Charançon rouge du palmier Retour sur le rapport de l’Anses
Le rapport publié fin décembre 2018 par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) au sujet du charançon rouge du palmier a entraîné plusieurs réactions.
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Depuis le 1er octobre 2018, les mesures d’urgences au niveau européen destinées à éviter l’introduction et la propagation du charançon rouge du palmier sont abandonnées (1). Cependant, cet insecte reste un organisme de lutte obligatoire sur le territoire français. Pour améliorer la stratégie de lutte et alors qu’un nouvel arrêté doit être pris à ce sujet, le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation avait demandé un avis à l’Anses en 2017.
Dans son rapport publié mi-décembre 2018 (2), l’Anses affirme que le seul scénario possible en Méditerranée contre cet organisme est de limiter sa progression (Voir notre article).
Mais cet avis a suscité la surprise et l’incompréhension de la part de certaines associations et collectivités, pour qui l’éradication est encore possible.
Des reproches faits au rapport de L’Anses
« Pour moi il y a deux problèmes majeurs dans ce rapport, commente Michel Ferry, chercheur et président du Collectif méditerranéen pour la sauvegarde des palmiers. Le premier, c’est que le groupe de travail qui a émis le rapport a une approche de chercheur, alors que l’échec de la lutte contre le charançon est un problème de gestion et d’organisation. Ce côté multidisciplinaire manque dans le rapport. Le deuxième reproche est qu’ils ne disposent pas de données fiables mais ils concluent quand même. Ils n’auraient jamais dû conclure. » Le chercheur a même demandé que l’avis de l’Anses soit retiré.
« Dans l’ensemble, c’est un bon rapport, tempère Hervé Pietra, président de l’association Sauvons nos palmiers. Mon seul regret, c’est qu’il n’y soit pas paru plus tôt ». « Le rapport est fataliste, mais c’est vrai que ça fait dix ans que des moyens sont mis et que rien ne change » signale pour sa part Thibault Crance, responsable activités espaces verts et jardin amateur à Koppert.
Mobiliser les particuliers
« La raison de cet échec n’est pas un problème d’outil mais un problème de coordination entre pouvoir public et privé, c’est ça qui est dommage » poursuit Thibault Crance.
« La lutte doit être organisée de manière à mobiliser tout le monde, y compris les particuliers, abonde Michel Ferry. Le problème est de convaincre les gens de l’intérêt d’une stratégie collective et notamment les particuliers. Les municipalités en général ont fait le nécessaire et certaines continuent à le faire. Mais tous les palmiers doivent être pris en compte pour avoir un résultat. »
Le dépérissement des palmes et la chute du sommet des arbres sont l’œuvre du charançon rouge du palmier. © Léna Hespel
La CAVEM (Communauté d’agglomération Var-Estérel-Méditerranée) a mis en place en juin 2016 une stratégie de lutte collective contre le charançon.
L’objectif est de traiter un maximum de palmiers, notamment par injection de benzoate d’emamectine. Depuis un an, Koppert et la CAVEM ont mis en place en programme qui permet de traiter les palmiers par des solutions biologiques, mais les prix sont plus élevés. La CAVEM a réussi à négocier avec Syngenta le prix de l’injection à environ 70 euros par palmier et par an (3), tandis qu’il faut compter entre 200 et 300 euros en moyenne pour les solutions biologiques.
Cette stratégie, déployée par la CAVEM et qui consiste à traiter en majorité les palmiers des particuliers, semble porter ses fruits. D’après les estimations, 50 % des palmiers ont été injectés dès la première année, ce qui a eu pour conséquence d’interrompre la croissance exponentielle du nombre de nouveaux palmiers infestés.
Originaires des îles de l’Indonésie et des côtes de l’Inde méridionale, les larves de cet insecte dévorent les jeunes palmes avant de coloniser les cœurs et d’y creuser leurs galeries. © Koppert
À l’international
Mais la lutte contre le charançon n’a pas beaucoup de sens à petite échelle et doit être réglementée à une plus large échelle, notamment européenne, pour être plus efficace.
L’espoir d’associations comme celle que Michel Ferry préside est que, si l’on montre que ça marche en France à « grande » échelle, on pourra remonter au niveau européen et faire changer la législation.
D’autre part, l’Europe n’est pas le seul territoire touché par ce ravageur. Le nord des pays d’Afrique du Nord est également touché par le charançon. Mais si cet insecte arrive plus au sud, dans les oasis, la situation pourrait devenir catastrophique, explique Michel Ferry. « S’il y a un exemple que ça marche ailleurs, ils pourraient suivre la même stratégie. »
Léna Hespel
(1) Décision d’exécution 2018/490 de la Commission Européenne du 21 mars 2018
(2) Rapport d’expertise collective de l’Anses « Stratégies de lutte contre le charançon rouge du palmier » 2018.
(3) Le prix de l’injection de benzoate d’emamectine était au départ fixé à 190 euros par Syngenta, qui a le monopole de ce traitement. Elle est critiquée à la fois pour ne pas avoir proposé un prix plus bas plus tôt à tout le monde et pour avoir imposé des conditions à son utilisation.
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