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Diodes électroluminescentes : à l'aube d'un nouvel éclairage

L'éclairage Led permet de rapprocher les lampes des plantes sans risquer de les brûler, d'où une application qui se répand : la culture sur plusieurs étages.PHOTO : VALÉRIE VIDRIL

L'éclairage Led horticole est en plein développement. Les fabricants proposent des spectres lumineux sur mesure et des technologies de plus en plus pointues. L'Association nationale des structures d'expérimentation et de démonstration en horticulture, l'Astredhor, entame des essais pour valider leur efficacité.

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Un article paru dans le Lien horticole en juillet 2011 (*) faisait le point sur les avancées concernant l'éclairage Led en horticulture. Depuis, un nombre croissant d'établissements, principalement à l'étranger (Pays-Bas, Danemark, Belgique...), se tournent vers cette nouvelle forme d'éclairage, attirés par ses avantages : durée de vie cinq fois supérieure à celle des lampes à vapeur de sodium haute pression, économie d'énergie, contrôle de fonctions physiologiques précises (élongation racinaire, initiation florale, croissance des tiges...) par le choix des longueurs d'onde... Certains résultats sont prometteurs : hausse de rendement en tomate, augmentation du nombre et de la taille des tiges de rosier, hausse du taux d'huiles essentielles dans les aromatiques, meilleure compacité de certaines plantes à massif...

« Les exemples d'application des Leds en horticulture sont nombreux : dans le secteur des bulbes (tulipes surtout, mais aussi lis, freesiasc), dans celui de la fleur coupée (roses, chrysanthèmes et aussi des experiences sur oeillets, giroflees par exemple), dans la filiere des plantes en pot et à massif (azalées, chrysanthèmes, bégonias, pétunias, kalanchoes...). Le secteur de la production de jeunes plantes, par bouturage, greffage ou in vitro (vivaces, arbustes, chrysanthèmes...), utilise également les Leds. Enfin, ils se développent également pour la production multicouches (en culture de bulbes notamment) » (**).

En parallèle, la recherche et le développement continuent, dans le cadre de collaborations entre producteur et fabricant mais également au sein de stations d'expérimentation. En France, l'Astredhor se penche sur le sujet et entame en 2014 un programme national d'essais. Trois stations sont impliquées : la Stepp Bretagne et l'Arexhor Pays de la Loire (Astredhor Loire Bretagne) ; le GIE Fleurs et plantes du Sud Ouest (Astredhor Sud-Ouest).

Lors des matinées techniques organisées par l'institut technique horticole à l'occasion du Salon du végétal, Oscar Stapel, directeur de la Stepp Bretagne, a exposé l'intérêt de l'éclairage Led pour l'horticulture, rappelant au préalable quelques notions de base sur la lumière.

1 RAYONNEMENT UTILE POUR LA PHOTOSYNTHÈSE.

L'ensemble des longueurs d'onde dont est constituée la lumière forme le spectre lumineux. Chacune de ces longueurs d'onde correspond à une couleur. Le spectre visible de la lumière (34 % de la radiation solaire totale) se situe entre 380 et 720 nanomètres (nm). Il fournit le rayonnement utile pour la croissance des plantes, appelé rayonnement photosynthétique actif (RPA, ou PAR pour Photosynthetically Active Radiation). Les feuilles absorbent majoritairement les radiations bleues (460-500 nm) et rouges (600-720 nm) qui correspondent aux spectres d'absorption des chlorophylles a et b, et pour lesquelles l'efficacité photosynthétique est optimale. En revanche, cette absorption diminue voire atteint zéro dans le jaune (565-590 nm). Or 30 % du rayonnement d'une lampe à vapeur de sodium haute pression (HPS) est délivré dans le jaune, donc ne sert pas à la photosynthèse de la plante.

La lumière peut donc se caractériser par sa qualité (longueurs d'onde en nm) mais aussi par sa quantité. Cette dernière se mesure en ìmol/m²/s et correspond à une densite de flux de photons. On relie la quantité de rayonnement PAR à la croissance végétale par la relation 1 % de PAR = 1 % de croissance. Cette quantité doit être superieure a 100 µmol/m²/s en éclairage photosynthétique. En revanche, pour un éclairage photopériodique, 1 a 3 µmol/m²/s suffisent.

De part et d'autre du spectre visible, la lumière se décompose en ultraviolets A et B (en deçà de 380 nm), en rouge lointain (RL), infrarouges proches (NIR) et infrarouges lointains (FIR) (au-delà de 720 nm). Ce rayonnement invisible est insignifiant pour la photosynthese, donc n'a pas d'intérêt dans l'éclairage d'assimilation.

2 LUMIÈRE MONOCHROMATIQUE, LONGUEUR D'ONDE SPÉCIFIQUE.

Une Led (Light-Emitting Diode ou Del pour Diode électroluminescente) fournit une lumière monochromatique, avec une longueur dfonde specifique. Les Leds permettent ainsi de proposer un éclairage à la carte, en sélectionnant ou en associant différentes couleurs. Ainsi, en privilégiant le rayonnement PAR, le producteur maximalisera la croissance. En jouant sur la totalité du spectre, y compris les UV et les IR, il pourra travailler la qualité du végétal pour un développement optimal : germination, compacité (UV, rapport R/RL, rapport R/B), élongation (rapport R/RL), ramification (B, rapport R/B), periode de floraison (R, RL), floribondite, couleur... Ainsi il est possible d'obtenir un éclairage sur mesure grâce à des « recettes » établies en fonction de l'objectif de production : bouturage de pieds-mères, production de jeunes plants, production de plantes finies, forcage de bulbes...

Les applications actuellement les plus développées de la technologie Led se situent dans les systèmes multicouches des « plant factories » (salades, bulbes...), les laboratoires, les chambres de culture (fougères in vitro), et sous serre (tomate, rosier...) Les systèmes peuvent être fixes ou mobiles, installés au dessus de la zone à éclairer ou en interrang.

3 DES AVANTAGES ET DES INCONVÉNIENTS À CONFIRMER.

Certaines propriétés restent à confirmer. En 2011, la comparaison des Leds et des lampes HPS pour l'éclairage photosynthétique restait encore en faveur des secondes, que ce soit en termes de développement, de précocité ou même de consommation d'énergie. Depuis, les technologies ont évolué, si rapidement d'ailleurs qu'il devient difficile de faire son choix. Les fabricants annoncent sans détour 30 à 50 % d'économie d'énergie. « Mais les lampes Leds modernes vont consommer plus... », précise Oscar Stapel. D'autres économies entrent en jeu, comme celle réalisée sur le renouvellement des lampes, les Leds ayant une durée de vie importante (> 50 000 heures selon la couleur et la température). Les lampes Leds permettent de varier l'intensité lumineuse, et elles s'allument instantanément. Certaines propriétés peuvent être perçues soit comme un avantage, soit comme un inconvénient. L'éclairage monochromatique permet la création de recettes d'éclairage en fonction de la culture et de l'objectif de production, et du coup des gains en termes de régulateur de croissance, de temps de main-d'oeuvre, d'occupation des serres... En revanche, la qualité d'éclairage très spécifique oblige le producteur à rester dans le créneau choisi, tant en terme d'objectif de production qu'en terme d'espèce. En effet, les recettes élaborées varient d'une espèce à l'autre : une formule valable pour la floraison d'un chrysanthème ne le sera pas pour celle d'un rosier... Quelle recette appliquer pour une serre abritant plusieurs cultures différentes ? Le cône lumineux étroit de la plupart des systèmes Leds permet une émission ciblée et donc moins de perte lumineuse, mais nécessite de multiplier les lampes pour éclairer l'ensemble de la culture. L'absence de production de chaleur vers les plantes rend les Leds facilement adaptables aux différentes systèmes de production - culture en étage, éclairage en interrang... - mais en contrepartie elles participent moins au chauffage des serres. L'investissement est encore important. « Il faut compter plus de 150 000 à 200 000 euros par hectare aujourd'hui », précise Oscar Stapel. « D'ici deux à trois ans, le prix des lampes Leds sera équivalent à celui des lampes HPS. Pour l'instant, l'investissement n'est valable que pour une petite surface (150 m² de pieds-mères ou de jeunes plants...) ou pour une culture à haute valeur ajoutée (orchidées...). » Toutefois, les Leds sont de plus en plus utilisées dans les espaces public et privé : « D'ici 2020, elles pourraient représenter 75 % du marché de l'éclairage » (Source : Astredhor, mai 2013). Elles devraient donc être de plus en plus abordables.

4 DES INNOVATIONS RÉGULIÈRES ARRIVENT SUR LE MARCHÉ.

Les fabricants travaillent sur de nouvelles recettes mais développent aussi de nouvelles technologies. Certains modules associent différentes couleurs, ils permettent d'ajuster l'intensité lumineuse et de varier les « recettes ». Les Leds sont disposées sous forme de réglette, de rideaux (pour éclairer les poumons des plantes), de projecteur avec un cône lumineux élargi, en systèmes fixes ou mobiles... Des logiciels de gestion climatique prennent en charge ce nouvel éclairage. Parmi les nominés du concours de l'innovation du prochain GreenTech (du 10 au 12 juin à Amsterdam) consacré aux technologies horticoles, deux entreprises proposent des solutions pour l'éclairage Led. Heliospectra AB (Suède) présente ainsi OnTarget. Ce logiciel utilise l'analyse prédictive et les réponses de capteurs environnementaux pour faire des ajustements en temps réel de l'éclairage Led et ainsi réduire la consommation d'énergie, accroître l'efficacité de production, et fournir des régimes de lumière spécifiques aux besoins de la culture. Philips Lighting BV (Pays-Bas) lance son Philips GreenPower LED Toplighting, qui peut être utilisé soit en remplacement direct des systèmes d'éclairage classiques soit en complément, avec une consommation d'énergie inférieure à celle des lampes HPS et une dissipation de chaleur nettement diminuée facilitant le contrôle de la température dans la serre.

5 UNE ÉVALUATION DES PROCÉDÉS ININTERROMPUE.

Les fabricants affinent leurs recettes en fonction des besoins de leurs clients. Les essais en culture de plantes finies donnent de bons résultats lorsque les lampes HPS et Leds sont mixées (50 %-50 %). Les essais Astredhor visent à confirmer les réponses des végétaux sous différents systèmes Leds existants (Valoya, Philips...) et HPS. « Philips a développé des modules bleus et rouges, tandis que Valoya travaille sur des couleurs supplémentaires que l'entreprise estime tout aussi importantes (spectre AP67 pour cultures à croissance rapide ; NS2 pour plantes à massif plus compactes) », remarque Oscar Stapel. Les cultures testées par les stations françaises sont diverses : jeunes plants issus de semis et de boutures, pieds-mères (pélargonium, dipladénia), cultures de plantes finies (kalanchoes, chrysanthèmes, poinsettias). Fabricants, producteurs et chercheurs jouent avec les longueurs d'onde comme avec les différents ingrédients d'un plat. Mais la lumière est loin d'avoir révélé tous ses secrets et toute l'influence qu'elle peut avoir sur les plantes ainsi que sur les hommes et les animaux. Quel est l'impact de l'éclairage Led sur les conditions de travail ? Les rayonnements émis par les Leds modifient les couleurs du végétal perçues par l'oeil humain. À la sortie d'une enceinte éclairée par des Leds bleues, l'opérateur voit en jaune pendant dix minutes ! « La MSA préconise de porter des lunettes spéciales », note Oscar Stapel. Le spectre AP67S ARCH de Valoya comporte des radiations vertes additionnelles pour offrir une lumière blanche à l'oeil humain. La modification de l'éclairage a des répercussions sur les populations d'insectes ravageurs et auxiliaires. Par exemple, les insectes utilisent beaucoup les UVA, et leur absence peut provoquer des problèmes de pollinisation.

Valérie Vidril

(*) Voir le Lien horticole n° 762 « Leds : la lumière à la carte en production horticole », pp. 8-9. (**) Source : Astredhor, mai 2013, « Les Leds en horticulture, inventaire bibliographique », document de 17 pages réalisé par Muriel Beros.

Les diodes rouges et bleues sont les plus utilisées en éclairage horticole car elles correspondent aux rayonnements absorbés par la chlorophylle. En revanche, la lumière verte non utile à la photosynthèse est réfléchie par les feuilles... d'où leur couleur.

PHOTO : VALÉRIE VIDRIL

Essai Stepp-Bretagne, débuté mi-juillet 2013, sur la croissance et le développement d'espèces de jeunes plantes sous différents ratios Led Rouge/Bleu (R/B : 100/0, 85/15, 50/50, 25/75). Temps d'éclairage : 12 heures pendant les jours courts et 5 heures dans la nuit pendant les jours longs.

PHOTO : STEPP-BRETAGNE

Dispositif d'expérimentation Stepp-Bretagne d'un système d'éclairage Led Valoya (modules en barres). La densité des lampes est élevée pour assurer un éclairage homogène pour l'expérimentation.

PHOTO : STEPP-BRETAGNE

La rose est une des premières plantes ornementales sur lesquelles les essais d'éclairage Led ont porté.

PHOTO : OHF

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