L'expérimentation pour protéger, diversifier et vendre
Les journées portes ouvertes de l'Arexhor Pays de la Loire, chaque année en septembre, offrent l'occasion de découvrir les essais en cours de la station. Du piégeage des insectes sauteurs à la perception des consommateurs, en passant par le thé de compost et l'aquaponie.
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Difficile de trouver un point commun entre le thrips, le biochar, l'aquaponie et un test consommateur... si ce n'est que chacun de ces sujets est traité par l'Arexhor Pays de la Loire (PDL). Ces thématiques variées répondent à trois grandes tendances de recherche : le développement de techniques alternatives pour protéger les plantes et diminuer le recours aux produits phytosanitaires ; la mise en place de voies de diversification, en particulier pour optimiser les surfaces sous serres et abris ; et une meilleure connaissance de la consommation sur le marché du végétal.
1. PIÉGEAGE DES INSECTES SAUTEURS
Les panneaux englués chromo-attractifs permettent la détection des insectes volants ainsi que la détermination des périodes de vol et de leur intensité. Les bleus attirent particulièrement les thrips. Et l'utilisation de phéromones améliore encore leur efficacité. Les bandes, qui augmentent la surface de piégeage, peuvent être placées le long de la rampe des chariots d'irrigation. Pour accroître la quantité de ravageurs piégés, il faut les inciter à quitter leur abri végétal. Or, il s'agit là d'une conséquence indirecte de l'usage de la thigmomorphogenèse (1). Cette technique permet de diminuer l'emploi de régulateurs de croissance chimiques en « caressant » régulièrement l'apex des plantes (cinq passages de deux allers-retours par jour selon les recommandations de la station). Pour cela, des bandes plastique effrangées plus ou moins épaisses selon la culture (1,5 mm pour le rosier) sont disposées le long de la rampe d'irrigation. Au contact répété des franges, les végétaux limitent leur croissance... et les insectes sont délogés ! Dérangés, ils sautent et se collent au piège.
Une efficacité de piégeage accrue
Forts de ce constat, les ingénieurs de la station angevine ont étudié le phénomène sur différents insectes sauteurs, afin d'optimiser le piégeage. Concernant les thrips, même si la logique de leurs sauts échappe encore aux chercheurs, les essais confirment l'efficacité de l'association bâche de thigmomorphogenèse/bande engluée bleue, avec un nombre d'insectes englués supérieur par rapport au piégeage passif. L'emploi de l'oeillet d'Inde comme plante-piège (2) pourrait améliorer le dispositif : dans ces fleurs plates, les thrips sont plus facilement dérangés que dans les boutons de chrysanthème. D'autres essais réalisés avec des bandes jaunes sur altise (en culture de choux avec bande installée à l'avant du tracteur), cicadelles, aleurodes (culture de dipladénia au GIE Fleurs et plantes) s'avèrent concluants. La technique, non spécifique, est incompatible avec des lâchers d'auxiliaires volants. Par ailleurs, elle ne cible que les adultes. Peu onéreuse en soi, elle nécessite tout de même de recourir à des rampes d'arrosage, voire un système de stabilisation des pots (grilles, plaques).
D'autres techniques de piégeage mécanique sont à l'essai mais restent anecdotiques. C'est le cas de l'utilisation d'un compresseur pour détourner les ravageurs vers un piège collant, aspirer les plantes-pièges, aspirer la culture.
2. THÉ DE COMPOST ET BIOCHAR
Si le thé de compost (3) est expérimenté depuis quelques années déjà dans les stations Astredhor, l'étude du biochar est plus récente. Le premier est un cocktail microbien constitué d'eau et de compost macéré pendant un à quinze jours à 20-22 °C, avec aération ou non, et additionné éventuellement à d'autres composants (acides humiques, mélasse, sucre...). De par sa richesse en flore microbienne bénéfique, voire en acides humiques et fulviques, le thé de compost tend à favoriser un bon état sanitaire des cultures et accroît la vigueur des plantes. Les différents essais menés par Astredhor depuis 2013 révèlent une meilleure efficacité du produit lorsqu'il est appliqué par arrosage ou pulvérisation (plutôt que par trempage), avec des apports hebdomadaires ou bihebdomadaires (essai 2013 GIE Fleurs et plantes sur le couple Fusarium oxysporum/dipladénia, essai 2014 Arexhor PDL sur Phytophthora/Choisya ternata et 2015 sur oïdium/amélanchier). Les doses et les fréquences sont à ajuster au cas par cas. Les biochars sont des produits carbonés issus de matériaux végétaux (écorce de bois, déchets verts...) ayant subi une combustion sous concentration limitée en oxygène, généralement appelée pyrolyse (4). Leur fabrication consomme peu d'énergie et permet de valoriser les déchets, tout en octroyant aux industries des crédits carbone. En effet, peu biodégradables, ils n'émettent pas de CO2. De faible densité apparente (0,3), ils offrent en général une bonne rétention en eau, une forte capacité d'échange cationique (CEC) et contiennent environ 50 % de carbone organique. Grâce à leur structure poreuse, ils favorisent l'installation des micro-organismes ainsi que le stockage des éléments nutritifs (un gramme de biochar équivaut à 300 m2 de surface). Attention, ils basifient le substrat. Malgré ces propriétés prometteuses, les premières expérimentations donnent des résultats mitigés différents de ceux fournis par la bibliographie, avec des effets variables sur la germination et la croissance, selon les doses et la matière première pyrolysée.
3. L'AQUAPONIE, POUR DIVERSIFIER SES REVENUS
L'aquaponie, qui consiste à produire poissons et végétaux - les déjections des premiers servant de nourriture aux seconds qui filtrent l'eau -, offrirait une source de revenu complémentaire au producteur et lui permettrait de rentabiliser ses mètres carrés de serre. Selon Alain Ferre, responsable de la station Arexhor Pays de la Loire, l'aquaponie pourrait apporter 4 à 12 euros supplémentaires par mètre cube d'eau. L'Arexhor Pays de la Loire assure le suivi expérimental de l'installation du lycée Olivier-Guichard, à Guérande (44), qui travaille depuis 2011 sur le sujet avec l'aide du Syndicat mixte pour le développement de l'aquaculture et de la pêche en Pays de la Loire (Smidap). Le système Opra (Optimisation du pilote régional d'aquaponie) vise à optimiser un outil transférable, de faible coût et facile à piloter. Un autre lycée, celui de la Canourgue (EPLEFPA de la Lozère, 48), expérimente l'aquaponie en partenariat avec la station Astredhor Ratho (5) dans le cadre du programme de recherche et développement Apiva (Aquaponie, innovation végétale et aquaculture). Les installations aquaponiques vont du plus simple au plus sophistiqué, avec filtres biologiques et mécaniques, soufflante, séchage des boues... et différentes méthodes de culture hydroponique (rafts, Nutrient Film Technique NFT ou substrat inerte). La production piscicole peut varier, de l'alevin pour les pisciculteurs dans les bassins naturels en pépinière, au poisson de consommation (sandre par exemple) dans les serres chaudes. De plus en plus de jeunes structures se lancent dans l'aquaponie en se positionnant sur des marchés de niche (production d'aromatiques rares pour restauration de luxe). Par ailleurs, de nombreux pisciculteurs se lancent dans la production végétale (aromatiques, tomates, fraises...) par ce biais. Mais « à notre connaissance, aucun horticulteur n'a encore franchi le pas ».
4. CONNAÎTRE LES BESOINS DU CONSOMMATEUR
La production ne tient pas suffisamment compte des critères de l'aval de la filière. Or « il ne faut pas faire ce que l'on aime, mais ce qui plaît aux clients », expliquait Alain Ferre, responsable de la station Arexhor Pays de la Loire, à l'occasion d'un atelier sur la perception. Les critères de qualité varient fortement selon que l'on soit producteur, acheteur de centrale ou de jardinerie, et consommateur : facilité de production ou résistance aux parasites, tenue et compacité, floribondité et développement... « Chacun a sa perception de la réalité, qui s'explique par des "biais cognitifs". » Ni un producteur, ni un vendeur, ni un expert ne peut donc se mettre à la place d'un consommateur et imaginer sa réaction. D'où l'importance d'effectuer des tests en conditions réelles - avec des notations réalisées par les consommateurs eux-mêmes si on s'intéresse à leur opinion - et sans a priori. C'est pourquoi Astredhor a mis en place Eval'Innov (« Évaluation de la validité des nouveautés tout au long de la filière », 2015-2017). Dans le cadre de ce projet, un panel d'utilisateurs reçoit les produits, les emploie comme il veut et les évalue tous les deux mois. « Les résultats sont surprenants », souligne Alain Ferre. « Souvent, le caractère innovant n'est pas vu et les lacunes identifiées par les consommateurs ne sont pas celles qu'on pourrait imaginer. » Ainsi, les critères négatifs les plus représentés ne sont pas liés à la plante mais à son environnement : absence de soucoupe, pot trop petit, substrat trop séchant... Le levier permettant une bonne satisfaction est souvent la qualité du substrat (présence d'hydrorétenteur par exemple) et la fertilisation qu'il renferme. D'autres enseignements ressortent de ces premiers tests conso : le consommateur ne considère pas une nouvelle couleur comme une innovation ; l'intention d'achat est plus influencée par le fait d'afficher « Nouveauté » que par le caractère intrinsèquement nouveau, d'où l'importance de la communication sur le chromo et le lieu de vente...
Valérie Vidril
(1) Voir le Lien horticole n° 894 « Thigmomorphogenèse : réguler les plantes en les touchant », pp. 12-13. (2) Voir le Lien horticole n° 958 « Protection phytosanitaire : des plantes au service des plantes », pp. 14-15. (3) Voir le Lien horticole n° 789 « Les vertus du thé... de compost gagnent du terrain », pp. 10-11. (4) Voir le Lien horticole n° 922 « La nature s'installe sur les toits et les murs des bâtiments suisses », pp. 12-13. (5) Voir le Lien horticole n° 936 « Aquaponie : des poissons, des bactéries et des plantes », pp. 12-14.
PHOTO : AREXHOR PAYS DE LA LOIRE
L'Arexhor Pays de la Loire teste un procédé low-cost et low-tech d'aquaponie, composé d'un bassin, d'une pompe, d'un lit de pouzzolane et de plantes ancrées dans un support en mousse. PHOTO : VALÉRIE VIDRIL
La station angevine expérimente depuis 2014 le thé de compost. Ici, la cuve de macération. PHOTO : VALÉRIE VIDRIL
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