Le phellin à bourrelet,un champignon pas si virulent
Bien que d'aspect parfois imposant, Fuscoporia torulosa présente une activité lignivore limitée et est peu fréquent sur arbres d'alignement en milieu urbain.
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1 PORTRAIT DU CHAMPIGNON. Le phellin à bourrelet se développe sur de nombreux feuillus : robiniers (Robinia spp.), châtaigniers (Castanea spp.) charmes (Carpinus spp.), platanes (Platanus spp.), chênes (Quercus spp.), eucalyptus (Eucalyptus spp.)... Il colonise plus rarement certains conifères : pins (Pinus spp.), cyprès (Cupressus spp.), cèdres (Cedrus spp.) et genévriers (Juniperus spp)... Plus de 160 espèces peuvent l'héberger.
Répartition géographique : ce champignon thermophile (1) est présent dans les régions tempérées et subtropicales du globe. Il se remarque fréquemment dans le sud de la France, en Espagne et en Afrique du Nord. En Europe, il s'observe des îles britanniques jusqu'en Russie mais reste absent de la Scandinavie. Il est identifié dans l'est de l'Asie et en Amérique du Nord.
Description de la fructification : le chapeau pluriannuel de Fuscoporia torulosa est dimidié et mesure 10 à 30 cm de long (jusqu'à 50 cm) pour 7 à 15 cm de projection. De forme arrondie ou ongulée lorsqu'il est jeune, le sporophore s'aplanit nettement avec l'âge. Il peut devenir déprimé en son centre. Il est fin à sa périphérie et épais à sa base (10 à 15 cm). Ainsi, la surface porée forme avec la face supérieure horizontale un angle à 45°.
La surface piléique initialement brun rouille noircit rapidement en raison du développement d'algues à sa surface. Elle est gravée de sillons concentriques et porte souvent des tubercules arrondis. Fréquemment, des feuilles sèches ou du lierre sont « piégées » dans le chapeau.
La marge en forme de bourrelet est caractéristique de l'espèce. Proéminente et arrondie, elle a une consistance douce feutrée et une teinte cannelle rouille. Elle peut recouvrir partiellement ou totalement la face supérieure de la fructification. Parfois, elle est peu marquée et aiguë.
La surface porée de couleur brun rouille s'éclaircit en séchant et les pores sont ronds et petits (0,1 à 0,2 mm, soit 5-7 par millimètre). Elle libère une sporée peu abondante de teinte blanche.
Les tubes très fins, de 3 à 6 mm de long, apparaissent en couches successives (tubes nettement stratifiés). Ils sont décurrents (2) à longuement décurrents sur le support.
La trame dure, cassante et mince a la consistance du liège. Sa couleur brun cannelle est identique à celle des tubes.
Confusions possibles : les sporophores du phellin à bourrelet sont parfois confondus avec ceux d'autres espèces de champignons lignivores se développant dans les mâts racinaires et le collet des arbres. Sur les vieux exemplaires, la surface piléique est sombre et souvent couverte d'algues comme celle de l'haplopore du frêne (Perenniporia fraxinea) ou de différentes espèces de ganodermes (Ganoderma spp.). Mais la couleur rouille cannelle de la surface porée permet rapidement d'écarter les autres espèces dont l'hyménium est respectivement blanc cassé à rosé et blanc pur. Enfin, à la section, la couleur cannelle de la chair et des tubes confirme la présence de Fuscoporiatorulosa.
Période de fructification : les chapeaux vivaces restent visibles toute l'année. La sporulation apparaît en été.
2 CONSÉQUENCES POUR LES AR- BRES. Le phellin à bourrelet semble s'installer préférentiellement sur des arbres de boisement ; il est commun sur les souches et au pied de vieux sujets au sein de « délaissés » forestiers. Par contre, il apparaît peu fréquemment sur des arbres d'alignement en milieu urbain. Il prend place vraisemblablement à partir des racines ou du collet de sujets vivants ou morts. Même s'il se développe parfois en hauteur sur des fûts, il semble principalement inféodé à la partie hypogée des arbres.
Dégradation du bois : le champignon génère une pourriture blanche fibreuse du bois. Il est décrit par certains auteurs comme étant responsable d'une pourriture de type « tubulaire ». Dans ce cas, ses attaques sont localisées à certaines zones du bois formant de petites cavitéstapissées de mycélium.
Activité lignivore : souvent, les arbres colonisés par Fuscoporia torulosa présentent une dégradation du bois très peu étendue. Et malgré la présence depuis plusieurs années de volumineuses consoles fructifères à leur pied, seules quelques zones sont détériorées. C'est notamment le cas sur les chênes et les robiniers. Sur des arbres vivants, l'activité lignivore de ce mycète semble très limitée.
3 DIAGNOSTIC ET PRÉCONISATIONS. La présence du phellin à bourrelet est facilement détectable car ses fructifications vivaces demeurent visibles toute l'année. Cependant, elles peuvent être discrètes et partiellement enfouies sous la litière de feuilles mortes au pied des arbres. En milieu ouvert et notamment aupied de sujets urbains, les consoles fructifères se développent difficilement et restent parfois à l'état de nodules arrondis à croissance irrégulière. L'hyménium de couleur cannelle permet rapidement d'identifier Fuscoporia torulosa.
Décision : dans nos régions, les ruptures d'arbres dans lesquelles le phellin à bourrelet est impliqué sont rares. Cependant, même s'il est peu fréquent de mettre en évidence une pourriture interne étendue lorsqu'une de ses fructifications existe au pied d'un sujet, quelques vérifications s'imposent. La frappe de la base du tronc à l'aide d'un maillet renseigne rapidement le praticien sur la présence d'une altération ou d'une cavité interne. Si la sonorité obtenue est sourde ou si un doute persiste, des investigations plus précises effectuées à l'aide d'un pénétromètre permettront de mesurer précisément l'étenduede cette défectuosité. Pour ces investigations réalisées du pied des vieux arbres, l'utilisation d'outils à ondes sonores s'avère peu pertinente. n
Pierre Aversenq
(1) Dont le développement est optimalà des températures élevées.(2) Lorsque l'hyménium descendet se prolonge sur le support.
Consoles peu développées dont l'hyménium (couche fertile du mycélium du champignon) est décurrent sur le tronc du robinier.
Fructifications « nanifiées » de Fuscoporia torulosa formant des nodules irréguliers au pied d'un platane en milieu urbain. PHOTOS : PIERRE AVERSENQ
Larges consoles du phellin à bourrelet au pied d'un févier d'Amérique (Gleditsia triacanthos) sans altération significative du bois profond.
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