L'Inonotus du chêne : un polypore larmoyant
Inonotus dryadeus provoque le dépérissement des chênes, et leur basculement si les mâts racinaires sont très endommagés.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
1. PORTRAIT DU CHAMPIGNON. Le polypore du chêne colonise essentiellement les arbres du genre Quercus et le plus souvent : les chênes pédonculés (Q. robur), les chênes pubescents (Q. pubescens), les chênes rouvres (Q. petraea) et les chênes verts (Q. ilex). Ponctuellement, il peut s'épanouir sur le châtaignier (Castanea sp.), le hêtre (Fagus sp.), le frêne (Fraxinus sp.) et le sapin (Abies sp.).
Répartition géographique : ce champignon est réputé assez rare et dispersé. Il s'observe en Europe - du sud de la Scandinavie aux régions méditerranéennes -, en Afrique du Nord, en Asie et dans le nord du continent américain. Il est présent aussi bien sur des arbres de boisement que sur des sujets isolés dans les parcs.
Description de la fructification : elle se développe au collet des arbres au niveau du sol ou sur une racine affleurante et sa croissance est très rapide. Son chapeau annuel est dépourvu de pied, dimidié (1), pulviné (2), tuberculeux (3). Il apparaît souvent volumineux (de 10 à 35 cm de large et de 5 à 25 cm de projection) ; un exemplaire d'un mètre de large a déjà été observé. Il est massif (de 10 à 15 cm d'épaisseur), lourd et largement adhérent au support. La fructification, souvent solitaire, peut parfois être composée de plusieurs consoles superposées.
La surface piléique bosselée est revêtue d'une couche mince légèrement feutrée de teinte crème à ocre qui brunit en vieillissant. Au début de sa croissance, elle s'orne de gouttelettes de sudation.
La marge jaunâtre est obtuse (4) et très épaisse. En période d'activité, elle porte de nombreuses gouttes de sudation de couleur ambrée puis sombre qui laissent des marques noires en séchant. Le champignon est appelé « weeping conk » (champignon pleureur) chez les Anglo-Saxons.
À la face inférieure, les pores sont arrondis, fins (de 4 à 6 mm), blancs à jaunâtres.
Les tubes assez longs (de 0,5 à 2 cm) sont disposés en une seule couche. De couleur brun foncé, ils ont une consistance molle.
La chair épaisse apparaît spongieuse au début puis subéreuse et cassante en vieillissant. Elle est plus claire que les tubes. La sporée blanche abonde.
La fructification dégage une odeur forte et désagréable. Elle devient noire en vieillissant, dure et cassante. Elle persiste plusieurs mois, voire des années, sous cette forme au pied des arbres.
Confusions possibles : la fructification active porteuse de ses gouttelettes de sudation ne peut pas être confondue avec une autre espèce. De tels exsudats s'observent également sur la face inférieure des fructifications du polypore hérissé (Inonotus hispidus). Lorsqu'elles sont sèches et noircies, les consoles du polypore du chêne peuvent être confondues avec de vieilles fructifications de l'haplopore du frêne (Perreniporia fraxinea).Mais ces dernières sont compactes et caoutchouteuses alors que les premières restent sèches et cassantes.
Période de fructification : les chapeaux actifs sont visibles du mois de juillet à celui de novembre. Sous leur forme séchée, noircie, ils s'observent toute l'année. Plusieurs années peuvent s'écouler avant que de nouvelles fructifications apparaissent au pied d'un arbre colonisé.
2. CONSÉQUENCES POUR LES ARBRES. Le polypore du chêne est réputé s'installer sur la partie hypogée des arbres. Il colonise les systèmes racinaires à partir de plaies accidentelles survenues sur les racines. Des contaminations de la base des troncs blessés ont également été constatées (« flaches » sur les arbres forestiers, par exemple). En revanche, une infection par contact racinaire entre deux arbres proches sans la présence de blessures ne semble pas possible. Le champignon se répand d'abord dans l'aubier avant d'envahir le bois profond ; il se développe surtout à la face inférieure des racines. Sur les chênes, l'altération reste essentiellement localisée au système racinaire.
Dégradation du bois : le champignon provoque une pourriture blanche sélective et, ponctuellement, une pourriture alvéolaire. Le bois dégradé est très clair et spongieux et lorsqu'il se dessèche, se casse aisément sous la pression des doigts. Il forme des petits cubes ayant l'aspect de coques concentriques.
Activité lignivore : la décomposition du bois est réputée assez lente sur un arbre vivant. Les mesures réalisées en laboratoire ont cependant montré que ce champignon provoque une importante perte de masse : de 16 à 23 % en quatre mois. Lorsque ses mâts racinaires sont très endommagés, l'arbre peine à s'alimenter en eau. Une baisse de sa vigueur s'observe alors ; son dépérissement ou son desséchement au cours d'une période chaude est possible.
3. DIAGNOSTIC ET PRÉCONISATIONS. Bien que la fructification du polypore du chêne soit assez rare au pied des arbres, elle reste l'indice le plus fiable pour détecter la présence de l'altération racinaire. La dégradation du bois étant limitée aux racines, le sujet atteint ne développe généralement pas d'empattement excessif, comme cela s'observe fréquemment avec les ganodermes. Le dépérissement d'un chêne peut éventuellement laisser envisager une altération de son système racinaire par l'Inonotus.
Décision : le basculement d'un sujet atteint par le polypore du chêne résulte le plus souvent d'une rupture de ses mâts racinaires à une très faible distance du tronc (moins de un mètre). Son dépérissement (houppier clairsemé, jaunissement du feuillage, descente de cime), associé à des fructifications localisées au niveau du collet, permet d'envisager une importante dégradation de son système racinaire. Mais attention, des basculements de chênes infectés non dépérissants sont toutefois possibles !
Afin d'évaluer l'importance de la dégradation du bois occasionnée par le champignon et le nombre de mâts atteints, des sondages à l'aide d'un pénétromètre sont à réaliser dans les contreforts racinaires après les avoir dégagés. La dégradation restant localisée aux racines, il est inutile d'effectuer des mesures dans la base du tronc ou au niveau du collet. Si plusieurs contreforts racinaires sont atteints et si l'altération est étendue, la décision d'abattage de l'arbre doit être prise. Par contre, si les départs racinaires sont épargnés, le risque de rupture est momentanément écarté. Afin d'évaluer précisément la perte d'ancrage du sujet, un test de traction (méthode SIM) peut être réalisé.
Pierre Aversenq
(1) Inséré perpendiculairement au support.(2) En forme de coussin légèrement bombé.(3) Qui comporte des tubercules, des nodules. Ces nodules sont parfois nombreux et peuvent donner lieu à des fructifications secondaires.(4) À l'extrémité arrondie.
Imposante fructification comportant plusieurs consoles imbriquées et superposées. PIERRE AVERSENQ
Large console circulaire développée sur un mât racinaire affleurant. PIERRE AVERSENQ
Marge obtuse ornée de gouttelettes de sudation ambrées. PIERRE AVERSENQ
Pour accéder à l'ensembles nos offres :