FRANÇOISE LENOBLE-PRÉDINE : « Mener des démarches patrimoniales pour mettre en valeur les collections »
FRANÇOISE LENOBLE-PRÉDINE, PRÉSIDENTE DU CONSERVATOIRE DES COLLECTIONS VÉGÉTALES SPÉCIALISÉES (CCVS), QUI A FÊTÉ SES 25 ANS ET VA SORTIR LE 100E NUMÉRO D'HOMMES & PLANTES
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Où en est le CCVS ?
Nous avons 303 collections référencées, dont 151 nationales et 117 agréées, les autres étant en cours de labellisations. Et ce auprès de 130 collectionneurs différents, 46 particuliers, 12 associations, 38 organismes de recherche et collectivités et 34 horticulteurs et pépiniéristes.
Aviez-vous imaginé pareil succès lorsque vous avez créé l'association ?
Non, que ce soit du point de vue du nombre de collections labellisées ou de celui de la revue Hommes et Plantes, dont nous allons éditer le centième numéro, ce qui reste une performance quand on connaît les difficultés de la presse aujourd'hui. Toutefois, avec 900 abonnés, nous équilibrons tout juste la revue et nous aimerions dégager du bénéfice sur cette activité.
Quelles sont les ressources de l'association ?
Les adhésions couvrent le quart du budget. Et, comme nous sommes reconnus d'intérêt général, nous récupérons des dons. Pour le reste, nous vendons des prestations de service. Le budget annuel tourne autour de 90 000 euros. Mais nous ne bénéficions d'aucune subvention. Hormis un chargé de mission à temps partiel, l'association vit du bénévolat, en particulier pour les experts qui évaluent les collections !
Le nombre de collections a-t-il toujours progressé ?
Oui, nous en avons chaque année au moins 10 qui s'ajoutent à l'annuaire, ce qui fait plus que compenser celles qui disparaissent. Celles qui sont retirées, soit ne sont plus dignes de disposer du label, auquel cas nous les rétrogradons (souvent, ce sont les collectionneurs qui prennent les devants et nous disent que leur collection n'est plus à la hauteur), soit en raison de décès, d'attaques de ravageurs, ou parce que les terrains sur lesquels elles étaient installées ne sont plus disponibles.
Comment se passe la labellisation ?
Lorsqu'un collectionneur veut bénéficier du label, il envoie au préalable la liste de ses plantes (en insistant sur celles d'origine botanique et sur la traçabilité). Il reçoit alors la visite d'un membre du Comité des collections qui apprécie l'intérêt de la gamme végétale présentée, mais aussi l'aptitude du collectionneur à la gérer sur le long terme. Le visiteur remet ensuite une fiche d'évaluation au Comité des collections qui examine le dossier et formule un avis au Conseil scientifique. Ce dernier propose au Conseil d'administration de délivrer pour 5 ans un agrément soit de collection nationale, soit de collection agréée, selon son intérêt. Les nouveaux collectionneurs deviennent alors membres actifs.
Tout peut-il être labellisé ?
Non, il faut que la collection puisse être maintenue. Avant, l'État finançait le Bureau des ressources génétiques (BRG), chargé de conserver la génétique. Cet organisme a aujourd'hui été sacrifié pour des raisons budgétaires, mais nous nous en sommes inspirés pour définir ce qu'est une collection. Des organismes de recherche ont des collections destinées à leurs travaux qu'ils jettent la plupart du temps quand la mission est terminée. Nous sommes souvent sollicités pour récupérer ce patrimoine, mais à quoi sert une collection de plants de café si nous sommes incapables de la pérenniser ?
Au-delà des aspects relatifs à la biodiversité, quel est l'intérêt de collectionner ?
Il y a des démarches importantes à mener au niveau patrimonial pour mettre en valeur tout ce travail et ce savoir-faire, qui est important. Les collections peuvent participer au développement des territoires. J'ai travaillé, au tout début de l'aventure du CCVS, à la mise en place de la collection des bégonias de Rochefort-sur-Mer (17), qui est toujours ouverte à la visite. Autour, une zone horticole a vu le jour. Il faut que l'on obtienne une reconnaissance nationale avec des aides, que les collections soient montrées pour en faire découvrir l'intérêt et les valoriser, et que ces démarches servent à raconter des histoires aux amateurs de plantes, via des actions marketing adaptées. Il y a aujourd'hui un besoin d'identité, les collectionneurs peuvent surfer dessus. Il est nécessaire que les collections soient ouvertes et vivantes, qu'il y ait des défricheurs, et que le travail se fasse davantage en équipes. La question qui se pose maintenant c'est pourquoi collectionner ? Les plantes peuvent devenir des ambassadrices d'une image de marque, d'un territoire, il faut voir comment exploiter ce réservoir génétique.
Il y a, pour vous, un déficit de vision à long terme ?
Nous sommes à un tournant. L'État a signé différentes conventions, les collections nationales peuvent être mises à disposition des autres collectionneurs dans une forme de réciprocité, les chercheurs peuvent échanger dans différents pays, les collections sont un réservoir biogénétique pour les scientifiques, mais l'État n'a pas les moyens d'avoir un service dédié. Même si le Comité technique permanent de la sélection (CTPS) a une nouvelle section Ressources PhytoGénétiques (RPG) hébergée au GEVES, qui étudie comment construire un réseau national de collections... Le CCVS doit aujourd'hui aider les chercheurs à définir les spécificités d'une collection nationale qui ne doivent pas être qu'un vivier génétique, mais aussi un savoir-faire. Les chercheurs pourraient avoir besoin des producteurs pour le maintien des collections. L'Astredhor est venu nous voir pour travailler sur la génétique du buis à la suite des problèmes phytosanitaires rencontrés dans les jardins à la française. Il ne faut toutefois pas s'arrêter là, ne pas faire dans la collectionnite, mais inviter à un voyage botanique au financement duquel l'État devrait participer !
Ces démarches peuvent-elles remotiver les jeunes générations pour le végétal ?
Tout à fait, de plus en plus de jeunes se passionnent pour la botanique. Nous avons rencontré récemment des jeunes professionnels du groupe Segex (entrepreneurs du paysage) qui travaillent pour un projet sur la valorisation possible de la collection de lilas du département du Val-de-Marne comme outil de développement culturel et économique. L'idée est de retrouver le « temps des lilas », de rappeler l'histoire, de reprendre la production de ces plantes afin d'assurer la pérennisation de la collection en trouvant des leviers économiques et en renforçant image de marque et identité d'un territoire. Les collections, qu'elles soient celles du CCVS ou de l'Institut Vavilov à Saint-Pétersbourg, en Russie, participent au développement des filières de l'horticulture, de la fleuristerie, du paysage... Une histoire qui montre qu'il y a encore beaucoup à faire autour de la botanique et des collections !
Propos recueillis par Pascal Fayolle
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