Le ganoderme européen : un champignon à surveiller de près !

1. PORTRAIT DE CE CHAMPIGNON BASIDIOMYCÈTE

Le ganoderme européen s'observe surtout sur les arbres feuillus, plus rarement sur les conifères. Il colonise fréquemment les arbres de parcs et ceux d'alignement en ville : les marronniers (Aesculus sp.), les hêtres (Fagus sp.), les érables (Acer sp.), les tilleuls (Tilia sp.), les chênes (Quercus sp.), les platanes (Platanus x acerifolia)... Chez les conifères, il s'installe de préférence sur les sapins (Abies sp.).

Répartition géographique : l'espèce est commune en Europe de l'Ouest, en particulier dans les régions sud. Elle est rare en Afrique du Nord et en Asie et reste absente du continent américain. Le champignon se développe essentiellement sur des arbres en milieu ouvert et urbain.

Description de la fructification : en for-me de console dimidiée, elle est fixée sur son support et dépourvue de pied. Elle est imposante et massive : 10 à 60 cm de large pour une projection de 10 à 25 cm et une épaisseur de 6 à 30 cm (plus épaisse au point de fixation). Elle apparaît fréquemment isolée. La surface piléique est tourmentée, ondulée et bosselée mais généralement peu zonée. La croûte distincte, lisse, dure et épaisse (1 à 2 mm) ne cède pas sous la pression des doigts. De couleur rouge-brun mate, elle devient brun noir en vieillissant. Chez les vieux spécimens, elle se craquelle généralement. La face supérieure est souvent saupoudrée de la sporée brune du champignon. La marge obtuse forme un bourrelet blanc pur lorsque la fructification est active. La face inférieure comporte 4 à 5 pores ronds et réguliers par millimètre. L'hyménophore (partie charnue du chapeau) blanc se tache facilement chez les jeunes sporophores puis il devient crème. La sporée émise abondante possède une couleur brun chocolat. Les tubes régulièrement stratifiés sont longs (10 à 25 mm), de couleur brun noir terne et non séparés par une couche de trame.La trame (chair de l'hyménophore) est très épaisse (2 à 6 cm), au moins deux fois l'épaisseur de la couche de tubes de l'année. De teinte brun foncé, elle ne comporte pas d'incrustations de mycélium blanc. Elle apparaît fibreuse et coriace.

Confusion possible : les sporophores du ganoderme européen et du ganoderme aplani présentent de grandes similitudes morphologiques. Cependant, le ganoderme aplani est très plat et nettement zoné-sillonné ; la croûte est mince (moins de 0,5 mm) et la trame plus fine (moins de 25 mm) que celle du ganoderme européen. L'hyménophore porte souvent des galles blanches en forme de tétines qui sont occasionnées par un diptère cécidogène (Agathomyia wankowiczii). L'insecte pond ses oeufs dans l'hyménium, entraînant la formation de ces galles assez volumineuses. Leur présence confirme l'identification de l'espèce Ganoderma applanatum. Ses spores de forme et d'aspect similaires sont une fois et demie plus petites que celles de Ganoderma adspersum. Enfin, les deux espèces ne fréquentent pas les mêmes milieux : le ganoderme européen se développe préférentiellement en milieux ouverts et sur des arbres vivants alors que l'aplani préfère les forêts et colonise souvent les souches d'arbres feuillus.

Période de fructification : les chapeaux vivaces sont visibles toute l'année. C'est souvent à la fin de l'été et à l'automne que les jeunes fructifications apparaissent.

2. DIVERSES CONSÉQUENCES POUR LES ARBRES

Le ganoderme européen se développe essentiellement sur la partie hypogée des arbres. La pourriture gagne ensuite le collet et remonte dans le tronc, parfois sur plusieurs mètres de hauteur. Ses fructifications se déploient au niveau des collets, et le plus souvent entre les contreforts racinaires. Mais il arrive également que le champignon colonise le sujet directement au niveau d'une fourche à écorce incluse. Dans ce cas, il est surprenant de voir les consoles de ce parasite se développer en hauteur.

Dégradation du bois : la pourriture blanche fibreuse est de type « sélective ». Les constituants de lignine sont préférentiellement décomposés ; le bois perd progressivement sa rigidité tout en conservant une certaine élasticité.

Activité lignivore : ce champignon décomposeur est réputé très actif ; la décomposition du bois se fait rapidement. Sur les vieux arbres, la compartimentation reste souvent imparfaite et l'altération s'étend facilement dans le sens radial, générant à leur pied une pourriture excentrée.

3. DIAGNOSTIC ET PRÉCONISATIONS À SUIVRE

Plusieurs symptômes ou indices aident le praticien à détecter une pourriture basale « remontante » occasionnée par Ganoderma adspersum. Les fructifications vivaces sont présentes toute l'année au pied des arbres. Attention, elles peuvent être masquées par du lierre ou des plantes herbacées et se confondent parfois avec celles de l'haplopore du frêne (Perenniporia fraxinea) ou avec d'autres espèces de ganodermes. Lorsque le système racinaire est très atteint, l'arbre perd souvent de sa vitalité et exprime alors un dépérissement. La remontée de l'altération dans la base du tronc se détecte lors de la frappe avec un maillet. Enfin, le sujet atteint présente souvent un empattement excessif et des contreforts racinaires proéminents.

Décision : les ruptures d'arbres infectés par Ganoderma adspersum sont fréquentes dans les parcs et les alignements. Dans des lieux publics fortement fréquentés, ce champignon est réputé dangereux. Pour des arbres à faible valeur individuelle (alignements routiers par exemple), sa seule présence peut donc suffire pour programmer leur abattage. Pour des sujets urbains et de parcs, des investigations et mesures complémentaires sont généralement mises en oeuvre (collet, contreforts racinaires et départs des grosses racines d'ancrage) afin d'apprécier l'étendue de l'altération et décider de leur conservation éventuelle. Lorsque de puissants contreforts racinaires sont développés, l'utilisation du pénétromètre est plus adaptée que celle des outils émetteurs d'ondes sonores multiples. La progression de l'altération est souvent rapide et inéluctable.

Pierre Aversenq