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Maladies et ravageurs Le châtaignier

PHOTO : PIERRE AVERSENQ

Depuis plusieurs décennies, les châtaigniers en Europe doivent affronter des « vagues » de parasites et de ravageurs invasifs qui les menacent dangereusement.

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Essence à vocation fruitière puis forestière, le châtaignier s'illustre assez peu dans les parcs et jardins. Des lignées de beaux sujets accompagnent encore certaines routes ou chemins et quelques très vieux spécimens à l'architecture complexe font l'admiration des passionnés d'arbres...

PORTRAIT DE L'ARBRE

Originaire d'Asie mineure, le châtaignier cultivé (Castanea sativa) a été introduit en Europe au Ve siècle avant Jésus-Christ. Une dizaine d'espèces existent dans le monde dont : Castanea sativa en Asie mineure et en Europe, Castanea crenata au Japon, Castanea mollissima en Chine et Castanea dentata sur le continent américain. Pouvant atteindre 30 à 35 m de hauteur, le châtaignier cultivé est réputé très longévif ; plusieurs exemplaires très âgés aux dimensions impressionnantes (plus de 10 m de circonférence) sont labellisés « Arbre remarquable » de France. Sa croissance est rapide dans sa jeunesse. Il est capable de produire des rejets vigoureux de souche, d'où son traitement fréquent en taillis forestier. Sa bogue coriace et épineuse contient trois fruits, mais deux seulement mûrissent complètement. La culture du châtaignier, la castanéiculture, s'est développée en France à partir du XIIIe siècle, période à partir de laquelle les techniques de greffage ont été maîtrisées. Appelé « arbre à pain », il constituait autrefois une ressource alimentaire importante, notamment pour les populations rurales du midi de la France (nourrissage des animaux, confection de farine pour l'alimentation humaine). Sa culture atteint son apogée au milieu du XIXe siècle, puis elle déclina progressivement en raison de l'exode rural, du développement de nouvelles maladies (maladie de l'encre notamment), mais aussi de l'abandon de la récolte du tanin servant à traiter les peaux de cuir pour leur conservation. Trois régions de production subsistent actuellement : l'Ardèche (premier producteur aujourd'hui), les Cévennes et la Corse. Aujourd'hui, deux variétés de châtaigniers greffés dominent : 'Bouche rouge' et 'Comballe'. Essence forestière de premier plan, le châtaignier occupe la troisième place parmi les feuillus caducs après le chêne et le hêtre. Son bois hétérogène et dense à duramen jaune brun se travaille facilement. En raison de la présence de tanin, il se conserve correctement (classe d'emploi : III). Il bénéficie de multiples usages : piquets et poteaux, menuiserie et parqueterie, charpentes... Dans les habitations, son bois est réputé repousser les insectes et les araignées. Alors qu'il se prête bien à la constitution d'alignements, le châtaignier est peu utilisé comme essence ornementale. Il existe quelques variétés horticoles à feuillage panaché ('Argenteomarginata') ou découpé ('Aspleniifolia').

SENSIBILITÉS ENVIRONNEMENTALES

Le châtaignier ne pousse que sur des terrains siliceux et peut se rencontrer jusqu'à 800 à 1 000 m d'altitude. Il s'adapte bien aux sols pauvres, là où peu d'essences ligneuses se plaisent. Essence calcifuge, il ne se développe correctement que dans des sols acides (pH 4,5 à 6,5), plutôt légers et filtrants à condition qu'ils soient profonds (au moins 40 cm). La présence de calcaire entraînera de violentes décolorations foliaires (chlorose ferrique) et le déclin irréversible de l'arbre. Le châtaignier tolère les sols secs, mais il préfère les terrains frais et bien alimentés en eau. Attention aux hydromorphies temporaires qui entraînent des asphyxies racinaires auxquelles il est très vulnérable et qui favorise le développement de la maladie de l'encre. Une pluviométrie annuelle de l'ordre de 700 mm lui est nécessaire. Même s'il supporte, jeune, un certain ombrage, il est plutôt héliophile. C'est un arbre méridional qui craint les gels précoces de novembre et qui peut souffrir des grands froids hivernaux... raison pour laquelle il est quasi absent des régions nord et nord-est de la France.

GRANDES AFFECTIONS PARASITAIRES

L'actualité phytosanitaire du châtaignier est dominée par l'introduction de trois grandes affections parasitaires d'origine exotique : la maladie de l'encre au XVIIIe siècle, le chancre de l'écorce au XXe et le cynips du châtaignier au XXIe siècle. Par contre, le cortège de parasites et de ravageurs indigènes est restreint et n'a que peu d'incidences sur la santé de l'arbre.

Affections des feuilles et des pousses

Une maladie foliaire se déclare parfois lors de printemps et d'étés humides, la septoriose (Septoria castanicola), et s'identifie par l'apparition de petites taches anguleuses et sombres qui parsèment le limbe. Elle n'est pas dommageable pour les arbres qui peuvent exceptionnellement subir une chute prématurée de leur feuillage.

Plusieurs espèces de pucerons colonisent les châtaigniers : le puceron des feuilles (Myzocallis castanicola) et le gros puceron brun du châtaignier (Lachnus longirostris). Connus également sur les Quercus, ils sont assez communs, mais leurs populations restent contenues par les agents régulateurs. Ils produisent un miellat abondant et très sucré qui est récolté par les abeilles et deviendra le « miel de châtaignier ».

Quelques larves défoliatrices s'installent également sur le feuillage des châtaigniers et l'endommagent. Les plus assidues sont le bombyx disparate ou « spongieuse » (Lymantria dispar) et le bombyx cul-brun (Euproctis chrysorrhoea). Cette dernière espèce se repère aisément sur les arbres en hiver car elle se réfugie dans des nids soyeux confectionnés en bout de branches. Les dégâts de ces chenilles polyphages sont occasionnels.

Enfin, l'arrivée en France en 2006 du cynips du châtaignier ou chalcide (Dryocosmus kuriphilus) en provenance de Chine inquiète les producteurs de châtaignes. Ses larves hivernent dans les bourgeons et provoquent la formation de galles au printemps. Lors de fortes attaques, la fructification est très diminuée (perte de 50 à 70 %). Aujourd'hui, cet insecte fait l'objet d'un programme de lutte biologique. Provenant de l'aire d'origine du cynips en Chine, une petite guêpe, Torymus sinensis, fait en effet l'objet d'un vaste programme de lâchers inoculatifs dans les régions de production de châtaignes. Au printemps, l'insecte pond ses oeufs sur les larves du ravageur qui sont situées à l'intérieur des galles et qui serviront de nourriture aux parasitoïdes sortants. Les populations du cynips adulte émergeant en été s'en trouvent alors diminuées. Les spécialistes estiment qu'il faudra entre huit et dix ans après les premiers lâchers pour qu'un équilibre satisfaisant s'établisse entre les populations du ravageur et de son parasite.

Parasites et ravageurs des fruits

Le fruit du châtaignier attire des insectes carpophages : le carpocapse des châtaignes (Cydia triangulella) et le balanin (Curculio elephas). Ces insectes se nourrissent de l'amande des châtaignes et peuvent fortement affecter la production. Ils hivernent dans le sol au stade larvaire et de nouveaux adultes émergent l'année suivante.

Parasites et ravageurs des branches et des rameaux

Une cochenille lécanine, le lécanium du cornouiller (Eulecanium corni), forme sur les rameaux des encroutements de coques brunes luisantes et bombées. Très polyphage, cet insecte ne développe jamais des niveaux élevés de population sur les châtaigniers.

D'origine asiatique, la maladie du chancre de l'écorce du châtaignier (Cryphonectria parasitica) a été identifiée en France en 1956. Les châtaigniers américains et européens y sont très sensibles. Au niveau des points d'infection, l'écorce se craquelle, brunit et se couvre de pustules orangées. Ces chancres entravent le passage des flux de sève entraînant le dessèchement des axes et l'apparition de rejets juste en dessous. Une méthode de lutte biologique efficace à l'aide de souches hypovirulentes du champignon a été mise en oeuvre dans les vergers de production. Il existe également aujourd'hui des variétés tolérantes issues d'hybridations avec le châtaignier japonais (Castanea crenata).

Divers insectes xylophages réputés s'installer sur des arbres affaiblis peuvent également se faire remarquer sur certains châtaigniers ; il s'agit de scolytes (Scolytus intricatus, Xyleborus dispar...) et de capricornes (Cerambyx scopolii et C. cerdo).

Pathologies des racines et du collet

C'est au XVIIIe siècle que fût introduite en Europe la maladie de l'encre du châtaignier occasionnée par des oomycètes, Phytophthora cambivora et P. cinnamomi. Elle a gagné la France et a fortement affecté la châtaigneraie au début du XXe siècle. L'infection démarre au niveau du système racinaire et remonte jusqu'au collet. Des écoulements noirâtres caractéristiques se forment alors à la base du tronc de l'arbre. Cette affection, qui apparaît dans les terres humides et qui se dissémine par les eaux de ruissellement, provoque la mort complète de l'arbre (absence totale de rejets). Aujourd'hui, il existe des variétés et des porte-greffes hybrides tolérants à la maladie de l'encre.

Le pourridié à armillaire (Armillaria mellea) au comportement très polyphage peut infecter les châtaigniers et provoque leur dessèchement soudain. Les palmettes mycéliennes blanches du champignon se développent au contact du bois juste sous l'écorce.

Champignons lignivores

À la faveur de blessures survenues sur le tronc et les charpentières, le polypore soufré (Laetiporus sulfureus) et la fistuline hépatique (Fistulina hepatica) - mieux connue sous l'appellation de « langue de boeuf » - peuvent prendre place sur le châtaignier. Ces champignons lignivores dégradent le bois profond entraînant une pourriture de type « rouge cubique ».

Sur les mâts racinaires et au niveau du collet, le ganoderme européen (Ganoderma adspersum) génère, lui, une active pourriture blanche fibreuse.

Ces agents lignivores affectent essentiellement les vieux arbres qui sont fragilisés si les pourritures internes s'étendent.

Pierre Aversenq

Larves défoliatrices de bombyx cul-brun (Euproctis chrysorrhoea).

PHOTO : PIERRE AVERSENQ

Encroutements de coques brunes luisantes et bombées de lécanium du cornouiller (Eulecanium corni).

PHOTO : PIERRE AVERSENQ

Écoulements noirâtres caractéristiques de la maladie de l'encre du châtaignier.

PHOTO : PIERRE AVERSENQ

Palmettes mycéliennes blanches du pourridié à armillaire.

PHOTO : PIERRE AVERSENQ

Larves défoliatrices de bombyx disparate ou « spongieuse » (Lymantria dispar).

PHOTO : PIERRE AVERSENQ

Polypore soufré (Laetiporus sulfureus).

PHOTO : PIERRE AVERSENQ

Maladie du chancre de l'écorce du châtaignier (Cryphonectria parasitica) : écorce craquelée et brunie.

PHOTO : PIERRE AVERSENQ

Fistuline hépatique (Fistulina hepatica).

PHOTO : PIERRE AVERSENQ

Pustules orangées dues à Cryphonectria parasitica.

PHOTO : PIERRE AVERSENQ

Ganoderme européen (Ganoderma adspersum).

PHOTO : PIERRE AVERSENQ

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