AUXILIAIRES INDIGÈNES 6. Les carabiques
Ce sixième volet – après les syrphes, les chrysopes, les coccinelles, les punaises et les hyménoptères parasitoïdes – porte sur les prédateurs carabiques indigènes appartenant à l'ordre des coléoptères. Outre leur rôle en matière de prédation, ces insectes entomophages sont considérés comme de bons bio-indicateurs de la qualité des milieux.
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Les carabes courent sur le sol et se caractérisent par leurs pattes longues et fortes. Leurs élytres allongés peuvent être striés, rugueux ou lisses, et de couleur variable, sombre à colorée, métallique à mate. Leur taille dépend également des espèces, de 3 à 30 mm. Outre la prédation, ces insectes sont considérés comme de bons bio-indicateurs de la qualité des milieux.
Ils constituent le plus grand groupe de coléoptères entomophages, car 80 % des espèces sont carnivores (1 500 en France, dont 200 dans les régions agricoles de l'ouest de la France). Quelques espèces, comme le zabre, sont des nuisibles. Le zabre est un ravageur de 14 à 17 mm, noir, rarement brun foncé, avec le dessous du corps brunâtre, des antennes et des pattes brunes à rougeâtres.
1 PRÉDATEURS DES LARVES DU SOL, MAIS AUSSI DES THRIPS, DES ACARIENS...
Les carabes peuvent être très voraces, en particulier les gros carabiques : Pterostichus melanarius ou ptérostique mélanique mange jusqu'à 3,4 fois son poids. Comme pour la plupart des auxiliaires, les larves sont les plus intéressantes pour contrôler les populations de nuisibles. En effet, elles sont à 90 % carnivores, consomment des oeufs d'escargots ou de limaces, voire des jeunes limaces, des larves, des nymphes d'insectes, et parfois également des insectes adultes. Vivant dans le sol, elles s'avèrent utiles contre les larves et les nymphes de taupins, hannetons, noctuelles, charançons, chrysomèles, mouches des racines et de terreau... Les adultes complètent l'action des larves. Les gros carabiques de plus de 10 mm sont surtout marcheurs sur le sol et peuvent donc attraper tous les phytophages se laissant tomber de la plante pour se nymphoser dans le sol, mais aussi les limaces. Certains petits carabes, comme Demetrias atricapillus, montent sur les plantes principalement la nuit et se nourrissent de pucerons, thrips, acariens, notamment en début de saison. Les autres restent au sol et consomment les pucerons tombés. Ils sont souvent attirés par le miellat qui leur permet de les détecter. Certains carabiques tuent plus d'invertébrés qu'ils n'en consomment. Poecilus cupreus, qu'on pourrait nommer le « tigre du sol », peut consommer jusqu'à 125 pucerons par jour en laboratoire.
2 DES AUXILIAIRES INDIGÈNES AYANT PEU DE SPÉCIALISATION.
Les Carabidae sont pour la plupart des prédateurs généralistes, il y a peu de spécialisation. Ils sont opportunistes et consomment des proies qui dépassent rarement leur taille. Ainsi, le ptérostique mélanique, grand carabique commun et vorace, s'avère intéressant contre les limaces (oeufs, jeunes). Sa croissance est liée à la densité des limaces. Abax parallelepipedus, grand carabique violet, s'en nourrit presque exclusivement. Il peut consommer jusqu'à six limaces en 24 heures. D'autres carabes consomment des escargots (luisants...), taupins, charançons (otiorhynque), mouches (Delia), cécidomyies, tipules, pucerons, tenthrèdes, chenilles (Agrotis et autres noctuelles), les oeufs de coléoptères. Les plus petits carabes, en général, consomment des oeufs de limaces et d'autres petits invertébrés (coléoptères...). Les carabiques seuls ne sont pas efficaces pour la protection des cultures, ils sont utilisés en complément d'autres prédateurs et parasitoïdes.
3 BIOLOGIE ET ÉCOLOGIE DE CES PRÉDATEURS CARABIQUES.
La majorité des espèces sont nocturnes, principalement en région méridionale pour s'abriter de la chaleur. Certaines sont diurnes, souvent les plus petites comme Notiophilus rufipes. Les Carabidae sont univoltins : ils ont une génération par an. La reproduction s'effectue au printemps ou en automne. Dans le premier cas, les adultes émergent après l'hiver et les larves issues de l'accouplement se développent dans le sol en été. Dans le second cas, qui concerne moins d'espèces, les adultes émergent en été, les larves sont dans le sol en hiver et au printemps. Les femelles pondent entre 30 et 600 oeufs déposés individuellement dans des petites cavités du sol. Ils éclosent après quelques jours, et les larves se développent en trois stades sur huit à dix semaines. L'adulte émerge de la nymphose au bout de huit à dix jours. Il hiverne directement dans le sol sous les cultures s'il n'y a pas eu de labour. Sinon certains carabiques (Platynus dorsalis, Platynus assimilis, Bembidion tetracolum, Carabus cancellatus, Agonum muelleri, Pterostychus melanarius) migrent des cultures vers les zones herbeuses ou les talus des haies pour hiverner. Ensuite au printemps, ils migrent et/ou se dispersent par voie terrestre (rarement par voie aérienne) à partir de ces bords de champs, d'où l'importance des bordures pour les déplacements des carabiques.
4 COMMENT LES FAVORISER OU LES MAINTENIR AU COeUR DES PARCELLES ?
Il peut y avoir jusqu'à 800 000 individus par hectare en culture si les habitats et les techniques culturales sont adaptés. Vivaces, bandes herbeuses spontanées ou semées, talus, haies permettent de conserver les oeufs de Carabidae mais également de nourrir les adultes en automne pour la reproduction. Ces zones végétalisées servent donc d'abris (elles peuvent faire obstacle pour les espèces des plaines). Bûches et souches constituent des sites d'hivernage. Les carabes passent la moitié de leur vie à se reposer. Plus leur temps de repos est long, plus leur espérance de vie est importante. La présence de litière sur le sol est essentielle, les carabiques aimant être peu exposés à la lumière et préférant circuler à l'abri du tapis de feuilles mortes qui les protègent de leurs prédateurs : les oiseaux. À la moindre frayeur, ils courent se réfugier dans un trou ou sous un caillou. Les parcelles ne doivent pas être supérieures à 15 ha ou la distance des bordures ne doit pas dépasser 200 m. Les labours profonds détruisent les larves et les adultes, mais on peut trouver quelques espèces : Asaphidion flavipes, Platynus dorsalis, Loricera pilicornis. Le labour d'octobre perturbe le troisième stade larvaire de certaines espèces comme le ptérostique mélanique. En culture non labourée, les larves et les adultes contrôlent les populations de nuisibles au printemps à titre préventif mais ils n'ont pas la capacité de briser les pullulations comme peuvent le faire les parasitoïdes de pucerons, les syrphes ou les coccinelles. Certains insecticides et antilimaces ont une action négative. La pulvérisation d'insecticide au mois de mars nuit aux adultes émergents du printemps. De même, les herbicides ont un effet négatif : ils peuvent intoxiquer les proies consommées, mais également directement certaines espèces de carabes consommant les graines d'adventices en alimentation mixte (Harpalus, Amara...).
Plus la diversité des espèces est importante, plus le contrôle des nuisibles sera efficace car selon le stade, la taille et l'époque de reproduction, les actions pourront se compléter.
Johanna Villenave-Chasset (Flor'Insectes)
Bronzé cuivreux à vert, Carabus cancellatus est trapu et atteint 25 mm environ. Il fréquente des habitats assez diversifiés (bois, prairies, marais, haies bocagères...). PHOTO : MARIUSZ SOBIESKI, BUGWOOD.ORG
Pterostychus melanarius atteint une taille de 17 à 21 mm. Il émerge au printemps et se reproduit à l'automne. Polyphage, il se nourrit de limaces, de charançons... et il détecte les colonies de pucerons. PHOTO : JOHANNA VILLENAVE-CHASSET
Demetrias atricapillus est un petit carabe mesurant de 4,5 à 5,5 mm qui se reproduit au printemps. Il monte sur les végétaux cultivés et non cultivés et il se nourrit de pucerons. PHOTO : G. BOUGER, O. JAMBON (CNRS-ECOBIO) ET J.-L. ROGER (INRA-SAD PAYSAGE)
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