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La fistuline hépatique, « langue » ou « foie de boeuf »

Les chapeaux de la fistuline hépatique forment des consoles en forme de langue.PHOTO : PIERRE AVERSENQ

La présence de Fistulina hepatica n'a pas lieu d'inquiéter, mais une vérification des tissus internes de l'arbre s'impose.

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1. PORTRAIT DU CHAMPIGNON. La fistuline hépatique colonise principalement les vieux arbres, les chênes et les châtaigniers en particulier. Mais, dans la littérature, elle est également citée sur d'autres essences feuillues : ormes, tilleuls, bouleaux, platanes... En Australie, elle se fait remarquer sur les Eucalyptus.

Répartition géographique : le champignon se développe en Europe, Amérique du Nord, Australie et Asie. Il est assez commun mais reste absent des zones montagneuses. Il apparaît plus fréquemment sur les arbres de milieu fermé (boisement) que sur les sujets de parcs isolés.

Description de la fructification : ses chapeaux annuels constituent des consoles en forme de langue de 2 à 6 cm d'épaisseur et de 7 à 30 cm de diamètre, ou en demi-cercle comme un « rein ». Épais à leur base, ils s'amincissent vers la marge. Ils sont le plus souvent en solitaire ou par groupe de deux ou trois. Un petit pied court et massif est parfois visible. Il arrive que les fructifications restent atrophiées. Le primordium (1) a l'aspect d'un nodule orangé puis il s'étale en demi-cercle. La surface piléique est convexe-pulvinée (2) ou aplanie. Rouge orangé à rouge sang au départ, elle prend une couleur rouge brique en vieillissant. Humide, parfois gluante, et légèrement rugueuse, elle peut présenter de discrètes ondulations radiales. En fin de saison, les chapeaux brunissent puis noircissent ; ils deviennent flasques et se désagrègent rapidement. La marge d'abord noduleuse devient progressivement aiguë. La face inférieure, de teinte blanc crème à jaunâtre, vire au brun rouge au toucher. Les pores réguliers (trois par millimètre) libèrent une sporée ochracé pâle. Les tubes assez épais, de 5 à 10 mm de long, ne forment qu'une seule couche. Comme chez les bolets, ils sont séparables les uns des autres. La trame molle, fibreuse, blanchâtre au début, devient rouge vineux ; elle est parcourue de veines blanchâtres et sanguinolentes à la section. Les jeunes sporophores de la fistuline sont comestibles avec un goût légèrement salé et acidulé. C'est un des rares champignons qui peut se consommer cru en salade. Mais souvent il se cuisine comme de la viande, et se cuit à la poêle.

Confusions possibles : dans nos régions, aucune confusion n'est possible avec d'autres espèces de champignons lignivores. De vieilles consoles noircies et desséchées au collet d'un arbre peuvent parfois être confondues avec celles du polypore du chêne (Inonotus dryadeus). Mais celles-ci sont beaucoup plus compactes et coriaces, et persistent de longs mois, alors que les vieux sporophores de la fistuline hépatique sont friables et se dégradent rapidement.

Période de fructification : les sporophores sont visibles du milieu de juillet à novembre, et disparaissent assez vite.

2. CONSÉQUENCES POUR LES ARBRES. La fistuline hépatique colonise surtout la partie basse des troncs à la faveur de blessures accidentelles. Elle est assez fréquente sur les arbres comportant des troncs jumelés. Les trous de sortie et les galeries creusées par le grand capricorne du chêne (Cerambyx cerdo) constituent des points d'entrée possibles pour le champignon qui remonte alors dans les fûts mais rarement à plus d'un mètre de hauteur. Il se comporte en saprophyte exclusif du duramen et peut persister de nombreuses années sur du bois mort ou sur une souche de chêne abattu qu'il a contaminée lorsqu'il était sur pied.

Dégradation du bois : la fistuline hépatique provoque une pourriture rouge cubique qui se différencie de celle provoquée par le polypore soufré par l'absence de plaques mycéliennes blanches dans les fissures, entre les « cubes » de bois dégradé. En début d'attaque, le bois parfait présente des stries longitudinales brunes (aspect de « queue de vache ») qui se rejoignent progressivement pour former un coeur entièrement coloré de brun. Bien qu'il ait déjà perdu une partie de ses propriétés mécaniques à ce stade, le bois s'utilise pour l'ameublement et l'ébénisterie et il est recherché, notamment en Angleterre, pour sa couleur et sa souplesse de travail (« brown oak »). Ce phénomène est parfois appelé « la maladie du rouge du chêne » ou « le chêne brun ».

Activité lignivore : elle est faible et la dégradation du bois infesté se fait très lentement. À l'intérieur des tissus duraménisés, le champignon semble s'intéresser aux tannins situés dans les lumens cellulaires avant de s'attaquer aux parois. Ces substances, habituellement considérées comme des composés anti-fongiques, favorisent apparemment sa croissance. La dégradation des tanins libère des composés phénoliques responsables de la coloration brun-rouge. La fistuline peut être associée à d'autres agents lignivores beaucoup plus actifs, comme le polypore en touffe (Grifola frondosa). En dégradant les tanins, elle leur préparerait ainsi le terrain.

3. DIAGNOSTIC ET PRÉCONISATIONS. Le sporophore de la fistuline est le seul indice permettant de détecter la présence du champignon. Mais ses fructifications ne se développent pas systématiquement et de nombreux chênes impactés ne sont pas mis en évidence. Les sporophores étant annuels et très éphémères, la détection de la fistuline est difficile.

Décision : les cas de rupture d'arbres colonisés par ce seul champignon sont rares et l'existence de fructifications à la base du tronc d'un sujet correspond rarement à une pourriture interne étendue. En règle générale, les praticiens ne sont guère inquiétés par sa présence dans un vieux chêne. Cependant, une vérification de l'état de ses tissus internes, à l'aide d'un pénétromètre ou d'un outil à ondes sonores, s'impose pour s'assurer de son bon état mécanique. Ces outils ne mettront en évidence que des pourritures internes très avancées.

Pierre Aversenq

(1) Ébauche de la fructification du champignon.(2) En forme de coussin.

Les pores réguliers (trois par millimètre) libèrent une sporée ochracé pâle.

PHOTO : PIERRE AVERSENQ

Certaines fructifications se développent difficilement et restent atrophiées.

PHOTO : PIERRE AVERSENQ

En fin de saison, les chapeaux noircissent, deviennent flasques et ils se désagrègent rapidement.

PHOTO : PIERRE AVERSENQ

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