Quel est votre diagnostic ? C'est le chancre de l'écorce du séquoia
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Le dessèchement brutal de petits bouquets de ramilles au cours de la saison de végétation permet de suspecter une interruption soudaine de la circulation des flux de sève. Le diagnosticien est alors incité à observer la base des rameaux desséchés. À la limite entre les tissus secs et ceux encore vivants, un craquellement de l'écorce de l'arbre (ou une boursouflure) au niveau duquel de la résine s'échappe, est systématiquement relevé. Ces symptômes et ces indices évoquent de probables points d'infection. Sous l'écorce, les tissus ont une teinte orangée à brune, et les zones nécrosées sont gorgées de résine.
La multiplicité des rameaux affectés laisse alors envisager de nombreuses infections, indépendantes les unes des autres, survenues dans le houppier de l'arbre. Les isolements mycologiques réalisés à partir des lésions sous-corticales observées ont permis de mettre en évidence la présence de Botryosphaeria dothidea (Moug. ex Fr.), agent de la maladie du chancre de l'écorce du séquoia.
CONFUSIONS POSSIBLES
Sur des sujets adultes et bien développés, aucune autre affection parasitaire n'est en mesure de générer de tels symptômes. Des cas de dessèchements localisés à la cime des arbres sont parfois rapportés sur des séquoias géants, mais ils sont attribués à des facteurs climatiques et notamment à des situations de fortes sécheresses. Lors d'une attaque de la cochenille à bouclier du genévrier (Carulaspis juniperi), les symptômes sont fort différents. Sous l'effet de ses prélèvements répétés, l'insecte génère en effet un pâlissement puis un jaunissement des ramilles colonisées. De plus, lors d'une observation attentive, les boucliers ronds et blanchâtres des femelles se détectent facilement.
ORIGINES DU CHAMPIGNON ET HÔTES POSSIBLES
Botryosphaeria dothidea est un champignon connu de longue date en Europe. Réputé pour sa polyphagie, il s'exprime sur de multiples espèces de résineux (Araucaria, Chamaecyparis, Cupressus, Metasequoia, Pinus, Sequoia, Sequoiadendron, Taxus, Thuja...) ainsi que sur des feuillus (arbres fruitiers, rosiers...). L'espèce est décrite dans de nombreuses régions du monde. Sa présence en France sur des Sequoiadendron giganteum est attestée à la fin des années 1970, puis fortement mise en évidence et étudiée à la fin des années 1980 sur des plantations expérimentales réalisées dans la basse vallée du Rhône. Dans nos régions, l'hôte le plus sensible à cette pathologie est le séquoia géant et sa présence sur d'autres conifères – notamment sur le Sequoia sempervirens – reste exceptionnelle. Dans l'ouest du continent américain, la maladie du chancre à Botryosphaeria (« Botryosphaeria canker ») est observée sur de nombreuses essences et notamment sur le pistachier commun (Pistacia vera).
ÉLÉMENTS DE BIOLOGIE
Botryosphaeria dothidea correspond à la forme sexuée du champignon ; la forme anamorphe est Fusicoccum aesculi. Ce pathogène semble profiter d'une plaie pour s'installer dans les rameaux : des blessures accidentelles, des piqûres d'insectes... Il provoque alors une nécrose brune à orangée des tissus sous-corticaux. En réaction à l'infection, l'arbre exsude de la résine qui s'épanche largement à l'extérieur sur les écorces. Au cours de la saison, la nécrose progresse rapidement et parvient en quelques mois à ceinturer complètement un jeune rameau. Le bouquet feuillé se flétrit, prend une coloration terne vert pâle et se dessèche vite, notamment à l'approche des chaleurs estivales. De petites « billes » noires incrustées dans l'écorce – les pycnides (forme conidienne du champignon) – s'observent parfois sur les ramilles desséchées. Lorsque le champignon s'installe sur des rameaux ou des branches de plus gros diamètre, le chancre occasionné n'est pas forcément en mesure de ceinturer en une seule saison l'axe infecté. Ainsi, ces zones chancreuses persistent d'une année sur l'autre sur les écorces sans que la partie distale de la branche ne se dessèche nécessairement.
CONSÉQUENCES POUR LES ARBRES
La maladie du chancre de l'écorce du séquoia occasionnée par Botryosphaeria dothidea est réputée se développer sur des sujets en situation d'affaiblissement. Le facteur fréquemment mis en évidence est la sécheresse estivale. Dans leurs régions d'origine, les séquoias géants poussent en altitude sur des versants frais et fortement arrosés ; ils bénéficient notamment de fréquents brouillards. Ces conditions stationnelles sont souvent bien éloignées de celles auxquelles nombre d'entre eux sont confrontés dans les parcs de nos régions. Elles peuvent de surcroît être accentuées par des facteurs d'agression anthropiques : travaux à proximité des arbres, assèchement et imperméabilisation des sols, compaction des terres, suppression de la litière de matière organique... Les observations de terrain confirment bien que les dégâts de la maladie sont plus importants sur des sujets pour lesquels un affaiblissement est identifié. Les séquoias en bon état physiologique sont notamment dotés d'une grande capacité de résilience leur permettant d'émettre de nombreux rejets sur les rameaux infectés ; ils reconstituent ainsi rapidement les parties endommagées. Sur de tels arbres, une situation « d'équilibre » entre les dessèchements occasionnés par la maladie et la réitération semble s'établir. Par contre, sur des séquoias en difficulté, un lent déclin s'installe (branches mortes, houppier clairsemé...) pouvant se prolonger sur plusieurs décennies.
Sur de jeunes sujets, la maladie du chancre de l'écorce est toujours beaucoup plus dommageable et peut entraîner leur mortalité partielle ou totale en quelques années seulement. Le champignon présent sur les branches gagne rapidement le tronc et forme autour de l'insertion des axes un faciès chancreux typique de forme elliptique. Autour de ce méplat, un bourrelet cicatriciel proéminent s'observe. En progressant au fil des années, le chancre finit par ceinturer le tronc et entraîne la mortalité de la jeune cime.
Par Pierre Aversenq, expert arboricole
Bibliographie M. Morelet, C. Andreoli, P. Chandelier, J.-E. Menard. Botryosphaeria dothidea agent de chancre sur Sequoiadendron giganteum. Revue forestière française, volume XLV,n° 1-1993, pp. 37-42.
Botryosphaeria dothidea
La maladie du chancre de l'écorce peut entraîner la mortalité partielle ou totale de jeunes sujets en quelques années. PHOTO : PIERRE AVERSENQ
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