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« Les producteurs comptent sur nous comme nous comptons sur eux »

ANTOINE ADAM, DIRECTEUR DE FLORALIE'S GARDEN-REIMS

La saison 2013 se termine. Elle restera gravée dans les mémoires de la pire des manières. Cinq professionnels de la distribution témoignent des difficultés rencontrées et répondent aux critiques dont leur secteur fait l'objet...

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Avez-vous déjà connu des printemps aussi difficiles ?

Non, à l'unanimité ! Un tel manque de luminosité et de chaleur sur une aussi longue période : du jamais vu.

Quel est son impact sur les ventes de végétaux à ce jour ?

Antoine Adam : Moins 15 % sur le marché aux fleurs, moins 20 % en pépinière, dans un magasin qui réalise 47 % de son chiffre avec des végétaux.

Éric Boucher : Par rapport à 2012, nous sommes à moins 20 %, mais cette année avait été pour nous exceptionnelle. Par rapport à 2011, le retard n'est « que » de 14 à 15 %. Les ventes de plantes d'intérieur sont normales.

Michel Conte : Moins 25 % sur la pépinière, moins 15 % sur le marché aux fleurs et moins 10 % pour la serre chaude.

Bruno Lanthier : Le trafic en magasin est autour de moins 10 %, les végétaux plutôt à moins 20 %. La pépinière est le rayon le plus touché.

Patrick Lorie : Au niveau national, nous sommes à moins 18 % sur le MAF et à moins 23 % en pépinière.

Comment avez-vous assuré le quotidien en avril et mai ?

A.A. : Nous avons maintenu en permanence du choix pour les clients, des plantes fraîches. C'est notre politique depuis toujours. Du coup, nous avons beaucoup jeté...

É.B. : Nos magasins ont toujours été pleins. Si nous avons eu moins de travail pour renseigner et servir les clients, le travail de nettoyage des plantes a été très lourd. Et nous avons dû stopper les contrats de certains saisonniers prématurément.

M.C. : En donnant la priorité aux achats anticipés de manière à assurer les engagements, puis en adaptant les approvisionnements en fonction des ventes.

B.L. : En gérant les surstocks et en assurant que le magasin soit toujours approvisionné avec de beaux végétaux. Nous ne pouvions pas prendre plus que ce que nous avons pris : si nous sommes à moins 23 % en chiffre d'affaires, nous ne sommes qu'à moins 7 % sur nos achats... Nous avons stocké, mais aussi jeté...

P.L. : Les professionnels ont toujours maintenu du produit de qualité en rayon. Cela signifie que les producteurs comptent sur nous comme nous comptons sur eux.

Au mois d'avril, certains ont dû supprimer des tracts pour lesquels ils avaient fait produire des végétaux. Comment ces problèmes ont-ils été gérés ?

É.B. : Nous avons tenu notre campagne. Nous avons avec nos fournisseurs deux types de liens : des engagements fermes et d'autres qui constituent des orientations au sujet desquelles nous travaillons ensemble sans garantie. C'est sur ces secondes que la panne du marché s'est sentie ! À noter aussi que se dessinent chez le consommateur de nouvelles tendances, comme le plant potager, dont les ventes sont restées proches de 2012.

M.C. : Certains tracts ont été supprimés sur des magasins, mais jamais sur l'ensemble du groupe. Mais même dans ce cas, les baisses de quantités ont surtout touché les réassorts. Par contre, les quantités réservées en avance ont été globalement bien respectées. Le risque climatique est donc supporté par les fournisseurs, essentiellement en réassort non réservé.

B.L. : Nous avons assuré l'intégralité de nos prévisions en matière d'opérations commerciales, mais nous avons parfois dû réduire nos engagements. Pour cela, nous avons réalisé les ajustements avec les producteurs avec lesquels nous sommes les moins engagés. Pour la pépinière, par exemple, l'essentiel des achats qui ont été annulés portait sur des fournisseurs étrangers.

Pour la fête des Mères, certains magasins n'ont pas été réapprovisionnés en végétaux, alors qu'ils en manquaient parfois, pour ne pas déséquilibrer la trésorerie. N'avez-vous pas raté des ventes ?

A.A. : La plante cadeau s'est bien vendue, particulièrement la plante fleurie. La fête des Mères a été correcte.

É.B. : L'offre dédiée a bien fonctionné. Nous avons par contre eu des soucis d'approvisionnement pour certains produits qui n'étaient pas prêts chez les producteurs.

M.C. : Nos résultats sont tout à fait corrects en serres chaudes. Quant aux baisses en secteurs « extérieur », elles sont plutôt dues au climat froid qu'à des problèmes de sous-stockage en magasin.

B.L. : Nous avons approvisionné les magasins pour donner envie aux consommateurs, et nous avons fait une fête des Mères normale.

P.L. : Dans l'ensemble, elle a été réussie et les clients étaient satisfaits.

Cette année va-t-elle modifier votre manière de travailler avec la production ?

Nous sommes quasi unanimes : 2013 est un accident climatique qui ne devrait pas se reproduire de sitôt et il n'est pas forcément indispensable de modifier l'organisation des approvisionnements. Sauf si cela se reproduisait...

M.C. : Cette année pose le problème de l'importance des engagements et commandes anticipées. La tendance, au moins jusqu'à mi-2014, va aller vers une réduction des anticipations et une augmentation des achats d'opportunité.

Le rôle de la centrale va être de tempérer cette réaction naturelle et de conserver une organisation de nos approvisionnements, afin d'éviter les ruptures et une baisse trop forte des mises en production.

Le mois de juin peut-il permettre un rattrapage ?

Début juin a été excellent sur certains magasins, en hausse mais pas de manière très significative dans d'autres, voire « normal » dans certaines régions. Globalement, nous ne pensons pas pouvoir rattraper le retard pris.

B.L. : Les urbains penseront bientôt aux vacances plutôt qu'au jardin.

A.A. : Juin et même juillet restent des mois où les gens jardinent. Mais les producteurs auront-ils encore du végétal à vendre ? Cela pourrait être le facteur le plus limitant.

P.L. : Prenant moins de vacances et voyant que le climat du printemps avait au moins eu le mérite de nous proposer une belle végétation dans la nature, les Français pourraient être tentés de jardiner en début d'été. Mais surtout, il faut donner rendez-vous aux jardiniers pour l'automne et repartir sur de bonnes bases pour l'avenir...

Propos recueillis par Pascal Fayolle

(*) Fédération nationale des métiers de la jardinerie.

ÉRIC BOUCHET, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE BOTANIC

MICHEL CONTE, PRÉSIDENT DU DIRECTOIRE DE JARDILAND

BRUNO LANTHIER, PDG DE TRUFFAUT

PATRICK LORIE, PRÉSIDENT DE LA FNMJ (*)

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