Quel est votre diagnostic ? C'est la cylindrocladiose du buis
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DÉTECTION
Le champignon Cylindrocladium buxicola (syn. C. pseudonaviculatum) [= Calonectria pseudonaviculata et Calonectria henricotiae] appartient à la famille des nectriacées, dont la plupart des organismes rattachés sont responsables de chancres. Découvert en Nouvelle-Zélande dans les années 1990 et décrit dès 1994 au Royaume-Uni, ce pathogène s'est développé une dizaine d'années plus tard dans d'autres pays d'Europe, dont la Belgique en 2000, la France et la Suisse en 2006, et n'a été identifié que fin 2011 en Amérique du Nord. Jusqu'à présent, la cylindrocladiose se cantonne à certaines pépinières, parcs et jardins, où le buis est cultivé comme plante ornementale. En revanche, elle ne semble pas avoir atteint gravement les buxaies où le buis est une composante majeure des écosystèmes forestiers mixtes ou des terrains de broussailles sèches. Cependant, le Département de la santé des forêts a signalé la présence de C. buxicola en milieu naturel dès 2008 (sud de Besançon, 25), sur la côte dijonnaise en 2013 et en Charente en 2014. Récemment, deux génotypes de C.buxicola (G1 et G2) ont été mis en évidence par les chercheurs. Ils sont aussi virulents l'un que l'autre, mais plus ou moins sensibles aux fongicides. Cylindrocladium, ainsi que Cylindrocladiella de proche parenté, attaquent plus de 130 genres de végétaux ligneux et herbacés à travers le monde, spécialement dans les régions tropicales et subtropicales. Ces facteurs climatiques sont souvent similaires en culture sous abri, notamment en serre de multiplication où la chaleur et l'hygrométrie sont élevées pour favoriser l'enracinement des boutures. Dès lors, les buis s'exposent aux contaminations primaires du champignon. Mais les pépinières ne sont pas les seules concernées, car l'inoculum est également présent dans de nombreux jardins et espaces verts, en particulier ceux qui sont irrigués par aspersion durant l'été à proximité des gazons ou des massifs de fleurs annuelles.
CONFUSIONS POSSIBLES
La cylindrocladiose est quelquefois associée au chancre du buis à Volutella buxi (= Pseudonectria rousseliana) et/ou à la fusariose du buis Fusarium buxicola (= Fusarium lateritium var. buxi). La fusariose (1) est un parasite secondaire, tandis que le chancre (2) et la cylindrocladiose sont des pathogènes primaires formant un complexe parasitaire nommé « Boxwood Blight » par les Anglais. D'autres champignons infectent le buis, dont certains sont des pathogènes opportunistes, dits « de faiblesse ». Ils peuvent induire en erreur lors d'un diagnostic. En cas de doute, prélever un ou plusieurs échantillons et solliciter un laboratoire d'analyses phytosanitaires pour identifier l'agent primaire de dépérissement.
TRANSMISSION ET DÉVELOPPEMENT
C. buxicola peut survivre 6 à 7 ans dans les tissus végétaux en décomposition et les débris organiques au sol, grâce à de minuscules amas mycéliens (microsclérotes) ou à des spores à paroi épaisses (chlamydospores). Ces organes de conservation sont très résistants. Ils sont seulement visibles lors d'un examen microscopique. La germination des microsclérotes est stimulée par les exsudations racinaires de la plante hôte. En conditions très humides (forte hygrométrie sous abri, brume, rosée, pluie, éclaboussures) et en présence de températures douces (autour de 25 °C), un duvet blanc (mycélium) apparaît ensuite sur la face inférieure des tissus atteints. Puis, des spores (conidies) assurent une série de contaminations à la faveur des pluies ou des irrigations par aspersion, ainsi que du vent dans une moindre mesure. Ces conidies sont capables de générer un cycle secondaire de la maladie. Les jeunes feuilles sont les plus sensibles aux attaques, car le tube germinatif issu des conidies pénètre par les stomates pour coloniser les tissus. Des études menées en laboratoire ont démontré qu'une durée d'humectation du feuillage de 5 à 7 h permet l'infection des tissus à travers la cuticule. En revanche, elle s'arrête en-dessous de 5 °C et lorsque la température dépasse 30 °C. Une période de 7 jours à 33 °C (canicule) provoque la mort des spores. La forme de reproduction sexuée (téléomorphe) Calonectria semble moins importante dans le processus infectieux que la forme asexuée (anamorphe) Cylindrocladium. Elle produit dans les tissus infectés (feuilles, tiges, écorces), des périthèces verruqueux orangés ou jaune orangé mesurant de 0,25 à 0,45 mm de diamètre. À maturité, ces périthèces forment des asques libèrant des ascospores.
Par Jérôme Jullien, expert horticole
(1) Taches brunes arrondies face inférieure des feuilles, recouvertes d'un mycélium blanc crème à rose pâle en présence d'humidité. La confluence des macules entraîne un flétrissement du feuillage, principalement dans la partie basse. Des taches brunes se développent sur l'écorce des rameaux et tiges, entraînant un dépérissement progressif du buis.(2) Dépérissement de l'extrémité des pousses, jaunissement du feuillage, roussissement par touffe. Petits chancres sur les rameaux, bois noirci, masse de spores rose-saumon sur la face inférieure des feuilles. Parfois, l'écorce s'exfolie.
Feuilles desséchées et déformées Les jeunes feuilles symptomatiques sont desséchées et déformées. Elles affectent l'esthétique des buis au point de compromettre leur commercialisation. PHOTO : JÉRÔME JULLIEN
Taches claires auréolées de brun rougeâtre En échantillonnant une pousse malade, le producteur met en évidence des taches arrondies de couleur claire auréolées de brun rougeâtre, elles-mêmes couronnées d'un halo jaune orangé sur les jeunes feuilles. Ces macules évoluent vers le brun foncé et confluent. PHOTO : FREDON AQUITAINE
Stries longitudinales sur les tiges Sur les tiges, des stries longitudinales brun foncé sont bien visibles. Elles sont très probablement à l'origine du flétrissement foliaire constaté. PHOTO : JÉRÔME JULLIEN
Lésions nécrotiques noirâtres Les rameaux les plus atteints accusent des lésions nécrotiques noirâtres, entraînant un dépérissement irrémédiable des parties aériennes. PHOTO : JÉRÔME JULLIEN
Jérôme Jullien, expert horticole
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