Réglementation Fin des pesticides : oui... mais non
Alors que Ségolène Royal annonce de nouvelles mesures pour atteindre le zéro pesticide, un texte adopté le 15 février dernier ouvre la voie à des dérogations possibles en collectivités.
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« Zéro pesticide, c'est mille fois mieux pour ma santé et pour notre planète » : tel est le slogan de la campagne d'information diffusée dans la presse quotidienne régionale depuis fin février afin de faire connaître aux collectivités et aux particuliers la réglementation actuelle. La ministre de l'Environnement a par ailleurs annoncé le lancement d'une consultation du public au sujet de l'interdiction des produits phytopharmaceutiques contenant des néonicotinoïdes à partir du 1er septembre 2018 (avant une interdiction totale à partir du 1er juillet 2020). Concernant l'abrogation de l'arrêté du 12 septembre 2006 encadrant l'application des produits phytosanitaires (*), le texte en cours conserve pour l'instant l'essentiel du contenu de la version antérieure. Des évolutions à moyen terme seront examinées avec les parties prenantes, sur la base des commentaires reçus pendant la consultation du public menée par la Commission européenne. Rappelons que cet arrêté, abrogé fin 2016, fixe notamment une vitesse maximale de vent, des délais de réentrée après traitement, des délais d'emploi avant récolte, des zones de non-traitement. Autre mesure annoncée par la ministre pour 2017 : une expérimentation visera à évaluer l'influence, sur les pratiques phytopharmaceutiques, du conseil agronomique selon qu'il est indépendant ou non du vendeur.
Des interdictions...
Depuis le 1er janvier, seuls les produits de biocontrôle, ceux à faibles risques et utilisables en agriculture biologique peuvent être employés par les collectivités (ainsi que l'État et ses établissements publics) pour l'entretien de leurs espaces verts et de leurs promenades accessibles au public - y compris les cimetières et les terrains de sport s'ils sont considérés comme tels par la collectivité -, de leurs forêts, de leurs voiries. La vente des phytosanitaires conventionnels que ce soit en grande distribution, magasins de bricolage ou jardineries ne s'effectue plus en libre-service. Un conseil obligatoire est délivré aux jardiniers amateurs lorsqu'ils veulent en acquérir certains afin de les informer sur les risques et les bonnes pratiques qu'ils peuvent mettre en place. Les produits de biocontrôle et les substances de base restent quant à eux en vente libre. L'interdiction d'usage des produits phytopharmaceutiques conventionnels sera généralisée aux particuliers à compter du 1er janvier 2019.
...Et des dérogations
La loi de Transition énergétique pour la croissance verte (août 2015) autorise certaines exceptions. Ainsi, l'interdiction d'usage de produits phytopharmaceutiques au 1er janvier 2017 ne s'applique pas aux traitements nécessaires à la destruction des organismes nuisibles réglementés faisant l'objet de mesures de lutte obligatoire qui doivent être appliquées lorsque celles-ci sont imposées par les services de l'État. Ces mesures font alors l'objet d'un arrêté national de lutte, souvent décliné localement par des arrêtés préfectoraux. Concernant les voiries, la loi admet des dérogations dans les zones étroites ou difficiles d'accès, telles que les bretelles, échangeurs, terre-pleins centraux et ouvrages - donc une portion limitée de la voirie. Enfin, si la mise en sécurité des personnels chargés de l'entretien et de l'exploitation ou des usagers de la route ne peut être assurée (par exemple, pour le traitement d'un terre-plein central sur une voie autoroutière) ou si l'interdiction entraîne des sujétions disproportionnées sur l'exploitation routière, l'usage des produits phytopharmaceutiques est autorisé.
Une nouvelle dérogation a été introduite récemment, avec l'adoption définitive par le Sénat de la proposition de loi relative à la lutte contre l'accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle le 15 février dernier. Le texte ouvre la possibilité pour les collectivités territoriales de traiter les dangers sanitaires graves grâce à des produits conventionnels lorsque les solutions alternatives ne fonctionnent pas, afin de sauvegarder un patrimoine historique ou biologique français. Une telle disposition permet de donner un cadre juridique à la lutte contre la cylindrocladiose du buis, par exemple, mais aussi à d'éventuelles nouvelles menaces qui apparaîtraient et ne pourraient pas être traitées par des techniques alternatives aux produits conventionnels.
Ce même texte encourage le biocontrôle à travers une dispense d'agrément pour les entreprises assurant l'application de produits de biocontrôle (à l'exception de ceux qui sont soumis à un étiquetage comportant une mention de danger) et une dispense de certificat de produits phytopharmaceutiques pour les salariés intervenant en application de ces produits. Il valide également la mise en place à titre expérimental (du 1er juillet 2016 au 31 décembre 2022)des certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (**).
Valérie Vidril
(*) Voir le Lien horticole n° 992, Arrêté phyto : changement ou non, p. 8. (**) Voir le Lien horticole n° 987, CEPP : actions standardisées, p. 5.
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