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Quel est votre diagnostic ? C'est le thrips californien

Décolorations des pièces floralesDans une exploitation horticole spécialisée en production de plantes à massif, une serre est consacrée à la culture d'impatiens de Nouvelle-Guinée (Impatiens x novae-guinea). Début avril, une variété à fleurs roses est affectée par des décolorations et des déformations au niveau des pièces florales.PHOTO : JÉRÔME JULLIEN

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DÉTECTION

L'ordre des thysanoptères comprend plus de 850 genres, dont les plus connus sont les Thrips (250 espèces) et les Frankliniella (160 espèces). Dans une serre horticole chauffée ou bénéficiant d'un bon ensoleillement, la probabilité est forte de rencontrer le thrips californien (Frankliniella occidentalis). Toutes ces espèces ont en commun de nombreux caractères morphologiques et biologiques. Mais en général, seule une analyse dans un laboratoire d'entomologie permet de confirmer la suspicion de détection des thrips responsables des symptômes observés sur une culture sensible. F. occidentalis est polyphage et très dommageable aux cultures florales (arum, azalée, bégonia, cinéraire, chrysanthème, cyclamen, dahlia, gerbera, gloxinia, hibiscus, impatiens, oeillet, orchidée, pélargonium, primevère, rosier, saintpaulia, verveine...). Il déprécie l'esthétique et la valeur marchande des potées en affectant les feuillages et les fleurs. On attribue à ce thrips californien, identifié pour la première fois en France durant l'été 1986 dans le Var sur des boutures de chrysanthème, près de 200 plantes hôtes, florales, légumières et adventices des cultures. En plus de ses déprédations directes par la ponte et la prise de nourriture, c'est un redoutable vecteur de virus ubiquistes. Il s'est en effet révélé comme l'insecte le plus virulifère dans la dissémination des tospovirus, en particulier la maladie bronzée de la tomate (Tomato Spotted Wilt Virus - T.S.W.V.) et, depuis la fin des années 1980, la maladie des taches nécrotiques de l'impatiens (Impatiens Necrotic Spot Virus – I.N.S.V.) sur de nombreuses plantes d'ornement cultivées en serre.

CONFUSIONS POSSIBLES

Certaines dépigmentations foliaires peuvent être attribuées au tétranyque tisserand (Tetranychus urticae), mais la singularité des mouchetures sur fleur met un terme au risque de confusion avec cet acarien qui pique principalement les parties chlorophylliennes. Les décolorations et déformations peuvent être également imputées à des insectes homoptères (aleurodes, cicadelles, cochenilles, flatides, pucerons). Cependant, à la différence des thrips, ces insectes piqueurs et suceurs de sève sécrètent un miellat collant facilement, détectable sur les organes infestés. Les lésions sur les pétales peuvent évoquer des stries nécrotiques d'origine virale, à vérifier, le cas échéant, par une analyse virologique. Les coulures de pollen sont parfois imputées à la pourriture grise (Botrytis cinerea)... avant l'apparition des fructifications typiques de ce champignon. De plus, l'observation minutieuse des pièces florales, révélant les thrips et leurs excréments (petits points noir brillant), permet de lever le doute sur l'agent causal. Enfin, outre le parasitisme, une décoloration foliaire ou florale peut révéler de mauvaises conditions de culture (excès d'eau, carence nutritive, déficit de luminosité), la phytotoxicité d'un pesticide ou d'un engrais. Dans ce cas, aucun thrips n'est directement associé aux symptômes.

TRANSMISSION ET DÉVELOPPEMENT

F. occidentalis est doté d'un taux de fécondation élevé et d'un fort pouvoir de dispersion. Il est présent presque toute l'année en serre. Cette espèce prend une couleur brun foncé en hiver, puis jaune clair en été. Dès l'embellie climatique de mars-avril, les adultes sortent de leurs refuges (débris végétaux, substrat), volent, sautent d'une plante à l'autre, puis vident par aspiration les grains de pollen et les premières cellules du parenchyme qui se nécrosent.

F. occidentalis se reproduit par parthénogenèse. Les femelles, dont l'abdomen se termine par une tarière ou ovipositeur, pondent une centaine d'oeufs minuscules sous l'épiderme des tissus foliaires ou floraux, à raison de cinq à six oeufs par jour à 20 °C. Quand les jeunes larves naissent, elles sont aptères, donc peu mobiles, mais piquent aussitôt les organes végétaux (jeune pousse, bourgeon, bouton floral, fleur) avec leur stylet buccal pour absorber le contenu cellulaire. La phase juvénile comprend deux stades. Durant l'activité larvaire, les particules virales sont acquises par les thrips au cours de leur alimentation et réintroduites dans la plante avec la salive. L'infection peut être effective en trente minutes. La période de latence est au minimum de quatre jours. Le virus peut se multiplier dans le corps de l'insecte et persister à tous les stades biologiques sans être affecté par les mues successives : larves, pronymphes, nymphes, imagos. Larves et adultes sont virulifères, tandis que les stades nymphaux se développent au sol, dans un bouton floral ou le pli d'une feuille, sans prise de nourriture. Durant cette phase inactive, F. occidentalis ressemble à un imago dépourvu d'ailes, de couleur blanche à jaune. On compte en France deux à sept générations par an. Les facteurs favorisants ce ravageur sont : l'introduction de plantes infestées dans l'entreprise, les adventices, les températures élevées et l'intensité lumineuse. À l'optimum climatique, les cycles de reproduction sont courts, de l'ordre de dix-neuf jours à une température de 20 °C. Si la durée des stades larvaires et la longévité des adultes varient selon les conditions de température, elles dépendent aussi de l'infection par les tospovirus. Ce phénomène a été observé dès le début des années 1990 sur des thrips qui se nourrissaient de tissus de Lobelia erinus infectés par l'I.N.S.V. Ils avaient une vie plus courte et se reproduisaient moins bien que des individus élevés sur des cultures saines.

Par Jérôme Jullien, expert horticole

Frankliniella occidentalis De forme oblongue, de couleur brun clair, avec deux paires d'ailes étroites et pointues frangées de soies sur la partie dorsale, il mesure environ 1 mm de long.

PHOTO : FRANK PEAIRS

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