs à réserve d'eau végétalisés Murdeau, les toitures végétalisées Adivet, les engrais à libération programmée Everris, les amendements organiques Fraysinnet, les supports amateurs Vilmorin... Les expérimentations menées actuellement s'adressent aux producteurs. Autre exemple, l'analyse sur une gamme de végétaux adaptés aux toitures végétalisées a, indirectement, sur une problématique particulière de gestion de l'eau, abouti à créer, entre deux partenaires privés, le produit Covernet, dont les possibilités d'utilisation intéressent d'autres techniques hors sol comme les murs végétaux ou les minijardins.
6 LES ÉVÉNEMENTS COMME LES JOURNÉES TECHNIQUES
(trois fois par an), les portes ouvertes... sont là pour restituer et présenter le travail annuel de la station. Mais c'est aussi et surtout un moment privilégié de rencontres entre les professionnels. Les producteurs sont tributaires des autres secteurs de l'horticulture : ils ne créent pas leurs variétés, ils achètent des jeunes plants et des substrats, ils testent de nouveaux matériels... ils ont besoin de confronter leurs démarches ou leurs points de vue.
Claude Thiery
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