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Afrique Choisir entre la production de fleurs ou la sécurité alimentaire

La culture ornementale se fait-elle au détriment de l'alimentation des populations ? Au vu du rapport de LANDac, un institut de développement néerlandais, et de récents événements, la question se pose.

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La culture ornementale se fait-elle au détriment de l'alimentation des populations ? Au vu du rapport de LANDac, un institut de développement néerlandais, et de récents événements, la question se pose.

Gourmande en énergie et en main-d'oeuvre, la production de fleurs et de jeunes plants a fait l'objet d'une large délocalisation dans les pays à faibles coûts, notamment en Afrique de l'Est. Pour ces pays et les bailleurs internationaux qui les financent, la floriculture est un secteur pourvoyeur d'emplois au sein du milieu rural et de devises à l'exportation. La production ornementale génère plus de 17 000 emplois directs, dont 68 % occupés par des femmes, et près de 800 000 emplois indirects en Afrique de l'Est.Si les conditions d'emploi, de prélèvement et de préservation des ressources naturelles, notamment l'eau, ont souvent fait débat, les soulèvements récents en Éthiopie (cf.§ Des populations se soulèvent), ainsi qu'une étude publiée par LANDac, Institut de développement rattaché à l'université d'Utrecht (Pays-Bas), pose une autre question : le développement de grandes surfaces de productions ornementales ne porte-t-il pas atteinte à la sécurité alimentaire des populations locales ?

Pression sur le logementL'étude souligne l'impact positif de la floriculture en termes d'emploi et de devises et reconnaît les efforts faits par de nombreuses entreprises en matière de conditions de travail, de rémunération et d'appui aux communautés, notamment celles engagées dans un des codes de bonnes pratiques sectoriels (*). L'emploi, majoritairement féminin, et les investissements « sociaux » contribuent à améliorer les conditions de vie des familles. Cependant, LANDac met en lumière les conséquences néfastes de certains gros projets sur l'accès des communautés locales aux ressources nécessaires à leur subsistance : privation de terres vivrières ou de pâtures, restriction d'accès du bétail aux points d'eau notamment, comme dans les zones de concentration de serres le long de lacs, sans parler des déplacements éventuels de population. Même si les opportunités d'emploi donnent en théorie aux employés les moyens de s'acheter leur nourriture, la concentration de population autour des grosses exploitations, dont une partie de migrants d'autres régions, accroît la pression et donc les prix du logement et de l'alimentation sur les marchés locaux. Mêmes supérieurs aux minima légaux, les salaires restent souvent insuffisants pour assurer des conditions de vie décentes.

Des terres à disposition des employés ?L'étude recommande de porter une plus grande attention aux conditions d'allocation des terres aux projets horticoles, afin d'associer les populations locales et de préserver leurs moyens de subsistance (cultures vivrières, petit élevage). Elle encourage les investisseurs à employer de préférence des locaux, à favoriser les transferts de savoir-faire en associant des petits producteurs dans des organisations collectives, comme cela existe au Kenya, voire à mettre une partie de leurs terres à disposition de leurs employés pour leur permettre de cultiver leur propre nourriture.Des travaux sont en cours à l'initiative du gouvernement néerlandais pour préciser les règles de bonne gouvernance en matière de projets, afin de mieux prendre en compte dès la conception tous les aspects ayant un impact sur la sécurité alimentaire et la qualité de vie des populations locales.

(*) Kenya Flower Council, EHPEA notamment.

L'étude Flowers for food ?, de LANDac, est téléchargeable sur http://www.landgovernance.org/new-study-on-dutch-floriculture-investments-in-eastern-africa-and-the-impacts-on-local-food-security/20160210-landac_flower-report-web

Marie-Françoise Petitjean

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