Végétation urbaine et qualité de l'air : se méfier des a priori
Il ne faut pas compter sur les végétaux seuls pour dépolluer l'air des villes. Au regard des quantités d'émissions toxiques, leur impact reste en effet faible. Il peut même, notamment quand on évoque la problématique des pollens, devenir négatif.
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Chercheur à Nantes (44), au sein de l'Institut de recherche en sciences et techniques de la ville (IRSTV), Patrice Mestayer a identifié cinq modes d'interaction entre les végétaux et l'air urbain. Bien qu'impuissants à dépolluer seuls l'air urbain, certains vont tout de même avoir un effet positif sur la composition atmosphérique. C'est par exemple le cas de la séquestration de carbone et de la captation de polluants gazeux. À l'opposé, d'autres modes d'interaction se soldent de manière négative. « Les plantes ne sont pas toujours bénéfiques pour la santé », a rappelé le chercheur, lors de son intervention au Carrefour de l'innovation agronomique consacré à la « Ville à haute intensité écologique » (Angers - 49, le 30 septembre 2015). Les émissions de Composés organiques volatiles (COV) entrent dans cette catégorie. De même que la problématique des pollens et allergies, qui affecte 20 à 30 % de la population française et vis-à-vis de laquelle « les aménageurs urbains ont un rôle important à jouer », a souligné Charlotte Sindt, ingénieur du Réseau national de surveillance aérobiologique (RNSA).
1. DES ÉMISSIONS NOCIVES, MÊME PAR LES PLANTES
La pollution atmosphérique urbaine est fortement liée aux carburants, aux processus de combustion et aux émissions de COV. Ces derniers sont au coeur de l'une des cinq interactions entre les végétaux et l'air urbain identifiées par Patrice Mestayer : l'interaction dite chimique. « Beaucoup d'espèces végétales comme le bouleau, le platane, le chêne vert, le chêne, le saule, le peuplier ou encore la plupart des conifères ont la capacité d'absorber des COV », précise l'expert. Le « hic » tient au fait que ces espèces sont également émettrices de COV et en grande quantité. Variable d'une espèce à l'autre, le bilan s'avère « souvent négatif ».
L'émission de pollens relève, quant à elle, d'une interaction biologique. « Plus les particules de pollens sont petites, plus elles sont transportées loin, moins elles sont retenues par les végétaux et plus elles pénètrent dans les voies respiratoires », précise le chercheur.
Dans le cas des plantes d'intérieur et de celles dites de proximité (végétaux dédiés aux balcons et aux terrasses), il faut également compter avec une troisième source d'émissions nocives, fongique celle-ci et liée aux substrats. Elle se traduit notamment par des irritations respiratoires, voire, tout particulièrement chez les personnes fragiles et/ou malades, par des infections.
2. UN RÉSEAU DE SURVEILLANCE AÉROBIOLOGIQUE
Pour mesurer la présence dans l'air urbain de ces pollens, moisissures et bactéries, la France dispose, depuis 1996, d'un Réseau national de surveillance aérobiologique (RNSA). Outre des capteurs installés dans soixante-dix sites répartis sur l'ensemble du territoire, il travaille « avec une trentaine d'établissements d'analyse et deux réseaux », précise Charlotte Sindt. Le premier intègre des allergologues qui fournissent, chaque semaine, des données relatives au nombre d'allergiques et aux symptômes observés. Quant au second, il est constitué d'une quinzaine de jardins botaniques et il offre la possibilité de connaître avec exactitude la date de floraison des plantes. « L'ensemble du dispositif permet à la fois un suivi clinique et un suivi phénologique des pollens », indique l'ingénieur qui recommande par ailleurs de distinguer le potentiel allergisant d'une plante du risque réel « qui, lui, dépend du pollen, de sa concentration et des données polliniques recueillies dans le cadre du réseau ».
3. UNE LISTE DES ARBRES ET DES PLANTES ALLERGISANTES.
Le végétal a fait ses preuves en ville, notamment en matière de bien-être et de santé. Mais sur la question précise des pollens, « les aménageurs doivent aujourd'hui éviter de mettre des plantes allergisantes dans les endroits très fréquentés et les centres villes », préconise Charlotte Sindt. Pour les soutenir dans cette démarche, le RNSA met en ligne depuis 2008, sur le site www.vegetation-en-ville.org, « la liste des arbres et des plantes allergisantes ». Avec pour chacun une fiche « dans laquelle le RNSA explique pourquoi il faut éviter ce végétal et par quoi il peut être remplacé ». Le document précise également les dates de pollinisation ainsi que la répartition géographique du risque allergique et son degré (faible, moyen ou fort).
De manière générale, le RNSA invite les aménageurs « à ne pas favoriser la sensibilité des allergiques ». Pour cela, « il faut diversifier les espèces et éviter de diffuser encore plus celles qui sont notoirement allergisantes », indique Charlotte Sindt. Dans le cas particulier des plantes exotiques, le RNSA recommande de vérifier a minima si ces espèces n'ont pas été répertoriées comme des végétaux allergisants au sein de leur zone d'origine. « Comme c'est le cas du cèdre du Japon qui est de plus en plus planté en France et pourtant répertorié comme très allergisant au pays du Soleil-Levant. »
Anne Mabire
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