Le miscanthus : un produit en devenir pour la filière...
Du chauffage biomasse à la gestion des zones de captage, en passant par le paillage ou la fabrication de biomatériau, le miscanthus semble offrir des perspectives dans le cadre du développement d'une filière locale et de la mise en place de circuits courts.
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Terre d'horizon et l'Adil Information énergie ont organisé le 28 novembre une journée d'échanges sur le miscanthus, à Romans-sur-Isère (26). L'objectif ? Réunir les différents acteurs susceptibles d'être intéressés par le développement d'une filière en Rhône-Alpes, et envisager les perspectives possibles. Parmi les utilisateurs potentiels, les horticulteurs, pépiniéristes et collectivités.
1 UN USAGE QUI N'EST PAS UNIQUEMENT ORNEMENTAL.
Les grandes panicules plumeuses du miscanthus aux reflets argentés ou violacés ne pouvaient qu'attirer l'intérêt du jardinier. Cependant, l'espèce considérée, Miscanthus x giganteus, n'a pas été créée à des fins ornementales, mais énergétiques. Elle résulte de l'hybridation entre Miscanthus sinensis et M. sacchariflorus. Elle est stérile du fait de sa triploïdie, et le faible développement latéral de ses rhizomes laisse supposer un potentiel invasif limité, au contraire des espèces utilisées en ornement, en particulier M. sinensis ou roseau de Chine. La culture pérenne (supérieure à quinze ans) de cette graminée vivace au métabolisme photosynthétique en C4 atteint des rendements de 10 à 25 t/ha à partir de la deuxième ou troisième année d'installation. Ses exigences limitées (en produits phytosanitaires, en fertilisants...) la rendent particulièrement attractive pour une production de biomasse respectueuse de l'environnement. Le lycée horticole Terre d'horizon - pôle d'enseignement public du végétal, du paysage et de l'environnement de la Drôme -, avec différents partenaires, mène depuis 2008 une expérimentation pour évaluer la faisabilité de la culture du miscanthus dans les conditions locales et sa valorisation possible.
2 UN MATÉRIAU POUR LE CHAUFFAGE BIOMASSE...
Le miscanthus offre un PCI (1) élevé : de 4 200 à 4 500 kWh/t contre 3 300 kWh/t pour la plaquette de bois. Une tonne de fioul domestique, 1 m3 de gaz naturel et une tonne de gaz propane équivalent respectivement à 2,26 t, 2 et 2,72 t de miscanthus. Selon le lycée horticole Terre d'horizon, une serre horticole brûlant 25 t de gaz propane par an nécessiterait 73 t de miscanthus, soit une surface de 5,6 ha. Sur le plan environnemental (bilan carbone), sa combustion s'avère performante. Son intérêt économique varie selon ses conditions d'emploi, un conditionnement en briques compressées ou des granulés augmentant forcément le prix du combustible par rapport au vrac. L'autoconsommation permettrait de limiter les coûts de matière première. C'est dans cette optique que Gérard Deroux (2), horticulteur à Saint-Bardoux (26), a fait réaliser un diagnostic énergétique par le cabinet Agrithermic afin de valider l'intérêt de chauffer sa serre en verre (2 000 m²) au miscanthus. Cette dernière est chauffée au propane 2 500 h par an, à 20 °C, pour plus de 22 000 € annuels. Le producteur souhaiterait approcher l'autonomie énergétique. L'étude évalue à 175 000 € le coût total d'investissement (chaudière, traitement des fumées, ensileuse, stockage, voierie...). Si l'étude énergétique est subventionnée à 60 %, les aides accordées pour l'achat d'une chaudière polycombustible doivent être évaluées au cas par cas (appel à projet FranceAgriMer, aides régionales, certificat d'économie d'énergie...).
3... EN AUTOCONSOMMATION ET AVEC UNE CHAUDIÈRE ADAPTÉE.
Une fois installée, la culture du miscanthus nécessite peu d'entretien. En revanche, les conditions d'implantation la première année ainsi que la qualité des plants (très sensibles au dessèchement) sont primordiales. Gérard Deroux en a fait l'amère expérience cette année, alors qu'il souhaitait planter 2 ha qui auraient fourni 120 MWh. Une livraison trop tardive des plants et des conditions météo particulièrement pluvieuses ne lui ont pas permis d'assurer correctement la plantation.
Le miscanthus nécessite un sol ni trop hydromorphe ni trop séchant, d'une profondeur minimale de 60 cm pour fournir un rendement suffisant. Ce dernier est optimisé avec l'irrigation (la culture étant sensible au stress hydrique entre mai et septembre) - 600 mm d'eau par an -. La plantation s'effectue au printemps à l'aide d'une planteuse maraîchère, dans un sol préparé. Un désherbage chimique et/ou mécanique est indispensable la première année. La récolte a lieu en sec (15 % d'humidité), entre février et avril. Les feuilles tombées au sol entraînent une augmentation de sa teneur en matière organique. La première récolte (avec une ensileuse à maïs) ne s'effectue que la deuxième voire la troisième année après plantation ; et la première année (un an de croissance), une taille de stimulation avec broyage (résidus laissés sur place) est nécessaire. Terre d'horizon a évalué à environ 3 000 €/ha le coût d'investissement pour une densité de 15 000 rhizomes/ha, 75 % de ce coût étant dus à l'achat des rhizomes, le reste au matériel et à la main-d'oeuvre.
Les inconvénients principaux du miscanthus sont liés à sa combustion. Elle nécessite un investissement élevé dans une chaudière biomasse adaptée car, riche en silice, la plante produit des mâchefers à des températures supérieures à 850 °C. L'adjonction de chaux permet de limiter cette formation, mais complique le procédé. Par ailleurs, la combustion produit une quantité de cendres importante (5 à 10 % contre 1 à 2 % pour le bois). La paille de miscanthus rend délicate l'alimentation de la chaudière et oblige à prévoir un volume important de stockage (3) et un approvisionnement régulier.
4 EN PAILLAGE OU en INCORPORATION DANS LE SUBSTRAT.
« Le réseau Astredhor expérimente le miscanthus en paillage depuis 2009 (essais Sileban, CDHR Centre, Arexhor Grand Est et Cate) », a rappelé Olivier Gros, conseiller technique de la station Ratho, lors de la journée du 28 novembre. Une bonne efficacité requiert 3 à 5 cm d'épaisseur minimum. En massif par exemple, une balle de paillis compressé de 25 kg (100 l, et 250 l défoisonné) permet de recouvrir 5-6 m² pour une épaisseur de 5-7 cm. Miscanthus x giganteus en copeaux de 10 à 20 mm offre une faible volatilité, une fois arrosé. Par ailleurs, étant stérile, il n'y a pas de risque de germination, contrairement aux pailles de lin et aux cosses de sarrasin. C'est d'ailleurs suite à une mauvaise expérience de ce genre que Damien Vivier, pépiniériste à Penol (38), a décidé de tester le paillage de miscanthus en 2013, en collaboration avec un voisin agriculteur, Laurent Point. Ce dernier s'est diversifié dans la production de biomasse. Les résultats semblent prometteurs malgré un printemps pluvieux favorable aux adventices ; une deuxième année d'essai est nécessaire. En 2014, Damien Vivier va essayer un calibre plus fin pour faciliter l'amalgame des copeaux, et surveiller particulièrement l'arrosage pour éviter la dégradation trop rapide du paillis.
De plus, la mise en oeuvre nécessite un ajustement technique (machines, procédés). La mécanisation s'avère plus compliquée qu'avec le sarrasin. Le miscanthus s'accroche au sac, il peut s'agglomérer dans certaines machines (mulcheuses). Et, du fait de l'épaisseur de paillage requis, il nécessite d'enlever un surplus de terreau à la main, d'où la création d'un poste supplémentaire. « Mais, chez nous, le désherbage manuel représente au minimum une personne à plein temps », souligne Damien Vivier. Le produit (rapport C/N de 106, pH de 6,5) demande à être dépoussiéré pour améliorer sa qualité. « Hormis le risque de germination, le sarrasin est un bon produit de paillage, qui tient en place quand on l'arrose, pour une couche deux fois moins épaisse... mais il vient de Bretagne », conclut le pépiniériste. Le coût du paillage miscanthus nécessite de travailler en autoproduction ou en approvisionnement local avec un agriculteur.
Le Cate a expérimenté en 2012-2013 le miscanthus (calibre 10 à 20 mm) comme alternative à l'écorce de pin en incorporation au substrat. La proportion ne doit pas dépasser 30 %, sinon le substrat est trop léger. La station a obtenu de très bons résultats en 2012 sur Lonicera en remplacement de la fibre de bois. La matière première ne doit toutefois pas contenir de feuilles, au risque de provoquer la fermentation du produit.
5 L'UTILISER DANS LE RESPECT DE L'ENVIRONNEMENT.
Dans le cadre de la reconquête de la qualité de l'eau des captages prioritaires, dans les zones classées vulnérables ou sujettes aux coulées d'eau boueuse, la culture de miscanthus peut constituer une réponse. Elle nécessite peu d'intrants et offre une alternative aux cultures céréalières autour des puits de captage d'eau potable. Cette graminée diminue la vitesse de ruissellement et retient les sédiments. En revanche, la législation interdit son usage dans les bandes tampon le long des cours d'eau, considérant globalement ce genre comme invasif. La hauteur de la plante qui dépasse 2,50 m en fin de croissance doit être prise en compte avant son implantation.
Certaines collectivités ont fait d'une pierre deux coups en subventionnant la production de miscanthus en zone sensible et en l'utilisant pour chauffer les bâtiments communaux (voir l'encadré ci-dessous). Avec les multiples autres usages qu'offre cette plante - litière pour les animaux (élevages avicoles et équestres), biopolymère (conteneurs biodégradables...), enduit ou isolant en écoconstruction... -, les perspectives de développement en filière locale semblent prometteuses.
Valérie Vidril
(1) Pouvoir calorifique inférieur : quantité de chaleur dégagée par la combustion complète d'une unité de combustible ; permet de comparer les combustibles entre eux. (2) Sa démarche fera l'objet d'un prochain article dans le Lien horticole. (3) La densité du miscanthus vrac est faible : 120 kg/m3.
Essai de paillage en massif (modalité miscanthus) mis en place sur l'exploitation du lycée Terre d'horizon. PHOTO : TERRE D'HORIZON
Essai de paillage en conteneur avec du miscanthus au CDHR Centre. PHOTO : OLIVIER GROS
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