Expérimentation Au service de l'horticulture méditerranéenne

Il fait doux dans le sud méditerranéen, c'est un fait. Mais qu'il fasse désormais trop doux pour certains horticulteurs est certainement moins connu. Alors que les serristes français cherchent encore à diminuer leurs consommations d'énergie hivernale, les producteurs de pivoine se désolent d'un réchauffement climatique chaque année plus évident : canicule et sécheresse en été, des vagues de froid qui se réduisent comme une peau de chagrin... Avec pour conséquence une baisse de température insuffisante pour permettre la vernalisation de certaines plantes comme la pivoine.

Répondre au changement climatique

Or, rappelle Michel Mallait, conseiller « fleurs coupées diverses » à la chambre d'a-griculture 83, cette culture est en très forte progression en Paca, puisqu'elle est passée d'une production quasi inexistante dans les années 1990 à quelque 10 millions de tiges commercialisées par la Sica Marché aux fleurs (MAF) de Hyères (83) en 2017. C'est pour-quoi le Scradh, station d'expérimentation Astre-dhor Méditerranée basée à Hyères, se penche sur le sujet et y a consacré son cycle de conférences lors de ses deux journées portes ouvertes. Les visiteurs professionnels (255 visites) ont également découvert les différents essais en cours, en fleurs coupées, rameaux décoratifs, ainsi qu'en pépinière et paysage.

Les conférences ont permis de rappeler la grande diversité variétale de la pivoine. Cette diversité peu exploitée - six variétés seulement représentent 60 % des apports de la Sica MAF - laisse pourtant entrevoir des possibilités de sélection de variétés adaptées au climat, nécessitant moins de froid. Le Scradh réalise des évaluations depuis 30 ans et travaille à la mise en place d'une base de données présentant les caractéristiques des différentes variétés observées. Martine Passot et Jérôme Coutant, ingénieurs d'expérimentation, ont également présenté un indice développé par la station pour mesurer la prise de froid. Il est établi grâce à des sondes enregistrant la température du sol et doit permettre d'adapter l'itinéraire de culture à la zone géographique et à son climat pour une production primeur sans perte de rendement. Diverses techniques pour améliorer la prise de froid ont été énumérées, parmi lesquelles l'ombrage temporaire.

Des ombrières intelligentes

Puisque le sol reste trop chaud en hiver, pourquoi ne pas limiter son échauffement diurne en l'ombrant ? C'est dans cette optique que le Scradh-Astredhor Méditerranée a signé un contrat avec Agrivolta. La start-up aixoise (13), fondée par un horticulteur en octobre 2016, déploie son système breveté d'ombrières intelligentes sur une parcelle de la station et cette dernière coordonne depuis ce mois de novembre une étude scientifique sur pivoine pour une durée de trois ans.

Outre l'optimisation des rendements grâce à des besoins en froid hivernal satisfaits, l'expérimentation doit valider les économies d'eau possibles, l'ombrage estival limitant l'évapotranspiration et le stress des plantes. L'installation se compose de panneaux photovoltaïques déployés à plus de 3 mètres de hauteur, dont l'ouverture est modulée automatiquement selon les besoins.

Une horticulture innovante

La station continue d'évaluer les nouvelles variétés parmi les genres classiques (l'anémone, la giroflée, la reine-marguerite...) mais aussi des nouveautés originales comme le kalanchoé fleur coupée, Hibiscus sabdariffa... Elle évalue des espèces d'arbres innovantes pour l'alignement en conditions méditerranéennes, recensées au fur et à mesure sur le site internet www.innoplante.fr. Les techniques de production testées se renouvellent : aéroponie, cultures mobiles de vivaces, cultures en bacs. En protection des cultures, les solutions alternatives (lutte physique contre le thrips sur rosier, nourrissage des auxiliaires, outil d'épidémiosurveillance...) et la coopération européenne sont à l'ordre du jour avec les projets Flore 3.0 (réseau d'appui à l'innovation en entreprise) et IS@M (Innovative sustainable agriculture in Mediterranea).

Valérie Vidril