Login

Astredhor : les alternatives font leurs preuves

Les méthodes alternatives n'ont souvent qu'une efficacité partielle. Elles doivent compléter ou être associées à une lutte raisonnée. Elles exigent toutes une parfaite connaissance de « l'écosystème production » et notamment une observation régulière de la culture. PHOTO : VALÉRIE VIDRIL

L'institut technique horticole étudie de nouvelles pratiques qui permettent de limiter le recours aux intrants de synthèse. Les stations d'expérimentation transfèrent leurs principaux résultats afin que le terrain s'en empare.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

Entre l'interdiction des néonicotinoïdes, le glyphosate sur la sellette, les perturbateurs endocriniens à l'étude..., le secteur des produits phytopharmaceutiques connaît des bouleversements et la production doit adapter ses pratiques pour compenser la perte de solutions de lutte contre les bioagresseurs ou de régulation de croissance. Astredhor teste de nombreuses méthodes alternatives et a placé l'année 2018 sous cette thématique. Les portes ouvertes des stations et la matinée technique organisée lors du Salon du végétal sont autant d'occasions de communiquer à la filière, les principaux résultats obtenus et les essais en cours. Les pistes travaillées ont toutes pour point commun d'agir en complémentarité les unes des autres (lutte biologique, itinéraire cultural, stimulateurs, résistance variétale, agro-écologie...). Elles nécessitent également une parfaite connaissance de « l'écosystème production » : la culture bien sûr, mais aussi ses interactions avec le substrat, les bioagresseurs, les auxiliaires... Voici un aperçu des thématiques développées au salon à Nantes (44), mais aussi à Villenave-d'Ornon (33) et à Saint-Germain-en-Laye (78), à l'occasion des portes ouvertes d'Astredhor Sud-Ouest-GIE Fleurs et plantes et d'Astredhor Seine-Manche-Arexhor Seine-Manche.

1LIMITER LES RÉGULATEURS DE CROISSANCE. Le producteur dispose de différents leviers pour réguler la croissance de ses plantes, parmi lesquels la lumière (filtre lumineux ou éclairage Led pour augmenter le rapport rouge/rouge lointain) et les restrictions (engrais, eau). La prudence est de mise avec la diminution des apports fertilisants, qui peut vite se transformer en carence. Concernant l'irrigation, il est important de bien connaître les besoins en eau de la culture, mais également d'adapter le substrat à une gestion restrictive, notamment en favorisant sa rétention en eau et sa mouillabilité (voir le Lien horticole n° 1071 « Projet Ecol'eau Terreau : des substrats toujours plus performants » pp. 12-13).

Deux autres leviers sont étudiés par Astredhor : une stimulation mécanique appelée thigmomorphogenèse et la gestion du climat. La première méthode, qui consiste à caresser les plantes grâce à un matériau (bâche plastique, EPDM, capillaires, tube PVC...) accroché par exemple à un chariot d'irrigation, a été décrite à plusieurs occasions dans ce journal. Elle nécessite d'adapter le choix du matériau (grammage, texture...), sa hauteur, la fréquence des passages, etc. à la culture et à son stade de développement. Le mécanisme peut être manuel ou automatisé, si la structure le permet ; certains fabricants proposent même des chariots adaptés, ce qui évite d'avoir à bricoler son propre système. Le guide « Méthodes alternatives en protection des plantes » (voir encadré) propose un tableau des matériaux testés sur différentes espèces et les intensités (nombre total de passages par jour) préconisées. Cette technique permet de gagner 2 à 3 passages de régulateurs chimiques sans modifier, ou très peu, le calendrier de culture. L'association de la stimulation mécanique avec une bande colorée engluée offre des résultats intéressants sur le piégeage de masse. Diminuer la température améliore également la compacité des plantes, tout en permettant des économies d'énergie, mais cela peut cependant induire un retard de floraison sur quelques variétés.

2DIMINUER LE RECOURS AUX FONGICIDES. Depuis une vingtaine d'années apparaissent sur le marché des produits agissant sur la physiologie de la plante sans pour autant jouer le rôle d'éléments nutritifs. Les « biostimulants » permettent à la plante de mieux absorber ces derniers ou de mieux résister aux stress abiotiques (hydriques, thermiques, nutritifs...) et entrent dans le cadre des matières fertilisantes. Les stimulateurs de défense des plantes (SDP), quant à eux, agissent au niveau biotique, leur action est de protéger la culture des bioagresseurs (*). Ils doivent donc être homologués au niveau européen et les produits phytosanitaires commercialisés doivent avoir une autorisation de mise en marché (AMM). Ils peuvent soit mimer l'effet d'un agent pathogène et provoquer le développement de mécanismes de défense chez la plante, occasionnant de sa part une dépense d'énergie, ce qui entraîne un ralentissement de son développement (éliciteurs) ; soit mettre le végétal dans un « état d'alerte » et apte à se défendre rapidement en cas d'attaque (potentialisateurs). Dotés d'une efficacité souvent partielle, les SDP agissent en complémentarité d'autres solutions.

Astredhor travaille depuis 2003 sur différents stimulateurs, de nature variable (de synthèse, micro-organismes, oligosaccharides, extraits d'algues...). Lorsqu'un substrat est enrichi en organismes bénéfiques (champignons Rhizophagus, Glomus, Gliocladium, Trichoderma ; bactéries Bacillus, Streptomyces, Pseudomonas...), on parle de biotisation. Des effets ont été mis en évidence sur le développement racinaire et végétatif, la diminution de la fertilisation, et la protection contre certains phytopathogènes (Phytophthora spp. sur choisya ou lavande, Fusarium oxysporum sur cyclamen ou dipladénia...). La biotisation agit de manière préventive, d'où la nécessité de répéter les traitements, car les effets bénéfiques disparaissent lorsque la pression parasitaire devient trop forte. L'agent de biocontrôle est fonction d'un pathogène et d'une culture : il n'y a pas de généralisation possible. D'où l'intérêt de travailler sur des consortia bénéfiques contrant des consortia pathogènes (projet Casdar). Dans tous les cas, le substrat, la fertilisation et les traitements phytosanitaires doivent être adaptés pour favoriser l'installation des micro-organismes bénéfiques. L'itinéraire cultural (irrigation, température...) influe également sur l'évolution des populations.

En septembre 2018, neuf substances SDP étaient homologuées : la laminarine ; les phosphonates de sodium ; les phosphonates de potassium ; la cerevisane ; le COS-OGA ; l'extrait de fenugrec ; Bacillus amyloliquefaciens souche MBI600 ; Bacillus subtilis souche QST 713 ; l'acibenzolar-S-méthyl (ASM). Pour l'instant, seules les deux dernières sont utilisables en cultures ornementales, avec un succès avéré sur le terrain de l'ASM sur la rouille blanche du chrysanthème (homologation en 2012 de l'Inssimo®) : quatre traitements préventifs à quinze jours d'intervalle mobilisent les mécanismes de défense contre Puccinia horiana. L'application sur les pieds-mères permet de retarder les premiers traitements en culture, puisque les boutures sont déjà induites.

3OPTIMISER LA PBI GRÂCE AU NOURRISSAGE ET AUX PLANTES DE SERVICE. Le nourrissage est toujours économiquement intéressant à mettre en oeuvre. Il améliore l'installation et le maintien de certains auxiliaires comme les acariens prédateurs (qui se nourrissent de proies mais aussi de pollen) et permet de diminuer le nombre de lâchers. Son impact économique augmente en cas de forte pression de ravageurs. Encore faut-il que cette pression ne dépasse pas les capacités de régulation par la faune auxiliaire. Les compléments alimentaires peuvent être exogènes (Nutrimite®) ou apportés par des plantes dites de service (PDS). Ainsi, le ricin et Sorbaria sorbifolia sont des plantes anémophiles (dont le pollen est dispersé par le vent) qui se sont avérées d'intérêt pour les insectes utiles, tout en n'attirant pas de ravageurs généralistes. La potentille arbustive apparaît de plus en plus sur les aires extérieures des pépinières, servant de plante-fleurie. Les auxiliaires concernés par les PDS à vocation alimentaire peuvent être indigènes (chrysopes, syrphes, thrips prédateur, Orius, Encarsia, Eretmocerus, Euseius, Neoseiulus...) ou non (Amblyseius swirskii, Amblydromalus limonicus...). Ces PDS attirent ainsi et favorisent la faune utile sur la culture. D'autres offrent des services différents : empêcher l'installation d'adventices (plantes allélopathiques), assainir le sol (moutarde, Tagetes...) ou en établir le diagnostic (plantes indicatrices), piéger les ravageurs, les repousser (ail, Tulbaghia)... Elles sont à distinguer des infrastructures agroécologiques qui améliorent la biodiversité aux environs de la parcelle, sans toutefois assurer la présence des auxiliaires dans la culture même, rôle assuré par les PDS. Non commercialisées, elles diffèrent également des cultures associées. Certaines associations culture/ravageur/plante-piège ont fait leurs preuves : aubergine en culture de poinsettia pour piéger l'aleurode des serres ; Bergenia cordifolia avant l'émergence des otiorhynques adultes (mai-juin), pour limiter la ponte dans une culture de pépinière d'extérieur. Une plante-piège est d'autant plus facile à mettre en place que le cycle du ravageur est long. Elle exige aussi de supprimer l'insecte piégé avant qu'il ne se multiplie (suppression des feuilles infestées, lâcher d'auxiliaires prédateurs, destruction de la plante-piège...). La technique du « push-pull » consiste à repousser le nuisible hors de la culture grâce à des PDS répulsives vers des plantes-pièges positionnées tout autour. L'utilisation des plantes-réservoirs destinées à favoriser la reproduction des auxiliaires est complexe à utiliser en milieu ouvert : certaines espèces n'attirant que des auxiliaires spécifiques qui n'iront pas sur la culture, d'autres PDS s'avèrant plus attractives que la culture...

4AFFINER LA SURVEILLANCE... ET LES CONNAISSANCES. Les solutions de lutte à venir incorporeront inévitablement les nouvelles technologies, comme les outils d'aide à la décision (OAD), déjà bien répandus dans les autres filières (grandes cultures, maraîchage...). En horticulture, le système d'information S@M va permettre le développement d'outils de suivi épidémiologique, de suivi sanitaire, de reconnaissance des maladies et ravageurs... D'abord utilisés par les scientifiques, désormais par les conseillers, ils devraient être disponibles auprès des producteurs courant 2019. Les essais menés sur rose et gerbéra fleurs coupées, cyclamen et géranium, ont tous permis des réductions de l'indice de fréquence de traitement (IFT).

Les méthodes alternatives permettent de diminuer l'usage des produits phytosanitaires conventionnels. Mais elles demeurent intimement liées au contexte de la culture. C'est pourquoi chaque situation est différente sur le terrain. Afin d'assimiler au mieux cette complexité, les producteurs ont tout intérêt à être acteurs des expérimentations sur ces sujets. Participer aux groupes de travail mis en place au sein des stations, aux réseaux de fermes Dephy/Expé ou à des projets comme le Groupe 30 000 permet au professionnel d'être accompagné et d'échanger avec ses collègues. Car si la transition agroécologique est motivante et passionnante, elle exige du producteur une modification profonde de ses pratiques impliquant une réelle prise de risque.

Valérie Vidril

(*) En page 19 la présentation de l'ouvrage « Les stimulateurs de défense des plantes » publié par l'Acta-Les instituts techniques agricoles.

Certaines plantes de service ont d'ores et déjà montré un véritable intérêt, permettant de diminuer le coût de la protection biologique intégrée. Ici, Sorbaria sorbifolia est utilisée comme plante anémophile.

PHOTO : VALÉRIE VIDRIL

Les stations Astredhor testent la biotisation des substrats comme moyen de diminuer la pression des maladies telluriques. L'efficacité reste toutefois variable, certainement dépendante des conditions de culture appliquées.

PHOTO :VALÉRIE VIDRIL

La thigmomorphogenèse a fait ses preuves sur le terrain. Le chariot aérien devient un outil polyvalent permettant l'irrigation, la fertilisation, les traitements phytosanitaires, la stimulation mécanique, le piégeage des ravageurs...

PHOTO : VALERIE VIDRIL

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement