L'if commun ou Taxus baccata : un conifère anti-cancer

L'if commun est un conifère non résineux qui supporte bien la taille et s'associe au buis dans l'art topiaire. Sa rusticité et son feuillage compact en font une plante de choix pour orner les jardins réguliers et les parcs paysagers. Désormais, il se cultive aussi en grandes parcelles pour le compte de firmes pharmaceutiques.

Taxus baccata a la particularité de contenir une substance active, la baccatine, dont est extraite la molécule de paclitaxel vendue sous le nom de Taxol, très recherchée par l'industrie pharmaceutique. Elle figure sur la liste des médicaments essentiels de l'organisation mondiale de la santé (OMS) et recèle des propriétés indispensables au traitement par perfusion de certains cancers. Outre la chimiothérapie, les cardiologues et les angiologues l'utilisent pour imbiber les mailles des stents (*).

Initialement, le paclitaxel était produit à partir de l'écorce de Taxus brevifolia. Mais pour soigner un seul patient, il fallait écorcer au moins trois arbres centenaires. Or cette essence ne se trouve que dans quelques régions d'Amérique du Nord et les arbres meurent après avoir été écorcés. La surexploitation a entraîné la disparition de nombreux peuplements. Une solution alternative a été trouvée dans les aiguilles de T. baccata européens. Les récoltes sont triées, séchées en herboristerie industrielle, broyées, conditionnées, puis exportées en Inde pour l'extraction du paclitaxel. Ce produit revient ensuite en France pour intégrer le secteur pharmaceutique. Ces dernières années, les chercheurs ont créé à partir de l'if commun un nouveau médicament anticancéreux, le docétaxel, commercialisé sous le nom Taxomère, qui semble plus actif que le Taxol. Les deux produits combattent les cellules cancéreuses en perturbant la division cellulaire.

De la diversification des cultures aux collectes organisées

Ces dernières années, des producteurs ont saisi l'opportunité du nouveau marché de l'if pour diversifier leurs productions. Un arboriculteur du Maine-et-Loire, par exemple, a arraché une partie de son verger de pommiers pour replanter des ifs sur plusieurs hectares. Il en tire un revenu intéressant pour moins de contrainte d'entretien. Afin de compléter les ressources issues des plantations professionnelles, des circuits de collecte de déchets de tailles auprès de propriétaires de parcs et jardins ou de gestionnaires d'espaces verts de villes s'organisent dans différents pays d'Europe et régions de France. Dans le Centre Val-de-Loire, le ramassage est organisé par la Ligue contre le cancer et mis en oeuvre par une société spécialisée. En 2014, quatre tonnes ont été récoltées en Indre-et-Loire et Loir-et-Cher, puis douze tonnes en 2015, grâce à une collecte étendue à une dizaine de départements alentours. Pour être enregistré, il suffit de contacter le correspondant de la Ligue une semaine avant la taille. La société qui récupère les pousses d'if redonne 0,45 euro à l'association de lutte contre le cancer par kilo récolté. Dans le nord de la France, ce sont nos voisins belges de Collect-If.be, créée en 2013, qui organisent le ramassage. Cette association caritative propose de réaliser les tailles gratuitement. Environ 1 500 propriétaires d'ifs profitent de ses services. En Aquitaine, la société SN.PM, spécialisée depuis 1993 dans les matières à usage pharmaceutique, organise un circuit de collecte gratuite sur tout le territoire national pour toute quantité de pousses mise à disposition. Comme le dit cette entreprise : « Pensez-if ! »

Jérôme Jullien

(*) Petits ressorts disposés à l'intérieur d'une artère, afin d'éviter un nouveau rétrécissement ou resténose après une angioplastie.