Quel est votre diagnostic ? C'est « l'échaudure »
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DIAGNOSTIC
Ce phénomène de nécrose localisée sur la face supérieure des charpentières se rencontre ici sur des essences différentes : des platanes et des tilleuls. Même si l'intensité des symptômes varie d'un sujet à l'autre, ces nécroses s'observent sur la quasi-totalité des arbres du site. Tous ont comme points communs une architecture en forme de « tonnelle haute » et une gestion en taille bisannuelle sur leurs « têtes de chat ». Le praticien met en cause ici un facteur d'agression de type abiotique ou (et) anthropique pour expliquer les symptômes maladifs. Les nécroses strictement localisées sur la face supérieure des charpentières horizontales ont pour origine probable le rayonnement solaire. Les symptômes constatés sont très proches de ceux rencontrés sur les troncs des jeunes arbres après leur plantation... phénomène connu sous l'appellation « d'échaudure » ou de « nécrose corticale orientée ».
Des observations plus approfondies ont permis de détecter les fructifications de divers mycètes sur les nécroses des charpentières : le coriole chatoyant (Trametes versicolor), le schizophylle commun (Schizophyllum commune), l'oreille de Judas (Auricularia auricula-judae) ou encore le phellin tacheté (Phellinus punctatus). En raison de la diversité des champignons identifiés, aucun d'entre eux ne peut être tenu pour responsable des nécroses.
MÉCANISMES EXPLICATIFS
Ces nécroses de la face supérieure des charpentières sont assez communes sur les arbres conduits en tonnelle plantés en ville ou dans les jardins privés. De nombreuses espèces sont concernées : mûrier à feuilles de platane (Morus kagayamae), catalpa (Catalpa bignonioides), marronnier d'Inde (Aesculus hippocastanum)... Mais aucune ne semble avoir de sensibilité spécifique vis-à-vis de ces « échaudures ». Ces nécroses sont en fait directement conditionnées par le mode de gestion des arbres et très certainement initiées par le rayonnement solaire lors du changement brutal d'environnement qui a lieu après la taille. Ainsi, un effet identique à celui qui s'observe sur les arbres forestiers à la suite d'une brutale et importante éclaircie du peuplement autour d'eux est envisagé. Le passage d'une ambiance ombragée procurée par la végétation des rejets à un milieu fortement ensoleillé après leur retrait pourrait affecter la face supérieure des charpentières exposées. Il est à noter que les arbres les plus impactés sont ceux qui subissent des tailles précoces à l'automne. La suppression des rejets feuillés à une période où l'ensoleillement est encore important génèrerait sur les écorces de fortes amplitudes thermiques et d'ensoleillement qui seraient responsables de ces nécroses caractéristiques.
Sur l'aubier mis à nu et desséché, des contaminations par des champignons lignivores sont alors possibles. Le cortège le mieux représenté est celui des mycètes spécialisés dans la dégradation du bois d'aubier (Trametes sp, Schizophyllum commune, Auricularia auricula-judae...). Mais d'autres peuvent prendre place et notamment le redouté phellin tacheté (Phellinus punctatus (1)). Responsable d'une active pourriture blanche fibreuse du bois profond, ce champignon s'attaque au cal de recouvrement qu'il détruit régulièrement. Le chancre pérennant qu'il provoque s'étend et la pourriture interne progresse.
CONFUSIONS POSSIBLES
Sur le platane, des symptômes proches peuvent être occasionnés par un champignon parasite, Massaria platani (2). Il affecte également la face supérieure des charpentières à port horizontal ou oblique et provoque une lésion corticale longitudinale de teinte orangée à violacée. Rapidement, les tissus cambiaux meurent ; l'écorce devient grisâtre, se fragmente et peut se décoller ou rester adhérente un temps. Sur les rhytidomes desséchés, des ponctuations poudreuses noires signent par temps humide la présence du champignon. Sur le bord de la lésion, un discret cal de recouvrement se dessine. Mais fréquemment, le chancre à Massaria progresse rapidement et affecte toute la circonférence de la charpentière provoquant son dessèchement brutal. Plusieurs observateurs établissent une relation entre les périodes de fort ensoleillement et le développement de Massaria platani. Ainsi, les dégâts occasionnés par ce mycète ont été notamment visibles à la suite de l'été caniculaire qui a marqué l'année 2003.
CONSÉQUENCES POUR LES ARBRES
Les arbres porteurs de ces nécroses sur la face supérieure de leurs charpentières ne sont pas sujets à un dépérissement rapide. Les phénomènes de compartimentation isolent efficacement les parties nécrosées colonisées par les champignons lignivores des tissus vivants périphériques. Par contre, au fil des années, les mycètes progressent dans le bois profond et les cavités s'étendent. Les axes affectés sont fragilisés et des ruptures de charpentières peuvent avoir lieu, tout particulièrement sur les tilleuls et les marronniers. Attention cependant au cas particulier des infections par le phellin tacheté sur le platane où le dépérissement de la charpentière est inévitable et sa rupture soudaine possible.
Par Pierre Aversenq, expert arboricole
(*) Voir PHM-Revue horticole n° 467, mars 2005, « Quel est votre diagnostic ? », pages 53-54. (**) Voir le Lien horticole n° 780-781, « C'est le chancre à Massaria du platane », pages 12-13.
Une brûlure des tissus corticaux encore appelée « échaudure »Ici, la « carie » est occasionnée sur un tilleul.
Les fructifications du coriole chatoyant (Trametes versicolor) sont détectées sur les nécroses des charpentières.
Parmi les mycètes identifiés, le phellin tacheté (Phellinus punctatus) est un des plus redoudables champignons.
Des symptômes proches peuvent être occasionnés par un champignon parasite, Massaria platani.
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