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NAOMI SACHS, ARCHITECTE-PAYSAGISTE « Donner accès à la nature dans les établissements de santé est important »

PHOTO : JAMES WESTWATER

NAOMI SACHS, ARCHITECTE-PAYSAGISTE, CO-AUTEURE, AVEC CLARE COOPER MARCUS, DE THERAPEUTIC LANDSCAPES (LIRE EN PAGE 18)

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Naomi Sachs a fondé le réseau Therapeutic Landscapes Network pour fédérer les échanges entre les professionnels intéressés par les jardins thérapeutiques. Elle est co-auteure, avec Clare Cooper Marcus, du livre Therapeutic Landscapes, la « bible » des paysagistes anglophones qui conçoivent des jardins pour les établissements de santé.

Quel est l'état des lieux aux États-Unis aujourd'hui ?

La bonne nouvelle, c'est que beaucoup d'établissements de santé ont pris conscience que donner accès à la nature était important à la fois pour les patients, le personnel et les visiteurs car l'environnement physique affecte la santé et le bien-être.

Les « healing, therapeutic ou restorative gardens » (1) sont de loin les plus communs des deux types de jardins, au point d'être devenus un outil marketing dont les établissements peuvent parfois abuser. Ils servent à réduire le stress, à procurer un espace privé, à sortir pour faire de l'exercice. Les « enabling gardens » (2) sont moins communs car ils ont besoin de personnel pour fonctionner et donc de budget supplémentaire. Pourtant, nous sommes convaincus que ce type de jardin est utile.

Pourquoi pensez-vous que les jardins où les patients participent sont bénéfiques ?

Un jardin est un endroit qui vit et qui respire. Il a besoin d'entretien. Quand les patients et le personnel s'en occupent, ils s'impliquent et l'entretien en lui-même peut devenir thérapeutique. Malheureusement, les hortithérapeutes ne sont pas remboursés par les assurances médicales. Les établissements, idéalement avec l'implication de la direction et du personnel, doivent aller à la recherche de financements.

Votre ouvrage a été écrit pour rapprocher les donneurs d'ordre du monde de la santé et les architectes paysagistes et concepteurs de jardins. Où en est cette collaboration ?

Les plus grosses firmes d'architecture spécialisées dans la santé emploient maintenant un architecte paysagiste pour travailler sur le jardin. Mais souvent, ce professionnel est le dernier à arriver sur le projet. Or, le livre explique pourquoi il est important de penser au jardin et à l'extérieur dès le début, par exemple pour bien orienter les portes sur une vue de cet espace. Nous constatons que les relations s'améliorent, mais il faut que les concepteurs, les hommes d'affaires et les médecins parlent le même langage. Nous remarquons que, dans les salles de radiothérapie, souvent installées en sous-sol et dans lesquelles on ne peut pas mettre de plantes, on accroche des photos de végétaux aux murs. C'est mieux que rien.

Vous vous faites les avocates de la « conception fondée sur les preuves » (« evidence-based design »). De quoi s'agit-il ?

Il convient d'appuyer la conception de projets sur des recherches et des preuves au lieu de faire du design intuitif ou de l'imitation. Aux États-Unis, the Center for Health Design offre une certification dans cette méthode de conception qui s'appelle EDAC. Les paysagistes, les ingénieurs, les décorateurs d'intérieur peuvent obtenir cette certification. C'est une méthode qui a beaucoup avancé depuis quelques années. Mais, là aussi, nous notons que ça peut devenir un mot vide de sens, d'où l'importance de la certification.

Est-ce que certaines parties du pays vous semblent pionnières en matière de jardins thérapeutiques ?

La Californie est très avancée, en particulier grâce à Kaiser Permanente, un organisme de santé qui est un modèle en ce qui concerne le soin centré sur le patient et l'approche holistique de ce dernier (comme constituant un tout). Par exemple, leurs hôpitaux accueillent des marchés dans le but de lutter contre le diabète ou l'obésité. Certains établissements ont même de petites fermes pour cultiver leurs propres légumes, avec des patients et des membres du personnel ! On peut aussi ajouter que le système de santé de l'armée, le Veteran Administration, s'y est mis depuis quatre ou cinq ans.

Vous faites un doctorat à l'université Texas A & M. Sur quoi travaillez-vous ?

Clare Cooper Marcus, professeure émérite au département d'architecture et de paysagisme de l'université de Berkeley, en Californie (USA), et moi-même pensons depuis longtemps qu'il serait bénéfique d'avoir une certification pour les jardins thérapeutiques. Cela aiderait les établissements, leurs financeurs, les architectes et les paysagistes. Dans le cadre de mon doctorat, je suis en train de développer une boîte à outils pour évaluer les jardins dans les unités de santé. Nous pourrons utiliser les mêmes critères d'évaluation partout dans le pays, avec des éléments mesurables appuyés sur la recherche.

Êtes-vous intervenues dans des projets hors des USA ? Avez-vous eu l'occasion de voir comment les jardins thérapeutiques évoluent en Europe et dans le monde ?

J'ai été consultante sur un projet au Pérou mais j'ai dû décliner des invitations en tant que conférencière en Russie et en Italie. Clare est allée, je crois, présenter les jardins thérapeutiques en Australie, en Écosse, au Canada, en Suède et au Danemark. Nous n'avons pas eu de contacts en France. Les États-Unis, quant à eux, sont perçus comme un pays expert, une bonne ressource orientée vers la recherche.

Propos recueillis par Isabelle Boucq

(1) Dans ces jardins, les participants peuvent « s'asseoir, marcher, regarder, écouter, méditer, faire une sieste, explorer ».(2) Au sein de ces espaces, les patients pratiquent des activités de jardinage dirigées par un hortithérapeute professionnel, un ergothérapeute, un kinésithérapeute ou d'autres professionnels apparentés en collaboration avec les autres membres du personnel soignant.

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