Login

Le polypore hérissé,un champignon commun

Surface légèrement bosselée brun-rouge à orangée du polypore hérissé. PHOTO PIERRE AVERSENQ

Largement répandu, Inonotus hispidus est actif sur vieux sujets, moins sur les arbres en bon état physiologique. Sa progression doit être surveillée sur frêne, sophora, noyer et marronnier.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

1 PORTRAIT DU CHAMPIGNON. Le polypore hérissé colonise les arbres feuillus et plus particulièrement les platanes (Platanus x acerifolia et Platanus orientalis), frênes, sophoras du Japon, noyers, pommiers, sorbiers, marronniers d'Inde, ormes, chênes et mûriers.

Répartition géographique : ce champignon thermophile largement répandu s'observe dans les zones chaudes et tempérées de l'hémisphère nord. Il est absent des régions scandinaves.

Description de la fructification : le sporophore annuel forme une console en éventail - de 10 à 30 cm de large, de 6 à 12 cm de projection et de 4 à 10 cm d'épaisseur - largement fixée au substrat. Il apparaît le plus souvent seul et rarement en groupes plus ou moins imbriqués. Les chapeaux sont nettement dimidiés et dépourvus de pied. La surface piléique est légèrement bosselée et lisse lorsque la fructification est jeune. Elle se revêt ensuite d'une toison hirsute, feutrée, de teinte rouge, brun-rouge à orangée. La marge noduleuse au début devient obtuse. La face inférieure est garnie de pores arrondis à anguleux (2-3 par mm) de teinte crème à jaune, voire ocracée. En période de fructification active, des gouttelettes ambrées s'échappent de gros orifices de guttation (2 à 4 mm) situés sur la face inférieure du chapeau. La sporée est jaune brunâtre. Les tubes sont longs (2 à 4 cm) et la trame est épaisse (8 cm), spongieuse et gorgée d'eau. De couleur jaune à ocracée, elle brunit rapidement à la coupe. Elle était autrefois utilisée pour la confection de pigments servant pour la teinture de la soie et la peinture. Progressivement, la fructification roussit puis elle noircit entièrement ; la chair devient dure et cassante. La console reste généralement fixée sur son support pendant de longs mois avant de se décrocher au gré des intempéries. L'année suivante, une nouvelle peut apparaître alors que celle de l'année précédente est toujours en place.

Confusions possibles : sous sa forme active vivement colorée, le polypore hérissé présente des chapeaux qui ne peuvent pas être confondus avec ceux d'autres espèces. Si les sporophores de Fomitopsis pinicola sur les conifères ou ceux du polypore larmoyant sur le chêne (Lien horticole n° 968 page 10) émettent également des gouttelettes, leur hôte ainsi que l'aspect des consoles permettent rapidement de lever le doute. Quant aux fructifications desséchées de Inonotus dryadeus qui ressemblent aux consoles noircies du polypore hérissé, elles sont localisées uniquement au collet des arbres et exclusivement sur les Quercus.

Période de fructification : les chapeaux apparaissent aux périodes chaudes de l'été. Après quelques semaines seulement, la fructification se dessèche.

2 CONSÉQUENCES POUR LES ARBRES. Ce champignon saprophyte s'installe dans le bois de coeur à la faveur d'une blessure de grande dimension sur la partie épigée des arbres (tronc et charpentières). Il infecte fréquemment les platanes urbains qui ont subi d'importantes tailles de rapprochement. Il semble doté d'un certain pouvoir parasite lui permettant de contrarier le recouvrement de la plaie par le cal cicatriciel ; il s'ensuit la formation d'une zone chancreuse de teinte sombre, noirâtre. Même si ce chancre pérennant reste le plus souvent peu large, il progresse dans sa partie basse où des cals régressifs s'observent.

Dégradation du bois : le polypore hérissé provoque une pourriture blanche fibreuse de type « sélective ». De façon ponctuelle, il peut occasionner une pourriture de type « alvéolaire » qui l'autorise à franchir des compartiments mis en place par l'arbre.

Activité lignivore : très actif sur les vieux sujets, il progresse dans le bois de façon modérée sur des arbres en bon état physiologique. Sur le platane, la compartimentation de l'altération est souvent très performante ; elle l'est en revanche beaucoup moins sur les autres essences (notamment sur les pommiers, frênes, noyers ou marronniers).

3 DIAGNOSTIC ET PRÉCONISATIONS : au cours de l'été, les chapeaux vivement colorés du polypore hérissé se repèrent facilement. Par la suite, ils se dessèchent et noircissent mais restent accrochés à leur hôte de longs mois. Les observations en période hivernale, après la chute des feuilles, permettent donc de les détecter facilement dans les houppiers. Souvent, les anciens sporophores noircis persistent même au sol. En règle générale, le champignon provoque, à l'emplacement de la blessure d'origine, la formation d'un chancre plus ou moins étendu au niveau duquel les fructifications apparaissent. Bordé d'un cal cicatriciel aux contours irréguliers - avec dans sa partie centrale, une plaque d'aubier noirci partiellement dégradée -, il est nettement visible sur les platanes. Ainsi, même en l'absence de fructifications, la détection du polypore hérissé est possible grâce à ce symptôme.

Investigations complémentaires : afin d'évaluer l'importance du bois dégradé, des mesures des « parois résiduelles de bois sain » (PRBS) sont à réaliser à l'aide d'un pénétromètre ou d'un outil à ondes. Il est d'usage d'effectuer deux niveaux de mesures : au centre du chancre - là où l'ouverture est la plus étendue - et dans la partie haute de la zone chancreuse correspondant à la partie qui est la plus anciennement attaquée.

Décision : les ruptures d'axes infectés par le polypore hérissé surviennent assez rarement sur les platanes. Par contre, le champignon est davantage redouté sur les frênes, sophoras, noyers et marronniers. La décision d'intervention sera fonction de l'étendue de la pourriture interne (réalisation d'une cartographie de la zone infectée) mais également de l'ouverture de la zone chancreuse. Enfin, l'état de vitalité du cal cicatriciel en périphérie du chancre permettra d'envisager l'évolution de l'altération. Un chancre bordé d'un cal fortement régressif évoquera une mauvaise compartimentation et laissera envisager une extension de l'altération interne au cours des années à venir.

Pierre Aversenq

Sur le platane, la compartimentation de l'altération est souvent performante.

PHOTO PIERRE AVERSENQ

Gouttelettes ambrées s'échappant de la face inférieure en période de fructification active.

PHOTO PIERRE AVERSENQ

Consoles noircies s'accrochant au support.

PHOTO PIERRE AVERSENQ

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement