Interview Patrice Valantin
« La sensibilité écologique et au respect environnemental ouvre des marchés », assure Patrice Valantin, président de l'UPGE, Union professionnelle du Génie écologique.
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« La sensibilité écologique et au respect environnemental ouvre des marchés », assure Patrice Valantin, président de l'UPGE, Union professionnelle du Génie écologique.
Quelle définition donnez-vous au génie écologique ? Nous avons deux définitions, préserver la biodiversité par des actions ciblées sur les écosystèmes, ou favoriser la résilience des écosystèmes, mais on se préoccupe essentiellement de préserver la biodiversité, sans forcément, comme les métiers du paysage, chercher un résultat au niveau esthétique.
À l'image de l'ensemble des marchés du paysage, le génie écologique poursuit-il son développement en France ? Le marché se porte bien, même s'il ne va pas aussi bien que certains de nos adhérents le souhaiteraient et ne se développe pas assez vite pour contrer la crise de la biodiversité. Notre association ne peut pas disposer de chiffres très précis, mais je sens que, globalement, le chiffre d'affaires est plutôt à la hausse. La sensibilité écologique et au meilleur respect de l'environnement nous ouvre plus de marchés, et les effets de la loi biodiversité se font sentir. La prise de conscience de la nécessité de mieux protéger les écosystèmes existe de plus en plus.
Quels sont les types de chantiers qui ont le vent en poupe ? Il y a tout ce qui porte sur la compensation, dont l'encadrement s'est renforcé. Depuis le début des années 2010, les travaux avec le ministère portent leurs fruits. Nous agissons aussi beaucoup dans le domaine de l'urbanisme, avec un travail important sur la biodiversité. Nous constatons une demande plus forte de nature, que ce soit pour des espaces respectueux de la biodiversité, ou pour des espaces pédagogiques. La demande des particuliers est de plus en plus marquée, ils ont envie de nature, pas que de paysage !À notre niveau, toutes ces attentes et chantiers se traduisent par la réalisation de coulées vertes, d'espaces de détente, des chantiers qui parfois sont proches de ceux des paysagistes, parfois moins. La demande pour des jardins comestibles et la mise en place de systèmes de permaculture montent aussi en puissance. Certaines de nos entreprises se positionnent sur ce type de chantier, mais leur spectre d'intervention est très large.
Quels chantiers pourraient être mieux valorisés ? Les petits marchés. Tout ce qui est compensation se fait tout seul, pour ainsi dire, mais il reste beaucoup à faire pour que disparaisse l'idée que l'on doit maîtriser la nature. Il y a une prise de conscience, mais il reste du travail pour que les gens soient moins émus par la disparition d'un panda à l'autre bout du monde et se demandent plutôt ce que leur jardin, devant chez eux, accueille en termes de biodiversité et ce qu'ils font pour la préserver. Il faudrait d'ailleurs que l'on se rapproche des métiers du paysage pour améliorer l'esthétique de nos réalisations et que les particuliers soient plus friands de nos prestations.
Quelles sont les actions de l'UPGE pour assurer le développement de son marché ? Nous faisons beaucoup de communication, d'interventions dans des colloques ou journées techniques, nous publions une newsletter régulière et nous assurons de la formation auprès des collectivités, par exemple avec le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT). Sans compter la participation active à des travaux, par exemple avec le ministère pour la doctrine « Éviter, Réduire, Compenser ». Enfin, nous avons mis en place 8 groupes de travail interprofessionnels avec les collectivités, les exploitants de carrières, etc., pour aborder les problèmes techniques que nous rencontrons. En ce moment, par exemple, nous travaillons sur ce que l'on appelle la biodiversité opportuniste. Je réalise un chantier, je crée une ornière dans un terrain, un triton s'y reproduit, la logique voudrait que l'on arrête le chantier pour gérer la survie du triton. Mais souvent, on ne tient guère compte du nouvel occupant, mais on doit réfléchir pour savoir comment gérer cette vie qui apparaît dès que l'on intervient sur un milieu dans l'intérêt du chantier et de la biodiversité. Il en va de même pour les réserves foncières des aménageurs, sur lesquelles on lutte contre le développement de la biodiversité pour ne pas être contraint par la réglementation.
Quelle est la place du végétal dans vos actions, quelles sont les gammes que vous recherchez actuellement ? Nous travaillons beaucoup avec le végétal, mais pas forcément pour des plantations : notre but reste de sauvegarder ce qui est sur place et de lui permettre de se développer. Mais on utilise régulièrement trois grandes catégories de végétaux, les arbres et arbustes pour les haies bocagères et les boisements, les hélophytes pour les interventions en milieux humides et des semences pour la régénération des prairies. Soit on se fournit en pépinière, soit on récupère du matériel végétal dans les parcelles attenantes aux chantiers.
Est-ce que vous trouvez les végétaux dont vous avez besoin pour vos chantiers ? Nombre de nos adhérents affirment que oui, des producteurs ont développé des gammes adaptées à nos attentes, des gens comme Floridéo... Je pense que si on était vraiment exigeants par rapport aux nécessités du milieu, l'offre resterait inférieure à la demande. Et se pose en plus le problème de la génétique des espèces que l'on va trouver chez le producteur. Si on veut vraiment travailler sur la biodiversité, il faut rechercher une origine très proche. Du coup, souvent, nous favorisons la régénération des espèces avec les plantes que l'on trouve près du chantier.
Comment imaginez-vous les prochaines années pour votre secteur ? Je suis assez optimiste. Dans deux ou trois ans, la loi sur la biodiversité d'août 2016 va ouvrir de nouvelles perspectives, ainsi que le renforcement des réglementations sur la compensation des impacts lors de projets d'aménagements. Et la demande touristique pourrait booster le marché par la demande de nature authentique. Il faut cependant ne pas rester dans une approche purement marketing comme le font certains parcs, mais avoir une véritable approche de génie écologique respectant le fonctionnement des écosystèmes. Nous avons eu un passage difficile au cours des années 2012 à 2015, en raison de la crise, des élections et de l'essoufflement des marchés liés à la Directive cadre sur l'eau qui avait permis un fort développement du marché au début des années 2000. n 2016, on a senti que le vent tournait de manière plus favorable pour nous. C'est d'ailleurs plus vrai pour les bureaux d'études que pour les travaux, les entreprises qui réalisent les chantiers ont en face d'elles une concurrence rude, du monde de l'insertion par exemple, pour ne citer que celui-là. Mais aujourd'hui, les attentes sociales jouent en faveur de nos métiers.
Propos recueillis par Pascal Fayolle
Légende photo : "Il reste du travail pour que les gens soient moins émus par la disparition d'un panda et se demandent plutôt ce que leur jardin accueille en termes de biodiversité", regrette Patrice Valentin, président de l'Union professionnelle du Génie écologique. (c)Pascal Fayolle
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