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THIERRY ROY, DIRECTEUR ADJOINT DE LA FÉDÉRATION NATIONALE DES PRODUCTEURS DE L'HORTICULTURE ET DES PÉPINIÈRES « Seed Law : nous négocions une dérogation »

PHOTO : FNPHP

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La Seed Law ou loi sur les semences (1) se prépare au niveau européen. Comment suivez-vous ses avancées ?

Nous réalisons une veille active permanente depuis plus d'un an sur le sujet, même si elle est silencieuse. Cette loi s'inscrit dans un cadre plus global de révision du régime communautaire de santé des plantes qui comporte, en parallèle, une révision de la réglementation relative à la santé des végétaux et aux contrôles officiels. Notre lobbying européen s'exerce au sein de deux principales entités depuis plus de dix ans. Nous participons au groupe de travail européen sur les fleurs et plantes du Copa-COgeca (tous les végétaux d'ornement) qui réunit les principaux syndicats professionnels d'une quinzaine d'États membres, dont l'Allemagne, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas, l'Italie, la Belgique...

C'est le lieu de concertation et de recherche de consensus entre professionnels sur les problématiques qui peuvent toucher notre secteur. Sur les points techniques liés à cette proposition et sur les autres réglementations européennes concernant la santé des végétaux, nous concertons et négocions avec nos homologues. Afin de peser sur les décisions, nous participons également au Groupe de Dialogue Civil (GDC) « produits horticoles, fruits, légumes, olives et boissons spiritueuses » de la Commission européenne. Cette instance nous permet de défendre nos positions. Le groupe de travail Fleurs et Plantes du Copa-COgeca et le GDC se sont réunis les 9 et 10 octobre 2014 à Bruxelles. La FNPHP y était présente, et en lien, entre autres, avec les délégations anglaises et allemandes, nos revendications ont été portées.

Comment a évolué cette loi ?

Nous en connaissons le cadre global et la volonté de la Commission européenne de remodeler le régime communautaire de santé des plantes depuis 2009-2010. Fin 2013, de nouvelles propositions ont été formulées par la direction générale de la santé des consommateurs qui imposait une description officielle sur tous les végétaux. Nous avons réagi en ajoutant un paragraphe spécifique sur l'horticulture ornementale dans la prise de position du Copa-COgeca. Il indiquait que les entreprises du secteur horticole ne pourraient supporter techniquement et financièrement la mise en place et le suivi de telles descriptions pour environ 75 000 variétés proposées à la vente sur le marché européen.

Le 11 mars 2014, le projet de règlement a été rejeté au Parlement européen. Le 6 juin 2014, le Conseil européen a rédigé une note demandant à la Commission de simplifier et de faire de nouvelles propositions qui ne pourront pas être identiques pour tous les types de plantes. La FNPHP au sein du Copa-COgeca soutient cette avancée. Et tout le lobbying du secteur ornemental a fait pression. Le 29 juillet 2014, nous avons fait part au ministère de l'Agriculture de nos inquiétudes, et Christine Avelin, conseillère chargée des filières végétales, a indiqué que le gouvernement soutenait notre position.

Quels sont vos objectifs ?

C'est simple : que le métier de producteur reste possible ! Nous voulons modifier les projets dans un sens positif car, bien que louable dans sa volonté de protection des consommateurs et de simplification, le projet en cours ne s'adapte pas aux végétaux d'ornement. La création variétale, la multiplication et les problèmes de mise sur le marché des variétés nouvelles concernent des entreprises de taille et de rentabilité très différentes comparées, par exemple, aux productions de grandes cultures agricoles. L'étendue du catalogue variétal (immense en ornemental) n'a pas de comparaison possible non plus. Ce serait irréaliste, trop lourd, trop coûteux pour nos entreprises souvent de type familial de gérer l'identification et le niveau de description exigé. Nous demandons donc une exception, c'est-à-dire une dérogation, pour l'ornemental.

Qui sont vos interlocuteurs ?

Notre action s'inscrit dans une démarche en deux temps. On commence par partager nos positions avec nos homologues européens au sein du Copa-COgeca. Son secrétariat constitue notre principal lieu d'action et fait entendre notre voix avec la force du collectif auprès de la Commission et de ses directions générales. Pour cette loi, nos positions sont portées auprès de la DG Sanco (Direction générale de la Santé et des Consommateurs) dont fait partie Diana Charels, qui est intervenue à Courson (91) au printemps dernier (2).

Qu'est-il prévu cet automne ?

Le 18 septembre dernier, le secrétariat du Copa-COgeca a rencontré la DG Sanco. Concernant le champ d'application de la Seed Law, il a été réaffirmé que, pour les produits ornementaux, l'obligation de description n'était pas envisagée. Et, dans l'annexe sur les espèces soumises à certification, les produits ornementaux seront exclus. Nous resterons vigilants. Quels que soient les syndicats, NFU en Grande-Bretagne, ZVG en Allemagne, FNPHP en France..., nous avons une position commune, de même que nos collègues belges ou polonais... En octobre, la FNPHP a participé à l'élaboration d'un courrier du Copa-COgeca en lien avec le groupe de travail Fleurs et plantes à destination de la DG Sanco, en rappelant les spécificités du secteur horticole et nos demandes.

Comment devrait ou pourrait évoluer la situation ?

La DG Sanco attend la ligne politique et le calendrier du nouveau commissaire à la Santé et à la Sécurité alimentaire, Vytenis Andriukaitis, Lituanien entré en fonction ce 1er novembre pour cinq ans. À ce jour, nous n'avons pas de calendrier d'action. Les pays leaders ont réaffirmé leur consensus pour un système dérogatoire. Nous pensons avoir été entendus...

Au niveau français, comment va s'organiser la concertation avec les associations de professionnels et de jardiniers très inquiets à Courson au printemps dernier ?

Il n'est pas aisé de communiquer sur des réunions d'étapes intermédiaires... Dans le cas présent, le silence syndical permet une efficacité accrue dans l'action. Cette « stratégie » du silence a cependant l'inconvénient de laisser penser qu'on ne fait rien. J'espère avoir montré ici le contraire. Nous avons pris contact avec les pépinières Lepage et Minier à qui nous transmettons toutes les informations. Elles peuvent relayer les avancées, et vice versa les attentes de leurs confrères, des associations comme Plantes & Cultures, des organisateurs de Courson...

Propos recueillis par Odile Maillard

(1) Loi en cours sur la simplification de la multiplication des végétaux (semences et tout matériel de reproduction), sur leur identification et sur leur commercialisation. (2) « Les difficultés de la simplification », le Lien horticole n° 890, du 18 juin 2014.

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