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RÉGIS TRIOLLET, ANIMATEUR D'HORTIPAYSAGE, RÉSEAU NATIONAL THÉMATIQUE DE L'HORTICULTURE ET DES PAYSAGES DE LA DGER (*) « Enseigner à produire autrement : un concept en pleine construction »

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Quel est le rôle du réseau Hortipaysage ?

Initié en 2008, il a pour objet d'accompagner les établissements de l'enseignement agricole, de sensibiliser les enseignants et les personnels de ces structures aux spécificités de la formation horticole et paysage dans une démarche de développement durable, et d'accompagner la mise en oeuvre des plans nationaux du ministère de l'Agriculture (Plan agroécologique pour la France). La finalité, c'est de faciliter les échanges au sein des établissements de formation et entre eux, mais aussi avec les professionnels de la filière, les organismes de recherche et d'expérimentation.

Quels sont les acteurs de ce réseau ?

Aux côtés de l'animation nationale « horticultures et paysages », en prolongement du Système national d'appui (SNA) au sein de la DGER, le réseau est composé d'un noyau dur d'établissements publics locaux (LEGTA, CFPPA et CFA...) et de l'enseignement supérieur, publics et privés. Ils pratiquent déjà un partenariat sur le long terme avec des instituts et des organismes de recherche au sein de leur territoire. D'autres établissements et services s'informent et participent ponctuellement ; ils suivent les débats et peuvent solliciter Hortipaysage pour des projets.

Les 5es rencontres du réseau, en février dernier en Alsace, avaient pour thème « Produire autrement, enseigner à produire autrement ». La notion « produire autrement » est très large. Comment pouvez-vous la définir ?

Par la triple performance économique, environnementale et sociétale. C'est l'enjeu majeur de l'agriculture de demain. La rentabilité économique (choix des productions, investissements) doit aller de pair avec une plus grande prise en compte de l'environnement (limitation des intrants, préservation de la biodiversité...), sans oublier la santé et le bien-être des actifs. Le développement de la commercialisation en circuits courts renforce l'insertion des exploitations au sein de leur territoire. Cela nécessite d'adopter une vision systémique, montrant les interactions et interdépendances entre les différentes techniques, ou les différents systèmes mis en oeuvre. L'engagement dans la voie de l'agroécologie est aujourd'hui l'objectif affiché. L'agronomie doit revenir au premier plan. On redécouvre les services écosystémiques rendus par le sol. Les notions « produire », « consommer », « recycler » sont repensées. Pour atteindre tous ces objectifs, il s'agit tout autant de mettre en pratique des conduites innovantes déjà opérationnelles que de mobiliser de nouveaux champs de compétences, au sein d'un processus collaboratif de construction de références.

Quels sont les enjeux pour l'enseignement agricole ?

Partie intégrante de la notion « produire autrement », l'enseignement agricole a un rôle primordial à jouer en tant que dispositif de formation des agriculteurs d'aujourd'hui et de demain. Le concept « enseigner à produire autrement » est encore en pleine construction, en recherche de nouvelles pistes d'actions et d'idées. Les enjeux et les perspectives sont multiples. Il s'agit, notamment, de rénover, d'accompagner et de faire participer.

Rénover les référentiels des diplômes du CAPA au BTSA, c'est les adapter pour former aux nouveaux savoirs et aux nouvelles pratiques. Ces référentiels doivent, bien sûr, s'inscrire sur une longue période mais, sans être figés, ils peuvent évoluer en fonction des réglementations ou des politiques nationales et régionales. Pouvoir adapter les connaissances et les contenus à l'expérience au quotidien est essentiel : tout n'est pas écrit dans les référentiels.

Accompagner les formateurs vers des pratiques liées notamment à l'agroécologie consiste à leur proposer des stages pratiques en exploitations engagées dans cette démarche, ou des plans de formation continue, ou en favorisant les réflexions et les échanges de pratiques. Pleinement acteurs dans la production des connaissances, enseignants et salariés doivent être au fait des nouveautés, pouvoir identifier des actions innovantes, et aussi savoir mettre en commun les expériences des uns et des autres. L'enseignement agricole doit poursuivre son ouverture aux territoires et permettre aux acteurs locaux de s'impliquer totalement au coeur de l'évolution.

Faire participer l'ensemble des équipes pédagogiques s'entend au sens large : personnel enseignant et technique pour construire collectivement des projets avec un fil directeur partagé. La mise en place de projets pluridisciplinaires nécessite de développer des collaborations inter-filières au sein d'un même établissement pour favoriser les échanges et confronter les points de vue. Parallèlement, l'enseignement doit acquérir et s'approprier des équipements pédagogiques performants (techniques et multimédia). Il s'agit également de favoriser des binômes de projets type BTSA/bac pro dans le cadre du développement de compétences managériales...

Quels rôles doivent jouer les exploitations agricoles des établissements ?

Elles constituent la porte d'entrée prioritaire pour mettre en place la formation. L'enseignement doit s'appuyer sur ces structures, même pour les disciplines non techniques : travail sur des simulations, sur des études de cas, valorisation de données ou d'événements, visites, renforcement de modules d'observation et de pratiques liés aux enjeux techniques et économiques (protection des plantes...).

À la fois références régionales pour produire autrement et centres de ressources par leur ancrage au sein de leur territoire, ces exploitations poursuivent leur transition. Elles sont des lieux de démonstration, d'innovation, et de support d'apprentissage. Elles se doivent également de se rapprocher des professionnels et des structures interprofessionnelles afin de remplir pleinement leurs missions d'appui et de diffusion aux côtés des acteurs économiques locaux.

Propos recueillis par Claude Thiery

(*) Direction générale de l'enseignement et de la recherche du ministère de l'Agriculture.

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