Quel est votre diagnostic ?
C'est le Sphaeropsis du pin
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Sur certains sujets, le dessèchement s'est étendu et concerne des branches entières. Les parties basses des houppiers ainsi que les zones en contact avec les pinsvoisins sont les plus touchées.
La soudaineté de ces dépérissements d'arbres âgés - qui se portaient relativement bien jusqu'à présent - ainsi que la concomitance du phénomène sur un nombre aussi important de sujets et sa localisation au sein d'une zone géographique bien délimitée interpellent. Les arbres dépérissants ou morts se trouvent dans la zone touchée l'an dernier par un violent orage de grêle. Parmi toutes les essences touchées, seuls les pins ont développé des symptômes maladifs. La piste d'une maladie parasitaire qui leur est spécifique et dont le développement a été possible par les multiplesplaies générées par l'impact des grêlons est envisagée ici.
Les analyses en laboratoire réalisées à partir des échantillons de rameaux récoltés ont permis d'identifier la présence d'un mycète parasite, Diplodia sapinea (FR.) Fuckel. Le champignon est certainement mieux connu sous l'appellation de Sphaeropsis sapinea ou encore de Diplodia pinea. Même si à ce jour aucune forme sexuée n'a été trouvée, il a été classé parmi les ascomycètes par identification génétique. La maladie est parfois appelée « le dépérissementdes pousses du pin » mais l'appellation de « Sphaeropsis du pin » s'impose aujourd'hui.
ORIGINES DU CHAMPIGNON ET RÉPARTITION
Le champignon est très largement répandu sur tous les continents. Il est décrit dans une cinquantaine de pays et bien connu en Afrique du Sud, en Australie et en Nouvelle-Zélande où il occasionne des pertes économiques importantes sur des boisements en production. En Europe, il est présent depuis la fin du XIXe siècle mais il ne provoque des dégâts conséquents que depuis les années 1980. Comme il est capable de se conserver en endophyte (*) dans les graines du pin, il a probablement pu se répandre lors d'échanges entre les pays.
ÉLÉMENTS DE BIOLOGIE
Les cônes desséchés qui persistent sur les arbres (cônes de 2 ans) ou tombés au sol constituent la principale source d'inoculum de Sphaeropsis. Le champignon s'y conserve sous la forme de pycnides (petites boules noires de 0,2 mm facilement observables à la loupe). Ces fructifications libèrent par temps humide et chaud - surtout entre avril et juin - de grandes quantités de conidies qui se dispersent sur une courte distance. Étant incapable de pénétrer à travers l'écorce des branches, le Sphaeropsis ne peut infecter son hôte qu'à la faveur de plaies corticales. Ainsi, comme l'évoque notre situation de diagnostic, c'est à la suite d'un importantorage de grêle ayant entraîné de très nombreuses blessures, que ce mycète largement présent sur les cônes, est parvenu à s'installer dans les pins. En présence d'un important taux d'inoculum sur les arbres, les jeunes pousses en cours d'élongation au printemps suivant ont pu être infectées. Le champignon pénètre par les tissus non lignifiés et par les jeunes aiguilles. Il semble incapable de traverser la cuticule foliaire mais il s'installe par les stomates ; il ne peut pas coloniser les aiguilles de la saison précédente. Le Sphaeropsis se répand rapidement à l'ensemble de la jeune pousse dont il provoque le dessèchement complet. Sur des pins en bon état physiologique, ilne se propage pasaux rameaux plusanciens. Les défen-ses naturelles desarbres (sécrétion d'oléorésine) bloquent son développement à la base de la pousse. Rapidement, des pousses latérales apparaissent ; les dommages restent alors limités. Sur des sujets affaiblis - notamment à la suite d'une sécheresse - les mécanismes de défense sont moins performants et le champignon progresse dans les rameaux anciens et les branches. Il fructifie alors sur les écorces desséchées. En cas de blessures multiples, à la suite d'un orage de grêle par exemple, les infections sont extrêmement nombreuses et même les arbres vigoureux ne parviennent pas à s'y opposer efficacement. Le dessèchement est alors généralisé et leur mort est possible. Le champignon se développe également dans le bois entraînant son bleuissement. Sphaeropsis sapinea peut s'installer dans un pin à partir de plaies mais rester inactif, à l'état endophyte, pendant plusieurs années. Ce ne sera qu'à la fa-veur d'un stress subi par l'arbre qu'il entrera en activité et provoquera des mor-talités de bran-ches. Si son hô-te retrouve des conditions sta-tionnelles favorables, son déve-loppement dans les tissus corticaux s'arrête. Ce champignon est considéré comme un pathogène de faiblesse.
HÔTES POSSIBLES
Les espèces de pins les plus sensibles au Sphaeropsis sont les pins noirs (Pinus nigra) et toutes leurs sous-espèces et variétés ainsi que les pins sylvestres (Pinus sylvestris) et de montagne (Pinus mugo). Dans la littérature, il est cité sur d'autres espèces : le pin de Monterey (Pinus radiata), le pin maritime (Pinus pinaster), le pin pignon (Pinus pinea) ou le pin d'Alep (Pinus halepensis) mais il est rarement observé sur le terrain. La maladie est également décrite sur d'au-tres pinacées : Abies, Cedrus, Larix, Picea...
CONSÉQUENCES POURLES ARBRES
Sur des jeunes arbres vigoureux ou sur des pins adultes en bon état physiologique, Sphaeropsis sapinea ne provoque que peu de dégâts. Les dessèchements épars de jeunes pousses sont rapidement compensés par le développement de pousses latérales. Sur des sujets stressés, les dommages s'intensifient et des dessèchements de branches entières sont possibles sans pour autantprovoquer systématiquement la mort des arbres. À la suite d'un orage de grêle survenant en période de végétation, les dommages sont plus importants et un dépérissement généralisé et rapide est possible. Des parcelles de pinsgrêlées sont ainsi souvent exploitées en urgence. L'association « sécheresse et orage de grêle » constitue certainement le pire des scénarii.
CONFUSIONSPOSSIBLES
Le dessèchement brutal de jeunes pousses sur les pins, au cours de leur élongation au printemps, peut être occasionné par la chenille d'un insecte, la tordeuse des pousses terminalesdu pin (Rhyacionia buoliana). C'est une mineuse qui évide la jeune pousse dans laquelle elle vit. Lors de sa crois-sance printanière, celle-ci se dessèche ou se déforme ; elle prend alors une forme coudée caractéristique (courbure en « baïonnette »). À sa base, un amas de résine blanche desséchée s'observe. La présence d'une galerie médullaire à l'intérieur - éventuellement occupée par une chenille brune - permet de poserson diagnostic. n
Par Pierre Aversenq, expert arboricole
(*) À l'intérieur de la plante.
Les symptômes observésDes silhouettes entièrement desséchéesUne plantation de pins laricio (Pinus nigra subsp. laricio) et sylvestres (Pinus sylvestris) accompagne la Rigole de la Plaine, une voie d'eau destinée à l'alimentation du Canal du Midi. Les ouvrages remontent au XVIIe et c'est à la fin du XIXe siècle qu'ont été plantés les arbres de façon très dense. Actuellement, ils présentent des houppiers élancés et nombre d'entre eux ont dépéri brutalement depuis l'été dernier.
Des aiguilles sèches un temps accrochées sur les rameaux porteursSur de nombreux pins, ces dessèchements d'aiguilles et de branches entières apparaissent nettement sectorisés. Ainsi, les symptômes s'expriment essentiellement sur une face des houppiers, à l'Ouest, et n'existent pas sur la face opposée. Tous les arbres sont affectés sur la même exposition.
Plusieurs pins aux houppiers entièrement secs morts sur piedSur plusieurs sujets, aucune pousse ni rameau vert ne s'observent ; ils sont morts depuis plusieurs mois maintenant. Ce phénomène ne concerne que les pins et épargne les autres résineux ainsi que les arbres feuillus. Les deux espèces de pins présentes (P. nigra subsp laricio et P. sylvestris) sont touchées avec la même intensité.
De nombreuses plaies surles rameaux des pins et des autres essences existant sur le siteUne observation des rameaux secs sur les pins mais aussi sur d'autres essences ligneuses révèle la présence de nombreuses plaies corticales en cours de cicatrisation. Elles ont pour origine l'impact de grêlons qui se sont abattus au cours de l'été dernier lors d'un puissant orage provenant de l'Ouest.
De nombreuses jeunes pousses desséchées sur les pinsSur les arbres peu affectés - souvent récemment plantés - des pousses sèches, nanifiées, sont apparues au printemps. Le dessèchement franchit rarement la zone d'arrêt de croissance hivernal. Écoulements et concrétions de résine s'épanchent. Fréquemment, à la base de ces pousses, des pousses latérales ont réussi à se développer.
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