Les difficultés de la simplification
La biodiversité végétale et les plantes d'ornement sont-elles en danger à cause de réglementations européennes ? Réunis le 16 mai à Courson (91), les professionnels dénoncent le manque de transparence d'un projet qui inquiète...
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Un projet de réglementation en cours au niveau européen cristallise de nombreuses inquiétudes. Il concerne les « échanges » de végétaux, leur multiplication (y compris les semences), leur commercialisation (1 et 2)... Dans ce cadre, Patrick Pineau, des pépinières Minier, Christian Crépin, des pépinières Lepage, l'association Plantes & Cultures, Graham Spencer, de l'association d'obtenteurs Plants for Europe (Royaume-Uni), Colin Moat, de Pineview Plants (Royaume-Uni), le journaliste et animateur Stéphane Marie sont intervenus lors d'une table ronde le 16 mai durant les Journées des plantes de Courson (91).
Douze directives regroupées en une seule...
Diana Charels, venue au nom de la Commission européenne, a précisé qu'il s'agit d'un travail plus global de regroupement de 12 directives et 278 « actes secondaires » pour moderniser et simplifier la réglementation en une seule directive globale. Il y a pourtant « un loupé » : les consultations ont débuté dès 2007 (pour se conformer à une décision de 1998 à Lisbonne) avant de commencer la rédaction de cette loi simplifiée... mais quelques intervenants présents n'ont entendu parler de ce travail bien engagé qu'il y a à peine six mois, et les autres pas du tout ; il aurait fallu s'informer sur le site internet de la Commission... Une première version a été rejetée ce printemps, sans explication, en première lecture, par le Parlement européen ; la Commission veut tout de même le représenter ; et le Conseil a donc repris le travail de rédaction. Reste à voir si les nouveaux représentants européens, récemment élus, et la nouvelle présidence (l'Italie à partir de juillet) vont changer leur regard sur la question.
Où sont vraiment les enjeux ? Pour les intervenants de la table ronde, c'est l'approche qui fait peur. En fait, toutes plantes agricoles, forestières, fruitières, légumières, viticoles... sont prises dans la même réglementation. Si elle doit, a priori, améliorer l'information destinée au consommateur pour les plantes alimentaires et garantir leur qualité sanitaire, elle ne s'adapte pas du tout aux végétaux d'ornement, affirment les producteurs, et encore moins aux plantes de collection. En particulier, toute plante vendue devrait avoir un nom commun compréhensible de tous et une fiche très détaillée permettant une identification précise. Or, le nom commun seul est source de sérieux malentendus ; le nom latin complet est une information essentielle pour l'identification et un langage compris dans le monde entier. Les végétaux doivent aussi être vendus sains, mais quid des plantes panachées, décoration souvent due à un virus ? Sous prétexte de protection du consommateur, les petits producteurs ne sont pas prêts à se plonger dans des procédures administratives lourdes, ni à investir dans des logiciels informatiques onéreux alors que tout le travail de description botanique est déjà compilé pour 15 000 végétaux d'ornement dans la « bible » horticole anglaise, le Plant Finder, et que des réglementations sanitaires existent déjà. Son collègue en charge des plantes d'ornement ne parlant pas français et étant indisponible, Diana Charels est venue en porte-parole d'un travail qu'elle n'a pas mené elle-même (elle a suivi d'autres problématiques). Ajouté à cela des problèmes pratiques de traduction instantanée des échanges, les débats ont surtout fait émerger des sens différents pour les mêmes termes, un manque de transparence dans les activités de la Commission européenne, des avis contradictoires et des incompréhensions majeures : « Toutes les plantes ne peuvent pas avoir la même réglementation », « La commission ne connaît pas notre monde », « Elle va faire mourir nos petites entreprises », « Qui a été concerté ? », « Quels représentants (professionnels et experts) ont travaillé sur le sujet ? », « Quels sont les lobbies qui ont fait pression pour obtenir une rédaction aussi décalée et irréaliste ? », « Comment sont prises les décisions ? », « Qui, dans la Commission, a tant intérêt à ce que le projet soit maintenu en l'état ? » Entre les producteurs et les législateurs européens, pour partie trop simplificateurs et hyper complexificateurs, il y a un gouffre dans le niveau de détail exigé ou imposé, concernant les noms, les descriptions, les informations complémentaires, les procédures. Les professionnels présents ne voient pas comment appliquer cette mouture. Ils se sont surtout sentis remis en cause dans leur honnêteté et leur capacité à garantir l'authenticité de ce qu'ils mettent en vente.
... « plus intelligente, moderne et simplifiée d'ici 2016 »
Le travail de la Commission européenne veut protéger les citoyens. Dommage que les consommateurs ou leurs représentants directs et les points de vente n'aient pas été plus présents ou n'aient pas pu formuler leur attentes. Une personne du public a rappelé son besoin d'explications très souvent absentes ou incomplètes sur le lieu de vente, notamment sur les préconisations d'utilisation... Une remarque fondée, mais ressentie comme hors sujet en fin de débat. Or, pour la clientèle, ce type d'informations est pourtant probablement plus important, à très court terme, que les noms complets et/ou les problèmes de multiplication.
Dans un communiqué du 6 mai dernier, la Commission européenne apporte une partie de réponse aux interpellations (3) : les semences pour les jardins privés ne relèvent pas de la législation de l'Union, les frais d'enregistrement variétal seront réduits pour les microentreprises et les « matériels de niche », les microentreprises seront globalement exonérées du paiement des redevances d'enregistrement... Mais ces précisions restent, a priori, très insuffisantes...
La question sera reprise aux Journées d'automne de Courson, mi-octobre prochain. Diana Charels a entrouvert les portes de la discussion : les représentants d'associations et syndicats concernés peuvent faire connaître officiellement leurs réclamations afin de contribuer à la reformulation du texte et des amendements en cours. Le débat n'est que partie remise... mais il ne va pas être facile de concilier toutes les attentes et exigences des législateurs, des producteurs, des commerçants et des consommateurs... L'objectif demeure la mise en place « d'une réglementation plus intelligente, moderne et simplifiée d'ici 2016 »...
Odile Maillard
(1) ec.europa.eu/food/plant/plant_propagation_material/index_en.htm (2) ec.europa.eu/food/plant/plant_propagation_material/plant_variety_catalogues_databases/index_en.htm (3) europa.eu/rapid/press-release_IP-13-400_fr.htm
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