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Interview « La pépinière française doit aussi se remettre en question »

Sylvie Sagne, directrice des espaces publics à la ville de Trappes (78).La journée technique organisée au mois de janvier par Florysage, à Bièvres (91), a réuni des collectivités, des concepteurs-entrepreneurs du paysage et des producteurs autour de la thématique « Sol et plantations des arbres ».

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Sylvie Sagne, directrice des espaces publics à la ville de Trappes (78).La journée technique organisée au mois de janvier par Florysage, à Bièvres (91), a réuni des collectivités, des concepteurs-entrepreneurs du paysage et des producteurs autour de la thématique « Sol et plantations des arbres ». Elle a aussi permis d'initier quelques échanges autour des attentes des uns et des autres. Sylvie Sagne y a exprimé son point de vue de gestionnaire d'espaces verts.

Quelle analyse portez-vous sur les difficultés actuelles de la pépinière française ? Je ne nie pas la crise actuelle, elle est réelle. Mais j'ai commencé dans la profession en tant qu'ingénieur il y a 26 ans, et déjà - alors que le marché était moins contraint - j'entendais les mêmes propos au sein des producteurs : la pépinière française va mal à cause de la concurrence étrangère, etc. Or, à l'époque, j'ai eu l'occasion de visiter des pépinières aux Pays-Bas, en Allemagne... et j'ai pu y constater une meilleure organisation qu'en France, une gestion optimisée, des services et un accueil supérieurs : autant d'éléments qui font encore aujourd'hui la différence, à peu de choses près ! Les producteurs se regroupaient déjà - ça m'a particulièrement marquée en Belgique - pour pouvoir mieux produire et mieux vendre. Les pépinières italiennes avaient des défauts, mais elles ont su s'adapter à ce qu'attendait le client en termes de livraison, de qualité (homogénéité des lots), de suivi, de diversité variétale, d'innovation... Certes, il existe des difficultés spécifiques à la production française (fiscalité, charges...), mais elle donne l'image d'une filière qui, en vingt ans, n'a pas su évoluer au rythme des attentes de ses clients.

Pourtant les choses bougent, des producteurs se regroupent pour travailler ensemble... Les mouvements de groupements sont intéressants effectivement. Mais il reste des efforts à faire. Encore récemment, nous avons été déçus par un fournisseur mal organisé, qui ne nous avait pas livré la liste de végétaux attendus. Parfois, les arbres achetés à haut prix à une pépinière française s'avèrent venir de l'étranger où nous aurions pu nous fournir directement et pour moins cher. Nous sommes garants de l'argent public, nous ne pouvons pas acheter français simplement pour acheter français : la qualité doit être au rendez-vous. J'assume d'acheter européen si la prestation est meilleure. La pépinière française doit aussi se remettre en question : si le client va voir ailleurs, il y a peut-être une raison ! Et ce n'est pas uniquement une question de prix, nous attachons de l'importance au système racinaire, au port du sujet, etc. Une petite commune à la recherche d'une dizaine d'arbres trouvera des lots de qualité en France. Mais pour des volumes de commandes importants (plus de cinquante sujets d'une même variété), on ne trouve pas souvent l'homogénéité offerte ailleurs. Le contrat de culture est un outil intéressant, mais tous les chantiers ne s'y prêtent pas. Même constat avec la gamme proposée : quand nous visitons une pépinière, nous attendons qu'elle nous propose des nouveautés, des plantes originales - une variété de chêne résistant à la sécheresse ou de houx fastigié, des cépées remontées... - et le bon produit pour le bon endroit, adapté aux conditions pédoclimatiques du site.

Que faudrait-il modifier pour améliorer cet état des faits ? Il y a tout à revoir en France ! À commencer par les syndicats qui doivent réaliser un véritable travail de lobby auprès des ministères pour modifier la fiscalité sur les stocks notamment. Pour qu'elle ait du poids, la profession doit se regrouper. Il est possible de faire bouger les choses, comme l'illustre la filière paysage qui se bat depuis 6-7 ans auprès des ministères, communique dans la presse, réalise des enquêtes, effectue des rapprochements avec les scientifiques... Il devrait y avoir un vrai mouvement de convergence de tous les professionnels de la pépinière pour se faire connaître et mettre en avant leurs productions.Beaucoup attendent simplement que nous leur achetions leurs produits, alors que la démarche doit être proactive. J'attends de mes fournisseurs des discours innovants, par exemple sur l'adaptation des plantations au réchauffement climatique, sur les conditions environnementales qui évoluent, ou encore sur les alignements plurispécifiques : les bonnes variétés pour le site, compatibles entre elles, avec des effets de couleurs, des sensibilités moindres aux problèmes phytosanitaires...

Les collectivités ont tout de même une part de responsabilité, en n'achetant pas auprès de fournisseurs locaux non ? Le constat est là : plus des deux tiers des végétaux de pépinière sont achetés à l'étranger. Les vraies questions sont : pourquoi en est-on arrivé là et comment répondre aux attentes du marché ? Le temps n'est plus à l'énumération des raisons de se plaindre mais à l'élaboration de solutions. Cela signifie : venir discuter avec les clients, les écouter, visiter les pépinières étrangères... Pourquoi ne pas organiser une journée pour valoriser la pépinière française auprès des clients, si ce n'est pas à l'échelle nationale, au moins régionale ? Avec des visites techniques le matin, un débat autour des attentes dans l'après-midi, par exemple. Les choses ne sont pas vraiment dites. Il y a un rapprochement plus important à faire avec les clients qui, à force de devoir aller chercher ailleurs, se sont détournés de la production française.

Le nouveau code des marchés publics renforce les objectifs de développement durable et le sourcing... Pourrait-il améliorer le recours aux productions françaises ? Le sourcing est une vraie opportunité de favoriser les échanges entre clients et fournisseurs. Quant au critère environnemental, il existe depuis plus de quinze ans dans la commande publique. Avant même le nouveau code, il était tout à fait possible de rédiger un appel d'offre orientant vers tel ou tel type de production. Je ne pense pas qu'il soit judicieux de créer des règles pour essayer de récupérer des marchés et il serait dommage de se donner des contraintes en termes de distance par exemple.

Il faut pouvoir placer le bon arbre au bon endroit, en tenant compte des îlots de chaleur, du réchauffement climatique, des conditions de sol...Le bon critère doit être et rester le rapport entre la qualité, le prix et le service client.

V.V.

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