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Val'Hor. Les tendances sont obsolètes, bienvenue aux imaginaires !

Trois catégories d' « imaginaires » se retrouvent dans un jardin partagé : le « communautaire », le « tous ensemble » et « la rencontre ».PHOTO ISABELLE CORDIER

Lors de l'Assemblée générale du 3 octobre, Patrice Duchemin a présenté sa vision de l'avenir, celle du « sociologue de la consommation ».

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La « consommation futile ». C'est ainsi que Patrice Duchemin, sociologue de la consommation, qualifie sa spécialité. Invité par l'interprofession Val'Hor lors de son assemblée générale, il est intervenu sur le thème des « Initiatives émergentes, micro-faits et imaginaires au service de la consommation de demain ».

Observateur des comportements de consommation, Patrice Duchemin se nourrit de la presse dite féminine, dans laquelle il identifie les signaux faibles. Son constat est clair, nous sommes dans un monde « émotionnalisé » où la fonction d'un bien ou d'un service a peu d'importance par rapport à la façon de l'acquérir. C'est tout l'enjeu du commerce, qui, par exemple, se doit d'avoir un concept pour vendre les mêmes produits qu'autrefois. Il questionne ainsi le quotidien afin de faire apparaître le futur : un moyen d'innover pour les entreprises au lieu de reproduire ce qui se fait déjà.

C'est pourquoi, Patrice Duchemin s'agace des « tendances », si souvent invoquées pour décider d'une stratégie d'entreprise. En effet, d'après lui, prédites très tôt par des cabinets de styles, une sur dix seulement deviendrait réelle. A contrario, une fois installées, les concurrents occupent déjà le terrain. Les tendances s'imposent aux consommateurs tandis que ces derniers reprennent le pouvoir et inventent ce que Patrice Duchemin appelle de nouveaux « imaginaires ».

Parce que la donne a changé. Jusqu'à la fin des années 1990, le monde publicitaire construisait une image forte pour les marques, destinée à une cible de consommateurs avec une promesse unique.

La motivation d'achat des consommateurs fait désormais agir les marques

Est venu le temps de la segmentation : plusieurs cibles avec des discours différents, mais regroupées selon des critères de revenus, de classes sociales, de groupes d'âge. Or, aujourd'hui, c'est « la consommation elle-même qui est à l'origine des nouvelles façons de consommer et porte le futur de nos sociétés », affirme Patrice Duchemin. Ce qui fait agir les annonceurs n'est plus une image publicitaire imposée mais les motivations d'achat des consommateurs, ce qui fait manger bio ou se laisser pousser la barbe.

Alors qu'autrefois il fallait reproduire les comportements de sa classe sociale ou d'âge, aujourd'hui, les gens se valorisent par leurs changements de vie et d'appartenance. Les réseaux sociaux jouent un rôle primordial dans ce processus, avec la possibilité de se comparer les uns aux autres. C'est, par exemple, le fantasme du changement de vie en changeant de métier, il faut se réinventer, avoir deux ou trois vies, sinon on l'a ratée ! Avec pour corollaire, le « développement des coaches, bientôt plus nombreux que les coachés ! » s'amuse le sociologue.

Cinq imaginaires dessinent de nouveaux modèles de société

Patrice Duchemin identifie cinq imaginaires qui façonnent la consommation aujourd'hui :

- Le « Pionnier » casse les codes soit de modèle économique, à l'instar d'Uber, soit en inventant de nouveaux services ou produits grâce à des partenariats improbables et, surtout, inattendus.

- Le « Tous ensemble » signifie se réunir pour agir, s'organiser pour faire changer les choses. Par exemple les bricothèques, les lieux de coworking, les « cafés suspendus » offerts pour les personnes sans-domicile, sont une attente de responsabilité sociétale importante.

- Le « Ré-enchantement » met de la distance et de la poésie dans la consommation. Les « roof top » sont typiques de cet imaginaire ainsi que les terrariums qui, remplaçant la mini-serre d'autrefois dans la cuisine, recréent du lien avec la nature et les enfants.

- La « Rencontre », fantasmatique, va quant à elle changer nos vies ! Ce sont les émissions de TV basées sur l'idée que seul, on ne s'en sortira pas et qu'il faut aller vers les autres. Ce sont aussi les services et les produits pour lesquels on demande conseil à ceux qui nous ressemblent.

- Enfin, le « Communautaire » cultive le sentiment d'appartenance. Naturellement identitaire, il se crée par l'animation de lieux dédiés aux retrouvailles tels que les réceptions (Lobby) des hôtels, les cafés ou encore les ateliers « Fablab » dans les magasins.

Isabelle Cordier

Patrice Duchemin est rédacteur en chef du blog « L'oeil de l'Obs » de l'observatoire Cételem et l'auteur du livre « Le pouvoir des imaginaires », éditions Arkhe.

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