Énergie : associer méthanisation et cogénération

La station d'expérimentation de Brindas (69) a organisé au mois de juillet 2014 une journée dédiée aux outils permettant d'économiser l'énergie (*). À cette occasion, Loïc Deplaude, ingénieur chef de projet, du Centre de formation professionnelle et de promotion agricole (CFPPA) de Savoie, a présenté l'unité de méthanisation de l'Eplefpa (**) de La Motte-Servolex. Grâce à elle, l'exploitation agricole située dans le Domaine Reinach, de 79 ha, produit de l'énergie renouvelable depuis 2011 et revalorise ses effluents agricoles.

1 LE DIGESTAT COMME AMENDEMENT ORGANO-MINÉRAL

L'exploitation se compose de cinq ateliers : serres florales (2 500 m2), ovins, bovins, escargots et unité de méthanisation. Cette dernière permet de travailler en cogénération ; elle fournit de la chaleur pour les serres et le chauffage des bâtiments, et de l'électricité revendue à EDF. Au total, 2 900 t de déchets organiques par an permettent d'alimenter le digesteur (8 t par jour) de 450 m3. Les gisements organiques ne manquent pas : lisier, lactosérum de la fromagerie, fumiers, tontes de pelouse, feuilles, déchets de cantine, drêches de pommes, graisses alimentaires... Environ 80 % des gisements sont internes, 20 % viennent de l'extérieur de l'exploitation. Les matières solides sont stockées sur une plate-forme extérieure, et les matières liquides (y compris le jus de la plateforme) dans un puisard. Une vis sans fin transfère la biomasse solide d'un bol incorporateur au digesteur. Dans le même temps, une pompe y transfère le liquide du puisard. Le digestat issu de la fermentation anaérobie à 38 °C est utilisé comme amendement organique et minéral (à l'aide d'un épandeur à digestat), ce qui a permis de diminuer la quantité d'intrants chimiques (de 3 000 euros à 1 000 euros d'achat d'engrais chimiques entre 2010 et 2012). De plus, le digestat fournit une forme d'azote facilement assimilable (forme ammoniacale NH4), tout en éliminant les germes pathogènes et les adventices. Les excédents de produits fertilisants sont fournis à d'autres exploitations.

2 ÉCONOMIE D'ÉNERGIE ET DE GAZ À EFFETS DE SERRE

Biogaz (composé à 55 % de méthane CH4 et à 35 % de gaz carbonique CO2) et digestat sont stockés dans un post-digesteur de 1 250 m3. Le biogaz alimente un cogénérateur de 45 kWél qui fonctionne 8 200 heures/an. L'électricité (360 MWh/an) est vendue à EDF (19 c€/kWh depuis 2011). La puissance thermique produite par le cogénérateur est de 47 kWth, ce qui permet de fournir 370 MWh thermiques par an : 25 % servent à chauffer le digesteur, 25 % sont perdus et 50 % sont utilisés pour chauffer l'eau de la fromagerie, les serres horticoles (500 m2 à 16 °C), l'accueil... L'exploitation a calculé une économie de 80 t de CO2 par an.

L'investissement de 730 000 euros a été subventionné à hauteur de 50 % (40 % par le Plan de performance énergétique PPE ; 10 % par l'Ademe, le département et la Région). Les recettes (67 000 euros en 2012 : revente EDF, redevance déchets extérieurs) et les charges (30 000 euros en 2012 : maintenance, salaire) permettent d'estimer un temps de retour sur investissement de sept à huit ans. L'installation nécessite une heure à une heure et demie d'intervention par jour. « La valorisation est totale en hiver, plus problématique en été, avec l'excédent de chaleur et l'absence de solution pour stocker l'énergie à cette période », précise Loïc Deplaude. L'installation de méthanisation offre à l'exploitation la possibilité de diminuer ses rejets de gaz à effet de serre, d'augmenter son autonomie énergétique (économie de 10 000 euros/an de gaz naturel), de diversifier l'activité agricole et d'obtenir un revenu complémentaire.

Valérie Vidril

(*) Voir notre article « Énergie : de nouvelles technologies pour l'économiser » sur la serre bioclimatique, le chauffage aux agropellets et les certificats d'économie d'énergie dans le Lien horticole n° 902, du 15 octobre 2014, p. 10-11. (**) Établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricoles.