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Sols urbains : mieux les connaître et favoriser leur fertilité

En ville, deux tiers des sols sont artificialisés, imperméabilisés ou scellés.PHOTO : VALÉRIE VIDRIL

En l'espace de quinze ans, la connaissance relative aux sols urbains a fortement progressé. Les expérimentations visant à évaluer la capacité des végétaux à se développer dans des sols construitsse poursuivent.

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Le 30 septembre dernier, l'Inra organisait à Angers (49), dans les locaux d'Agrocampus Ouest, un Carrefour de l'innovation agronomique, consacré à la place du végétal dans une ville « à haute intensité écologique » (*). Au coeur des interventions : les caractéristiques biophysiques des écosystèmes urbains. Et parmi ceux-ci, le sol.

1. HÉTÉROGÈNES ET MÉCONNUS

« Les sols urbains sont une ressource méconnue », a introduit Christophe Schwartz, chercheur au laboratoire Sols et environnement à Nancy (54), avant de préciser qu'ils « se caractérisent par une très grande fréquence de changements d'usage ». Une caractéristique qui les rend « hétérogènes et difficiles à étudier ». Pourtant, malgré cette difficulté première, les travaux de recherche consacrés aux sols urbains, à leurs qualités physico-chimiques, mais également biologiques, sont en plein développement. Le mouvement est récent : la plupart des exemples cités lors de ce Carrefour de l'innovation agronomique ont moins de vingt ans. Un paradoxe quand on sait « que la population française s'est massivement concentrée dans les villes et leurs périphéries depuis une centaine d'années ».

2. DES CARACTÉRISTIQUES PROPRES

Les sols urbains présentent des caractéristiques physico-chimiques et biologiques propres. La première d'entre elles tient à leur structure pédologique, « fréquemment voire très fréquemment dégradée ». Des études datant de la toute fin des années 1990 ont ainsi montré que, dans les sols urbains, dominaient les structures soit massives (avec la présence fréquente de zones de bétons ou de matériaux compactés), soit, au contraire, particulaires. Pauvres en argile, riches en sable, ils « présentent, de manière globale, un déficit d'agrégation marqué », relaie Christophe Schwartz. À certains endroits, par exemple lorsque le substrat géologique a été mis à nu, le sol est, d'un point de vue biologique ou pédologique, tout simplement « absent ».

Une autre caractéristique, et non des moindres, tient à la circulation de l'eau. Dans le cas de sols scellés, l'eau ne s'infiltre quasiment pas et « le ruissellement est extrêmement élevé ». Pour les autres, ceux qui sans être imperméabilisés ont toutefois été modifiés par l'homme, on observe « une forte conductivité hydraulique associée à une faible capacité de rétention ou un phénomène d'hydromorphie ». Sur le plan chimique, les sols urbains présentent généralement un déficit NPK « majeur ». « Sauf dans ceux des parcs et jardins potagers où là on constate l'opposé avec des teneurs en NPK et en matière organique très élevées », précise Christophe Schwartz.

3. MÉLANGES DE TERRE AGRICOLE ET COMPOST

Dans ce contexte, comment installer le végétal en ville ? Sur quels sols développer des arbres, par exemple ? Qui plus est, en s'interdisant toute importation de terre végétale ? C'est autour de ces deux questions que tournent les expérimentations conduites à Agrocampus Ouest, en 2005 pour l'une et en 2013 pour l'autre. Des expérimentations qui, expliquent Patrice Cannavo et Laure Vidal-Beaudet, enseignants-chercheurs à Agrocampus Ouest, « permettent d'évaluer la capacité des végétaux à se développer dans des sols construits ». En l'occurrence dans des sols construits à partir soit de sous-produits organiques seuls, soit de déchets organiques mélangés à des déchets minéraux. « Dans l'essai de 2005 », précise Patrice Cannavo, « nous avons installé 21 lysimètres (**) de 500 litres dont neuf plantés d'Ostrya carpinifolia. » Dans ces lysimètres, deux composts, l'un de déchets verts et l'autre composé de boue de station d'épuration et de bois de palette ont été mélangés, à hauteur de 40 % en volume, avec de la terre de décapage agricole. « Cet apport, à la fois unique et en grande quantité, correspond à la pratique classique des gestionnaires d'espaces verts. Notamment dans les parcs, les squares et pour les arbres d'alignement. »

Cette expérimentation, conduite jusqu'en 2010, met notamment en évidence l'effet bénéfique de la matière organique sur la croissance des arbres et sur leur compartiment racinaire. « En retour, l'enracinement de l'arbre a eu un effet bénéfique sur les propriétés physiques du sol et notamment sur sa structuration », pointe Laure Vidal-Beaudet. Un effet qui a pu être mesuré grâce à un test de réhumectation rapide.

4. COMPOST ET MATÉRIAUX MINÉRAUX

Conduit en 2013, le second essai d'Agrocampus Ouest a, lui, eu recours à neuf lysimètres, tous plantés d'Acer platanoides. « Dans chaque lysimètre, nous avons mis un matériau de croissance constitué de brique pilée et de compost de déchet vert (norme BR-CO) et, pour assurer la résistance à la compaction du sol ainsi qu'une bonne infiltration, un matériau-squelette. » Dans ce test, trois matériaux-squelettes ont été étudiés : le mélange terre-pierre (70 %) « utilisé en routine par la ville d'Angers depuis trente ans », un mélange terre acide + ballast de voie ferrée + boues de station d'épuration et enfin, un mélange terre acide + déchet de démolition de bâtiment + déchet vert.

Parmi les résultats de cet essai, qui sera renouvelé en 2016, on notera le fait que tous ces matériaux favorisent la circulation de l'eau. « En ville, c'est un critère agronomique important », soulignent les deux chercheurs. Mieux, les caractéristiques hydrodynamiques des matériaux n'ont pas, au vu des mesures effectuées, contraint l'enracinement et le développement des arbres. « Au bout d'un an d'expérimentation », confirme Patrice Cannavo, « nous constatons qu'il est possible de faire pousser des arbres dans des sols construits à partir de déchets. »

Anne Mabire

(*) Les vidéos et des diaporamas de ce colloque sont disponibles sur le site internet www6.inra.fr/ciag.(**) Dispositifs permettant d'étudier et de mesurer l'évolution de l'eau dans un sol.

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