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Des centaines d'arbres victimes du stress hydrique

Le manque récurrent d'humidité de ces dernières années, excepté au premier semestre 2016 en zone septentrionale, a considérablement réduit la réserve en eau du sol. D'anciennes plantations de conifères, tels que des cyprès, n'ont pas résisté à cette situation en sols peu humifères.PHOTO : DRAAF-SRAL DES PAYS DE LA LOIRE

La succession des années de sécheresse et la combinaison de canicule et de déficit hygrométrique affaiblissent les arbres. Si elles n'achèvent pas les espèces les plus sensibles au réchauffement climatique, les bioagresseurs opportunistes ou des conditions de culture défavorables finissent d'épuiser certaines plantations.

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Les arbres sont des bio-indicateurs de premier ordre. En cas d'événement météorologique ou de changement climatique, les espèces en situations « limites » de leur optimum écologique sont souvent les plus vulnérables et peuvent être considérées à ce titre comme des sentinelles. En témoignent les dépérissements, plus ou moins généralisés, d'arbres survenus dans ces situations en 2017 dans plusieurs régions françaises.

1. DÉFICIT HYDRIQUE ET CANICULE, UN COCKTAIL FATAL. Les sujets isolés ou les peuplements ligneux sensibles exposés au déficit pluviométrique dès l'automne-hiver dernier, puis aux journées caniculaires estivales, ont beaucoup souffert. À l'aridité du sol et aux vagues de chaleur rencontrées cette année, s'est adjoint un déficit d'hygrométrie. De quoi malmener les arbres en ville, comme à la campagne et en forêt. Dans ce contexte où le niveau des nappes et des cours d'eau est au plus bas sur une grande partie du territoire, des observateurs des réseaux d'épidémiosurveillance régionaux en jardins, espaces végétalisés et infrastructures (JEVI), des correspondants du département de la santé des forêts (DSF), des arboristes et autres professionnels du paysage, dressent en ce début d'automne un constat sans appel. Des centaines d'arbres affectés par le stress hydrique seront très affaiblis ou ne repartiront pas au printemps 2018.

2. LE COUP DE GRÂCE DES BIOAGRESSEURS OPPORTUNISTES. Certains ligneux malmenés par ce complexe abiotique se trouvent exposés aux bioagresseurs opportunistes. En Charente limousine, par exemple, d'innombrables châtaigniers ont flétri cet été ; il s'agit surtout d'anciens taillis et peuplements en limite des stations de prédilection du châtaignier. Des analyses relatives à ces dépérissements ont permis de détecter la présence de la maladie de l'encre (Phytophthora cambivora et P. cinnamomi). La mort des arbres semble avoir été plus rapide que par le passé. Autrefois, l'encre entraînait le dépérissement complet d'un châtaignier en deux à quatre ans, quelquefois de manière plus lente, jusqu'à une dizaine d'années. Actuellement, le mauvais état physiologique des châtaigniers et la réduction de la période de froid hivernal (facteur limitant de la maladie) semblent précipiter leur dépérissement en deux ans, voire moins, car ils ne sont plus en capacité de limiter la virulence du pathogène par la production de substances antagonistes, compte tenu de leur faible vitalité. Cependant, le cumul des sécheresses de 2015 et 2017 (relatif pour 2016 avec un début d'hiver très sec, puis un déficit d'humidité de mi-juillet à novembre ponctué de pics de chaleur, mais avec un premier semestre très arrosé, sauf sur le pourtour méditerranéen) a peut-être eu raison à lui seul de l'existence de certains sujets, dont le système racinaire pivotant exige un minimum d'eau pour subsister. S'y ajoute aussi sans doute l'impact du cynips.

3. DES ESSENCES PLUS IMPACTÉES QUE D'AUTRES. Dans d'autres régions comme le nord du Grand Est (Alsace, Lorraine), ce sont des arbres exigeants en hygrométrie qui ont accusé le manque d'humidité. Dans ces territoires situés à l'ouest du Rhin, sous climat semi-continental nord, l'année 2017 a affiché des valeurs météorologiques bien différentes des normales saisonnières, révélatrices du réchauffement climatique en cours. En conséquence, des plantations ont subi des stress physiologiques dans plusieurs villes et villages, même si elles avaient supporté des phases difficiles, parfois pendant des dizaines d'années, telles que les sécheresses de 1976, 2005, 2015 ou la canicule de 2003. Le séquoia géant (Sequoiadendron giganteum) et le désespoir des singes (Araucaria araucana) font partie de ces essences altérées, dont le feuillage a bruni de façon inéluctable. Ces deux taxons prospèrent dans des sols frais et profonds, associés à une atmosphère humide ; des conditions pédoclimatiques éloignées de celles rencontrées en 2017. Dans d'autres régions, ce sont les hêtres de plaine qui ont accusé le manque d'humidité, ainsi que localement des chênes, cyprès, ifs et mélèzes de basse altitude. Ces arbres fragilisés, en particulier les conifères, deviennent souvent des hôtes pour les pullulations de scolytes.

4. DES SITUATIONS COMPROMETTANTES. Dans de nombreux parcs et jardins, les plantations situées en terrains pentus, filtrants, superficiels, compactés ou pauvres en matières organiques, ont été les principales victimes du stress hydrique, par exemple des aubépines, bouleaux, frênes, marronniers, noisetiers, peupliers, pins noirs, robiniers ou saules. Dans certains cas, ce phénomène a été accentué par des distances de plantation trop rapprochées entre les arbres ou les arbustes, livrés à une concurrence racinaire pour subvenir à leurs besoins en eau.

Le contexte pédoclimatique prégnant de ces dernières années (comme une faible réserve en eau des sols lors de la période végétative, des précipitations violentes et localisées au détriment de pluies fines généralisées et persistantes, des rosées moins fréquentes au sein des villes...) doit motiver les pépiniéristes et les gestionnaires d'espaces verts à renforcer leur collaboration active pour adapter les plantations d'aujourd'hui aux enjeux paysagers de demain (*).

Jérôme Jullien

(*) Voir le dossier Le réchauffement climatique : végétal, victime et acteur, paru dans le Lien horticole n° 969 du 20 avril 2016, pp. 12-13.

De nombreux arbres exposés au déficit pluviométrique dès l'automne-hiver dernier, puis à la sécheresse et aux épisodes de canicule pendant l'été, ont accusé un stress hydrique visible au niveau du feuillage. Ici un vieux marronnier en milieu urbain.

PHOTO : JÉRÔME JULLIEN

Dans certains espaces verts paysagers ou zones rurales, l'aubépine, bien que rustique, fait partie des plantations éprouvées par la sécheresse, la faible hygrométrie et les périodes caniculaires estivales.

PHOTO : JÉRÔME JULLIEN

La descente de cime que manifeste ce jeune peuplier d'alignement au bord d'une route est le signe d'un stress marqué. Dans le cas présent, la sécheresse prolongée en sol inadapté en est la cause.

PHOTO : JÉRÔME JULLIEN

De nombreux pins en stations très séchantes ont souffert depuis 2015 en espaces verts comme en forêts. Les premiers symptômes s'expriment par un roussissement des jeunes pousses. Par la suite, ces arbres fragilisés deviennent souvent des hôtes pour les pullulations de scolytes.

PHOTO : JÉRÔME JULLIEN

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