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THIERRY ROY, FNPHP, ADJOINT AU DIRECTEUR, NÉGOCIATEUR DES DISPOSITIFS D'AIDES, CHARGÉ DE MISSION GRAND-OUEST ET CENTRE. « Une inadéquation du dispositif d'aides avec les besoins réels de l'horticulture »

PHOTO : FNPHP

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La circulaire serre a fait place à un nouveau dispositif. Qu'est-ce qui a changé ?

En 2015, l'appel à projets « Modernisation des serres et des équipements dans les secteurs maraîcher et horticole » a pris le relais du dispositif d'aides de FranceAgriMer (ancienne circulaire serre). Il a été lancé dans le cadre du Programme d'investissements d'avenir (PIA) à travers les P3A (Projets agricoles et agroalimentaires d'avenir). Le Commissariat général à l'investissement (CGI), pilote du programme, a désigné fin 2014 FranceAgriMer comme opérateur des P3A. L'appel à projets concerne aussi bien le maraîchage que l'horticulture ornementale. Mais le changement le plus remarquable est qu'on passe d'une logique d'investissements éligibles à une logique de projets. Il existe bien une liste d'investissements donnés en exemple, mais elle n'est pas exhaustive et ne préjuge en rien de l'éligibilité des dossiers.

Quel est le bilan des aides pour la période 2015-2016 ?

L'enveloppe globale allouée aux projets « Modernisation des serres » était de 14 millions d'euros (M€), à l'origine, pour les quatre phases successives d'appels à projets (la dernière a été clôturée le 26 février dernier). Elle a été abondée en 2015 de 6 M€, puis de nouveau en 2016 de 2,3 M€, soit un total de 22,3 M€. Sur les 221 dossiers déposés (175 en maraîchage représentant 215 M€ d'investissement, et 46 en horticulture ornementale représentant 20 M€), 143 ont été retenus, parmi lesquels 36 dossiers pour notre filière. On pourrait estimer ce nombre honorable. En réalité, le montant d'aide à verser en production ornementale est seulement d'1,7 M€. Cela représente 7,7 % de l'enveloppe totale. En comparaison, le maraîchage a obtenu 20,5 M€ d'aide à verser.

Comment expliquez-vous ces chiffres ?

Il faut d'abord préciser qu'il existe un réel manque de lisibilité sur les critères d'éligibilité des dossiers : difficile de savoir pourquoi tel dossier a été sélectionné et pas un autre. Les argumentaires se contentent de préciser que le projet est « plus innovant » ou « plus performant ». L'innovation est en effet l'axe central du P3A, mais nous perdons tout un pan de l'aide aux entreprises destinée à soutenir la modernisation. Or, c'est un pan essentiel pour aider une grande partie de notre filière à rester à flot. Il existe donc une inadéquation du P3A avec les besoins réels de l'horticulture. D'autant plus que l'appel à projets a favorisé des projets horticoles de type industriel et ne s'est pas intéressé, par exemple, au financement des serres froides. En outre, la seule mention d'un chauffage au fioul entraînait le refus du dossier alors même que l'entreprise n'a pas d'autres alternatives de chauffage. Pour aller plus loin, certains dossiers innovants en matière de ressource de chauffage ont été rejetés, à l'instar d'une installation de gaz naturel liquéfié : inexistant en horticulture et pourtant solution adéquate lorsque des entreprises n'ont pas accès au gaz naturel de ville. D'autres projets de ce type sont à l'étude.

Par ailleurs, des dossiers acceptés ont vu leur taux de subvention passer de 20 à 10 % ! Ces dossiers pourraient du coup se voir refuser le cofinancement des conseils régionaux sur les crédits Feader destinés au développement rural, car ils n'entreraient plus dans les critères : il faut un minimum de 18,8 % de taux global de subventions publiques (FAM, Ademe, Agence de l'eau...) pour bénéficier des aides du Feader. C'est donc la double peine pour les entreprises, avec moins d'aides sur le plan national et plus rien sur celui régional. Démarcher les banques sans aucune certitude d'être accepté ou d'obtenir la totalité des subventions a de quoi freiner les candidats. Dans le précédent dispositif, une demande avait 90 voire 95 % de chance d'être retenue, les refus étant souvent liés à des problèmes statutaires ou de détention de capital. Avec le P3A, sur les trois premiers appels à projets et pour notre filière, un dossier sur deux était refusé...

En quoi ces résultats peuvent-ils se répercuter sur le PCAE ?

Le Plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles a été mis en place par le ministère de l'Agriculture pour soutenir l'élevage, mais il comporte tout de même un axe végétal. Les Régions peuvent l'utiliser pour cofinancer des projets P3A ou des projets par appels à candidatures directs. Par exemple, le PCAE Pays de la Loire comporte une enveloppe destinée à l'horticulture. S'il n'y a pas de dossiers horticoles P3A, l'enveloppe a peu de chances d'être utilisée, et elle risque fort, dans ce cas, de ne pas être renouvelée en 2017...

Quelles sont les actions de la FNPHP sur ces sujets ?

Depuis la mise en place du P3A, il y a un peu plus de un an, nous n'avons pas cessé de soulever ces difficultés, notamment à chaque conseil spécialisé FAM, ainsi qu'auprès du ministère de l'Agriculture. Nous avons rencontré début juillet la conseillère agricole du Premier ministre pour faire entendre nos arguments.

Quels sont les appels à projets d'ici 2017 pouvant concerner la filière ?

Le P3A va peut-être être renouvelé, mais sous quelle forme ? Nous n'avons aucune nouvelle concernant l'appel à projets « Modernisation des serres ».

Il y en a un en cours, avec une date de clôture en janvier 2017 : « Innovation et compétitivité des filières agricoles et agroalimentaires ». Il est composé d'un volet générique « Projets structurants des filières agricoles et agroalimentaires » (PS2A), doté d'un budget de 35 M€. Il vise à « favoriser le développement et la mise sur le marché, l'industrialisation d'innovations pour les PME, ou encore la réalisation d'investissements mutualisés structurants pour la compétitivité des secteurs agricoles et agroalimentaires » (dépenses éligibles d'au moins 1 M€). Le deuxième volet compétitif « Initiatives innovantes dans l'agriculture et l'agroalimentaire » (2I2A), doté d'un budget de 10 M€, vise à stimuler le processus d'innovation dans ces filières (dépenses éligibles d'au moins 200 k€). Il est davantage axé sur la recherche et le développement.

Comment a évolué le montant des subventions attribuées à l'horticulture ornementale ces dernières années ?

À l'époque de l'ancienne circulaire serre, nous avions 2 à 3 M€ d'aides disponibles chaque année. Pour 2015-2016 : 1,7 M€ qui ne seront probablement pas utilisés jusqu'au bout du fait de la baisse du taux de subvention à 10 %. Certaines entreprises abandonnent purement et simplement leur projet. C'est un comble dans une période où l'investissement par la modernisation devrait être prioritaire afin de venir conforter certaines démarches de type Plante Bleue ou Fleur de France en montrant une production française dynamique et moderne.

Propos recueillis par Valérie Vidril

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